Maire-info
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Édition du vendredi 7 septembre 2018
Sécurité

« Police de sécurité du quotidien » : des évolutions qui interrogent

Le ministre de l’Intérieur, Gérard Collomb, a donné hier sa conférence de presse de rentrée, lors de laquelle il a annoncé que le rapport Fauvergue-Thourot sur l’articulation entre forces d’État, polices municipales et sécurité privée, dont la publication était initialement prévue pour juillet, serait remis mardi prochain, le 11 septembre. Si le contenu de ce rapport n’est pas encore connu, un certain nombre d’indices se dessinent sur ce qui pourrait être la nouvelle doctrine du ministère en la matière.
« J’ai toujours dit que la sécurité devait être une coproduction », a rappelé hier le ministre de l’Intérieur. Une coproduction entre les « trois acteurs de la sécurité »  que sont les forces nationales (police nationale et gendarmerie), les polices municipales et « les sociétés de sécurité privée ». L’organisation de cette « coproduction »  est au cœur du rapport commandé par le ministre aux deux députés LaREM – dont il est peu probable qu’il développe des idées très éloignées de la volonté gouvernementale.
On en sait un peu plus, depuis cet été, sur les orientations du ministère en la matière : une réponse a en effet été publiée, fin juillet, à deux questions de sénateurs demandant des précisions sur le nouveau dispositif de police de sécurité du quotidien (PSQ) – qui sera lancé officiellement le 18 septembre et concernera une quinzaine de quartiers en 2018. Les questions des sénateurs concernaient, précisément, d’éventuelles « directives »  qui auraient été données par le ministère sur la manière « d’associer plus étroitement les polices municipales au fonctionnement de la PSQ ».
Dans sa réponse, datée du 26 juillet, le ministre de l’Intérieur rappelle que la PSQ a vocation à répondre concrètement aux « défis de l’insécurité de tous les jours – nuisance, incivilités, petite délinquance ». Cette police « doit être sur mesure, poursuit le ministre, adaptée aux contextes locaux, et donnant la priorité aux initiatives locales ». « Certains pouvoirs doivent être déconcentrés (vers) les responsables territoriaux de police et de gendarmerie ». Dans ce contexte, « le partenariat et la complémentarité avec les acteurs locaux de la sécurité sont donc au cœur de la PSQ et l'association étroite des polices municipales est une priorité. »  Cette association prendrait la forme de « contrats opérationnels déterminant le rôle de chacun des partenaires », quitte à « adapter », voire « entièrement renouveler »  les conventions entre forces de sécurité nationales et polices municipales. À ce sujet, précise le ministre, « une meilleure répartition des tâches entre les différents acteurs est indispensable ». Et d’ajouter une remarque qui alimentera certainement bon nombre de débats dans les semaines et les mois à venir : « Ces nécessaires évolutions s'inscrivent plus largement dans le rôle accru que les communes doivent avoir dans les politiques locales de sécurité. »  On notera l’usage du verbe « doivent », et non « peuvent ».

Quelle répartition des rôles à l’avenir ?
Cette réponse ministérielle ouvre finalement davantage de questions qu’elle n’en résout. Que seront ces « contrats opérationnels »  et ces « groupes de partenariat opérationnels »  souhaités par le ministre ? Sur quelle base législative ou réglementaire seront-ils mis en place ? Et surtout, va-t-on vers une évolution de la répartition des tâches entre forces de sécurité nationales et polices municipales ? Rappelons que jusqu’à présent la création d’une police municipale est une libre prérogative du maire – moins de 10 % des communes en sont dotées aujourd’hui. Et que le fait d’assurer la sécurité est en principe une prérogative de l’Etat. La petite phrase sur « le rôle accru que les communes doivent avoir dans les politiques locales de sécurité »  est à ce titre révélatrice : elle dit peut-être la volonté du gouvernement de faire évoluer la répartition des rôles en la matière. Ira-t-on, demain, vers une forme de désengagement de l’État de la « sécurité du quotidien », au profit de la seule lutte contre la grande criminalité (terrorisme, crime organisé, etc.) ? En laissant la lutte contre « les incivilités et la petite délinquance »  aux polices municipales… voire aux sociétés de sécurité privée ? Et dans ce cas, que se passera-t-il dans les communes qui ont fait le choix jusqu’à présent de ne pas avoir de police municipale, ou d’en avoir une très réduite ?
Une partie des réponses à ces questions sera sans doute donnée dans le rapport Fauvergue-Thourot, mardi prochain. Rapport dont le ministre n’a pas voulu dévoiler hier les propositions, mais dont il a d’ores et déjà dit qu’il les soutiendrait : « Je peux vous assurer qu’un certain nombre d’entre elles sont très stimulantes et porteuses d’une plus grande efficacité. » 
Franck Lemarc
Accéder à la réponse ministérielle.

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