Édition du vendredi 15 avril 2016
« Nuit debout » : comment assurer la sécurité ?
Le mouvement qui s’est créé à Paris, le 31 mars dernier, à la fin d’une manifestation contre le projet de loi Travail, fait des émules dans plusieurs dizaines de villes du pays, avec des succès divers. Face à ce mouvement, certains maires se sentent quelque peu démunis.
Après la manifestation du 31 mars, à Paris, plusieurs centaines de personnes ont décidé de rester place de la République et de l’occuper. C’est ainsi qu’a démarré le mouvement « Nuit debout », qui prend modèle sur des mouvements similaires qui se sont déroulés en Espagne (les Indignés) ou aux États-Unis (Occupy Wall Street). Depuis, l’idée a essaimé dans plusieurs grandes villes, puis villes moyennes et petites en province et en banlieue parisienne.
À Paris, sur le terrain juridique du moins, les choses sont assez claires : ce sont des associations qui ont déposé auprès de la mairie et de la préfecture de police une demande d’occupation temporaire de l’espace public, qui a été accordée. Si les choses se sont relativement bien déroulées pendant les premiers jours, elles ont dégénéré le week-end dernier, avec des dégradations qui ont conduit la Ville de Paris à demander aux forces de l’ordre d’évacuer la place. Puis, chaque jour, la place est réinvestie, selon les jours, par plusieurs centaines ou plusieurs milliers de personnes – avec régulièrement des affrontements, la nuit, entre forces de l’ordre et certains manifestants, comme la nuit dernière encore. Jusqu’à maintenant, la maire de Paris, Anne Hidalgo, s’est montrée plutôt bienveillante vis-à-vis de ce mouvement, demandant simplement que les lieux ne soient pas dégradés.
Dans la cinquantaine de villes de province où le mouvement cherche à s’étendre, les choses sont parfois plus compliquées, car les occupations de place se font parfois de manière sauvage, sans aucune demande d’autorisation préalable. Les problèmes qui peuvent se poser sont de plusieurs ordres : problèmes de sécurité pour les manifestants eux-mêmes, question des éventuels troubles à la tranquillité du voisinage, possibles dégradations et, enfin, troubles à l’ordre public.
Pour chacun de ces problèmes, les maires ont ou n’ont pas, selon les cas, la possibilité d’intervenir au titre de leur pouvoir de police.
Pour Agnès Le Brun, maire de Morlaix, ville où une « Nuit debout » a démarré la semaine dernière, qui vient d’interroger un certain nombre de ses collègues confrontés à la même situation, « les choses se passent plutôt bien dans la mesure où cela reste le plus souvent de petits groupes ». Parfois, aucune autorisation n’est demandée ; dans d’autres cas, une autorisation ou une demande – par exemple de se voir fournir de l’électricité – est déposée, mais c’est là que se pose un problème : une demande d’autorisation de l’espace ou de la voie publique ne peut être accordée qu’à « une entité disposant d’une personnalité morale ou juridique, c’est-à-dire une association, un syndicat, un collectif dûment constitué », explique Agnès Le Brun. (À ce sujet, l’article L211-2 du Code de la sécurité intérieure est clair. Il dispose de surcroît que la demande doit être déposée en mairie « trois jours francs au moins » avant la manifestation et qu’elle doit être signée par trois organisateurs, avec « nom, prénom et domicile » ).
Les entités qui déposent une demande doivent également, souligne la maire de Morlaix, bénéficier d’une assurance en cours. « Le maire doit assurer la sécurité du rassemblement : or il est impossible d’assurer la sécurité d’un groupe non constitué juridiquement ».
Au-delà, il faut retenir que si le maire détient son pouvoir de police, il n’a pas de compétence en matière de maintien de l’ordre – qui est du pouvoir de l’État. Le maire peut tout à fait prendre un arrêté interdisant une manifestation ou un rassemblement, mais c’est au préfet de le faire exécuter. Là encore le Code de la sécurité intérieure est clair : « Si l'autorité investie des pouvoirs de police [le maire, ndlr] estime que la manifestation projetée est de nature à troubler l'ordre public, elle l'interdit par un arrêté (…). Le maire transmet, dans les vingt-quatre heures, la déclaration au représentant de l'État dans le département. » Reste au préfet, ensuite, dans le cadre d’un rassemblement type Nuit debout, à prendre la décision de faire ou non évacuer les lieux. Pour l’instant, là où de tels arrêtés ont été pris, « l’État n’a pas manifesté le souhait de les faire exécuter », note Agnès Le Brun.
L’élue bretonne souligne également que si des dégradations ont lieu, par exemple des tags, cela représente « un coût de nettoyage pour la collectivité », et que le maire peut déposer une plainte s’il l’estime nécessaire. « En particulier s’il s’agit de tags diffamatoires ».
Enfin, certains maires ou parlementaires ont posé la question de la compatibilité de ces occupations avec l’état d’urgence (encore en vigueur au moins jusqu’au 26 mai). « Du côté des préfectures et de l’État, estime Agnès Le Brun, c’est silence radio sur cette question. On nous répond que « pour l’instant, on ne fait rien ». Cela peut paraître étonnant, dans la mesure où on nous demande à nous, les maires, de protéger les abords des écoles ou des bâtiments publics. Disons qu’il semble y avoir une vision à géométrie variable de l’état d’urgence… ».
