« Nous devons vivre avec le virus, pas disparaître avant lui » : la lettre ouverte du CNOSF et de 95 fédérations sportives à Emmanuel Macron
Un nouveau tour de vis sanitaire et des « décisions difficiles » sont sur le point d’être annoncés par Emmanuel Macron pour freiner une épidémie « désormais hors de contrôle », dixit la une du Monde publiée hier. Dans ce contexte, quelle latitude sera accordée aux Français pour la pratique du sport et au mouvement sportif pour l’organiser ? Jusque-là « oublié », considère le sénateur Michel Savin (Isère, Les Républicains), le mouvement sportif français a, lui-même, pris la plume, lundi, pour lancer un « SOS » au président de la République. Le Centre national olympique et sportif français (CNOSF) et 95 fédérations déplorent, dans cette missive, ne pas compter parmi les « priorités » dans la gestion de crise du coronavirus, et dénoncent « une stigmatisation aussi violente qu’infondée ».
« Nos activités sont à l’arrêt dans de nombreux territoires »
Le mot est lâché à trois reprises : le CNOSF et les fédérations sont « désemparés ». « Désemparés de constater que le secteur du sport fédéré, fort de son modèle social et économique unique, porteur de valeurs essentielles au tissu social républicain, ne compte visiblement pas dans les priorités d’action de notre pays en temps de crise », se désolent-ils.
Malgré leurs « efforts » pour mettre au point « les protocoles sanitaires les plus exigeants », validés par les ministères des Sports et de la Santé ainsi que par le Haut Conseil de la santé publique et la Cellule interministérielle de crise, « nos compétitions et manifestations programmées ou reprogrammées sont annulées, souvent à la dernière minute et en raison d’une application excessive et injustifiée des mesures sanitaires par les autorités locales ».
Ils reprochent notamment aux préfectures et aux Agences régionales de santé (ARS) leurs « décisions très disparates, à situations similaires », qui « tuent le sport à petit feu ».
« De nombreux clubs se demandent s’ils pourront passer l’année »
Résultat : « Nos activités sont à l’arrêt dans de nombreux territoires, y compris des zones vertes non soumises au couvre-feu » et le nombre de licenciés s’effondre. Les fédérations dénombrent « déjà plus d’un quart d’adhésions en moins » et « de nombreux clubs se demandent s’ils pourront passer l’année car plus de 80 % d’entre eux, seulement animés par des bénévoles, piliers du sport amateur, restent encore aujourd’hui exclus des dispositifs d’aides prévus au plan de soutien piloté par le ministère de l’Économie. » Michel Savin appelait à ce sujet, le 22 octobre, le Premier ministre Jean Castex, président de l’Agence nationale du sport (ANS) avant de prendre ses fonctions à Matignon le 3 juillet, et la ministre chargée des Sports, Roxana Maracineanu, « à mettre en œuvre des dispositifs spécifiques pour le sport, notamment via un soutien aux pertes de billetterie pour les compétitions sportives et via un soutien aux clubs et fédérations qui subissent près de 25 % de pertes de licenciés » (lire Maire info du 14 octobre). Pour les fédérations, l’enjeu, à présent, est de « vivre avec le virus », « pas de disparaître avant lui ».
L’AMF et France Urbaine interpellent le ministère sur les jauges
Quelques jours plus tôt, le 14 octobre, les présidents de l’AMF et de France urbaine, François Baroin et Johanna Rolland, avaient adressé un courrier à la ministre chargée des Sports, Roxana Maracineanu, pour demander, comme Michel Savin avant eux, « un aménagement des restrictions » dans les équipements sportifs.
Rappelant que les mesures de restriction « pèsent lourdement sur les finances du bloc local » notamment dans les zones de couvre-feu, les maires de Troyes et de Nantes demandent « que l'accueil du public, dans les équipements sportifs où celui-ci est autorisé, et sous réserve du respect des gestes barrières, ne soit plus comptabilisé par une jauge mais par un pourcentage calculé en fonction de la capacité d'accueil dudit équipement. Cette nouvelle modalité de calcul des spectateurs permettrait d'amortir les pertes des clubs pour qui la billetterie et le sponsoring constituent la principale ressource et allègerait les charges des collectivités locales. »
Dans le même courrier, les deux présidents disent « vivement regretter » que les observations des élus « concernant le décret relatif au relèvement du seuil des subventions et des achats de prestations de services versées par les collectivités territoriales aux associations et sociétés sportives » n’aient pas été prises en compte.
« Des pressions supplémentaires sur les collectivités »
Pour soutenir les clubs sportifs professionnels face à la crise, le ministère chargé des Sports propose, en effet, aux collectivités qui le souhaitent de relever provisoirement les plafonds des aides (subventions et achats de prestations de services) qu’elles octroient à ces clubs, dont « les pertes supplémentaires sur les saisons 2019-2020 et 2020-2021 » sont estimées à environ 1,5 milliard d’euros par l’Association nationale des ligues de sport professionnel (ANLSP).
L’impact financier de ce décret pour les collectivités étant estimé à 416 millions d’euros, le collège des élus du Conseil national d’évaluation des normes (Cnen) avait émis de nombreuses réserves que réitèrent François Baroin et Johanna Rolland dans leur courrier. « Les élus craignent que des pressions supplémentaires soient exercées sur les collectivités territoriales pour le versement de subventions en direction du monde sportif professionnel (…) et cela au détriment du soutien indispensable à la pratique amateur, qui ne bénéficie pas nécessairement des mêmes aides économiques instaurées par le gouvernement » (lire Maire info du 8 octobre). Les deux présidents d’associations privilégieraient une diversification des financements de l’écosystème sportif. Ils proposent notamment « une hausse du prélèvement sur les recettes de la Française des Jeux et par une augmentation sur la taxe des droits télévisuels ».
Ludovic Galtier
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