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Édition du jeudi 19 septembre 2024
Environnement

La pollution de l'eau aux PFAS de nouveau à la une de l'actualité

Selon une vaste enquête menée par France info et le réseau France bleu, l'eau potable de nombreuses communes est polluée par des PFAS, aussi appelés « polluants éternels ». En cause : certains industriels et certains produits utilisés par les pompiers. Explications. 

Par Franck Lemarc

En février 2023, le quotidien Le Monde publiait une carte des 17 000 sites pollués par les PFAS en Europe, dont 2 100 « à des niveaux dangereux ». Plus récemment, au début du mois de septembre, c’est le groupe Véolia qui a communiqué sur « la fin de sa campagne d’analyse nationale pour établir un état des lieux de la présence de 20 PFAS dans l’eau potable ». le groupe annonçait alors avoir identifié « une vingtaine de points problématiques »  sur les 2 400 analysés. On se rappelle également que la problématique des PFAS a été mise sur le devant de la scène lors de l’examen d’une proposition de loi écologiste, en avril dernier (lire Maire info du 5 avril), texte proposant d’interdire entre 2026 et 2030 la vente ou l’importation d’une partie des produits contenant des polluants éternels. Ce texte, comme tant d’autres, a vu son parcours brutalement interrompu par la dissolution. 

Qu’est-ce que les PFAS ?

Pour mémoire, les PFAS (substances per- et polyfluoroalkylées) sont une famille de quelque 4 000 composés chimiques aux noms plus imprononçables les uns que les autres, tels que l’acide perfluorooctanesulfonique ou l’acide perfluorooctanoïque. Utilisés pour leurs propriétés lubrifiantes, isolantes ou imperméabilisantes, ces substances sont très largement utilisées dans l’industrie (emballages alimentaires, matériel de glisse, vêtements de pluie, isolants pour câbles électriques, ustensiles de cuisine antiadhésifs, lubrifiants, cires, vernis, peinture…). Ils sont également très présents dans les mousses anti-incendie. 

On les surnomme les « polluants éternels »  parce qu’ils se dégradent très peu et peuvent contaminer l’eau, l’air et les sols pendant des dizaines d’années. On en retrouve également dans les aliments, en particulier les œufs, les poissons et la viande. 

Les effets sur la santé de ces substances sont de mieux en mieux connus. Selon un document publié par la Dreal Auvergne-Rhône-Alpes, les effets scientifiquement prouvés sur la santé sont la diminution de la réponse immunitaire à la vaccination, l’augmentation du taux de cholestérol et/ou de triglycérides, la baisse du poids à la naissance et le cancer du rein. 

43 % des échantillons pollués

La cellule « investigation »  de France info a voulu en savoir plus sur l’ampleur du phénomène, en faisant procéder par les journalistes du réseau France bleu à des prélèvements dans 89 communes, avant de confier ceux-ci à un laboratoire agréé pour la recherche de PFAS. 

Résultat : 43 % des échantillons contenaient des PFAS en quantité variable, dont cinq « à des niveaux préoccupants »  et trois qui dépassent clairement la norme française, fixée à 100 nanogrammes par litre – l’une des communes concernées a un niveau qui en contient presque le double. 

Dans les communes les plus touchées, les causes paraissent assez clairement identifiées : il s’agit ou bien de la présence d’usines chimiques produisant des PFAS, dans la région lyonnaise notamment, ou d’usines utilisant des PFAS dans leur processus de production. Une de ces communes est à proximité d’un centre d’entraînement des pompiers, ce qui pourrait expliquer l’ampleur de la pollution par le ruissellement des mousses anti-incendies dans les égouts. Dans une commune du Rhône, les scientifiques estiment que le niveau élevé de PFAS dans l’eau potable pourrait avoir en partie pour cause un grave incendie – et donc l’utilisation massive de mousse anti-incendie – survenu en… 1987 ! 

Normes et coût de dépollution

Les auteurs de l’enquête relèvent, de surcroît, que certaines concentrations trouvées dans les eaux potables ne sont peut-être pas au-delà des normes françaises, mais qu’elles seraient inacceptables dans d’autres pays. Les normes varient en effet énormément d’un pays à l’autre – y compris d’ailleurs au sein de l’Union européenne. Aux États-Unis, le seuil maximal est de … 4 nanogrammes par litre, à comparer aux 100 nanogrammes en vigueur en France. 

Quoi qu’il en soit, il semble certain que de nombreuses communes, dans les années à venir, vont devoir procéder à de lourds investissements pour tenter de débarrasser l’eau potable des PFAS. Selon France info, le coût de l’élimination des PFAS de l’eau potable à l’échelle européenne approcherait les 240 milliards d’euros ! 

Mais qui va payer ? La proposition de loi débattue en avril à l’Assemblée nationale demande une application plus stricte du principe pollueur-payeur, en ajoutant les PFAS à la liste des substances assujetties à la redevance pour pollution de l’eau : si le texte était adopté, les industriels produisant ou utilisant ces substances seraient contraintes à verser une redevance aux Agences de l’eau, qui pourraient alors, à leur tour, soutenir les collectivités dans les investissements pour dépolluer l’eau. Certaines entreprises choisissent également de prendre les devants, comme le groupe SEB, qui a par exemple annoncé récemment qu’il allait payer les frais de fonctionnement d’une installation de traitement de l’eau potable près d’une de ses usines Tefal, en Haute-Savoie. 

Par ailleurs, il est à noter que les normes françaises vont à nouveau probablement évoluer, dans le sens d’un durcissement : un groupe de chercheurs travaille sur ce sujet, en collaboration avec le Haut conseil de la santé publique, indique France info. 

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