Dans la mesure où le mouvement semble s’essouffler, les choses n’iront peut-être pas plus loin. Sinon, il faudra sans doute que l’État, à un moment ou à un autre, apporte aux maires des réponses plus claires sur l’attitude qu’il entend adopter.
Après la manifestation du 31 mars, à Paris, plusieurs centaines de personnes ont décidé de rester place de la République et de l’occuper. C’est ainsi qu’a démarré le mouvement « Nuit debout », qui prend modèle sur des mouvements similaires qui se sont déroulés en Espagne (les Indignés) ou aux États-Unis (Occupy Wall Street). Depuis, l’idée a essaimé dans plusieurs grandes villes, puis villes moyennes et petites en province et en banlieue parisienne.
À Paris, sur le terrain juridique du moins, les choses sont assez claires : ce sont des associations qui ont déposé auprès de la mairie et de la préfecture de police une demande d’occupation temporaire de l’espace public, qui a été accordée. Si les choses se sont relativement bien déroulées pendant les premiers jours, elles ont dégénéré le week-end dernier, avec des dégradations qui ont conduit la Ville de Paris à demander aux forces de l’ordre d’évacuer la place. Puis, chaque jour, la place est réinvestie, selon les jours, par plusieurs centaines ou plusieurs milliers de personnes – avec régulièrement des affrontements, la nuit, entre forces de l’ordre et certains manifestants, comme la nuit dernière encore. Jusqu’à maintenant, la maire de Paris, Anne Hidalgo, s’est montrée plutôt bienveillante vis-à-vis de ce mouvement, demandant simplement que les lieux ne soient pas dégradés.
Dans la cinquantaine de villes de province où le mouvement cherche à s’étendre, les choses sont parfois plus compliquées, car les occupations de place se font parfois de manière sauvage, sans aucune demande d’autorisation préalable. Les problèmes qui peuvent se poser sont de plusieurs ordres : problèmes de sécurité pour les manifestants eux-mêmes, question des éventuels troubles à la tranquillité du voisinage, possibles dégradations et, enfin, troubles à l’ordre public.
Pour chacun de ces problèmes, les maires ont ou n’ont pas, selon les cas, la possibilité d’intervenir au titre de leur pouvoir de police.
Pour Agnès Le Brun, maire de Morlaix, ville où une « Nuit debout » a démarré la semaine dernière, qui vient d’interroger un certain nombre de ses collègues confrontés à la même situation, « les choses se passent plutôt bien dans la mesure où cela reste le plus souvent de petits groupes ». Parfois, aucune autorisation n’est demandée ; dans d’autres cas, une autorisation ou une demande – par exemple de se voir fournir de l’électricité – est déposée, mais c’est là que se pose un problème : une demande d’autorisation de l’espace ou de la voie publique ne peut être accordée qu’à « une entité disposant d’une personnalité morale ou juridique, c’est-à-dire une association, un syndicat, un collectif dûment constitué », explique Agnès Le Brun. (À ce sujet, l’article L211-2 du Code de la sécurité intérieure est clair. Il dispose de surcroît que la demande doit être déposée en mairie « trois jours francs au moins » avant la manifestation et qu’elle doit être signée par trois organisateurs, avec « nom, prénom et domicile » ).
Les entités qui déposent une demande doivent également, souligne la maire de Morlaix, bénéficier d’une assurance en cours. « Le maire doit assurer la sécurité du rassemblement : or il est impossible d’assurer la sécurité d’un groupe non constitué juridiquement ».
Au-delà, il faut retenir que si le maire détient son pouvoir de police, il n’a pas de compétence en matière de maintien de l’ordre – qui est du pouvoir de l’État. Le maire peut tout à fait prendre un arrêté interdisant une manifestation ou un rassemblement, mais c’est au préfet de le faire exécuter. Là encore le Code de la sécurité intérieure est clair : « Si l'autorité investie des pouvoirs de police [le maire, ndlr] estime que la manifestation projetée est de nature à troubler l'ordre public, elle l'interdit par un arrêté (…). Le maire transmet, dans les vingt-quatre heures, la déclaration au représentant de l'État dans le département. » Reste au préfet, ensuite, dans le cadre d’un rassemblement type Nuit debout, à prendre la décision de faire ou non évacuer les lieux. Pour l’instant, là où de tels arrêtés ont été pris, « l’État n’a pas manifesté le souhait de les faire exécuter », note Agnès Le Brun.
L’élue bretonne souligne également que si des dégradations ont lieu, par exemple des tags, cela représente « un coût de nettoyage pour la collectivité », et que le maire peut déposer une plainte s’il l’estime nécessaire. « En particulier s’il s’agit de tags diffamatoires ».
Enfin, certains maires ou parlementaires ont posé la question de la compatibilité de ces occupations avec l’état d’urgence (encore en vigueur au moins jusqu’au 26 mai). « Du côté des préfectures et de l’État, estime Agnès Le Brun, c’est silence radio sur cette question. On nous répond que « pour l’instant, on ne fait rien ». Cela peut paraître étonnant, dans la mesure où on nous demande à nous, les maires, de protéger les abords des écoles ou des bâtiments publics. Disons qu’il semble y avoir une vision à géométrie variable de l’état d’urgence… ».
Dans la mesure où le mouvement semble s’essouffler, les choses n’iront peut-être pas plus loin. Sinon, il faudra sans doute que l’État, à un moment ou à un autre, apporte aux maires des réponses plus claires sur l’attitude qu’il entend adopter.
F.L.
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