À l'Assemblée, un maigre espoir de pouvoir enfin légiférer sur les raccordements à la fibre
Par Lucile Bonnin
Ce jeudi, le groupe de la Gauche démocrate et républicaine (communistes et apparentés) a choisi, à l’occasion de sa niche parlementaire, de présenter neuf textes au total en séance publique à l’Assemblée nationale.
Dès neuf heures de matin, une proposition de résolution présentée par le député communiste Stéphane Peu visant à abroger la réforme des retraites de 2023 – qui avait progressivement repoussé l’âge légal de départ à 64 ans, et a été adoptée par 49-3 – a été mise au vote. Rappelons qu’une proposition de résolution n’a pas de valeur législative et que, par conséquent, ce vote permet à l’Assemblée nationale d’exprimer symboliquement le rejet de cette réforme, ce qui est une première.
Cette actualité de premier plan a quelque peu éclipsé les autres textes présentés ce jour. Pourtant, le dernier texte inscrit à l’ordre du jour pourrait, s’il est adopté, soulager bien des élus et des citoyens, las de devoir faire face à des dysfonctionnements dans les raccordements à la fibre optique.
« Malgré une généralisation de la fibre optique en France, de nombreux Français sont confrontés à des pannes et à un service de qualité insuffisante, a indiqué Elsa Faucillon, députée communiste des Hauts-de-Seine. Nous souhaitons par conséquent donner des moyens concrets aux collectivités afin de renforcer la responsabilité des opérateurs et de résoudre ces inégalités. »
Encadrer les raccordements et donner des outils aux collectivités
Une proposition de loi visant à réduire les dysfonctionnements des réseaux de communication électroniques à très haut débit en fibre optique par la responsabilisation des opérateurs et la protection des consommateurs a donc été inscrite à l’agenda de l’Assemblée nationale ce jour.
Alors qu’il reste quelques années pour opérer la bascule du cuivre vers la fibre, les dysfonctionnements qui surviennent dans le raccordement à la fibre d’utilisateurs finals (débranchements, câbles emmêlés, malfaçons, etc.) perdurent et inquiètent.
D’ailleurs, cette proposition de loi pour davantage cadrer les déploiements de la fibre est la troisième en la matière (lire Maire info du 20 février). Le sénateur de l’Ain Patrick Chaize avait déposé en juillet 2022 une proposition de loi ayant pour ambition de « contraindre les opérateurs à réaliser les raccordements à la fibre optique dans les règles de l'art et de sécurité » et de « garantir aux consommateurs une connexion Internet de qualité » (lire Maire info du 22 juillet 2022). Cette dernière avait été votée au Sénat en mai 2023 (lire Maire info du 3 mai 2023). Mais le texte est resté bloqué à l’Assemblée nationale. En octobre 2024, une autre proposition de loi du même type avait été déposée à l’Assemblée nationale par Jean-Louis Thiériot, député de Seine-et-Marne, mais n’a jamais été inscrite à l’ordre du jour.
La proposition de loi du PCF « reprend de façon exhaustive les dispositions adoptées par le Sénat » qui sont donc celles du texte porté par Patrick Chaize. Sans revenir dans le détail sur le texte qui avait été voté au Sénat, retenons que ce texte prévoit de fixer un cadre à la mise en œuvre du mode « Stoc » (recours aux sous-traitants en cascade), de renforcer les contrôles sur la qualité du raccordement à la fibre et enfin de protéger les droits des usagers notamment en cas d’interruption du service d’accès à internet. Le mode Stoc est clairement le point névralgique du texte. Ce terme désigne le mode de raccordement des utilisateurs finals à la fibre par lequel l’opérateur d’infrastructure (OI), responsable du réseau, délègue le déploiement des derniers mètres à un opérateur commercial (OC). C’est cette manière d’opérer qui est, depuis le début, largement dénoncée, notamment par l’Avicca. La sous-traitance en cascade serait à l’origine de nombreuses malfaçons constatées dans les communes.
Une nouveauté par rapport à la proposition de loi Chaize est à noter : pour les zones très denses (106 communes en France) et moins denses (zone Amii et zone Amel), les députés proposent qu’en cas de sinistralité de la fibre sur une infrastructure réseau supérieure à 6 mois, le gouvernement ou la collectivité puisse augmenter le montant de la redevance d’occupation du domaine public. De même, en cas de sinistralité de plus de six mois, les députés communistes proposent que la durée de la convention d’occupation du domaine public puisse être réduite par la collectivité territoriale. Ces mesures visent à donner des outils aux collectivités pour pouvoir agir face à des opérateurs qui, bien souvent, n’apportent pas de réponse en cas de problème et se renvoient la balle en termes de responsabilité.
Course contre la montre et sauts d’obstacles
Reste à savoir si en une douzaine heures, les députés auront le temps d’arriver à l’examen de ce neuvième texte – sachant que les discussions, dans le cadre d'une niche parlementaire, doivent obligatoirement s'achever à minuit. D’abord, les discussions autour de la proposition de résolution concernant la réforme des retraites ont pris fin aux alentours de 10 h 30. La résolution a finalement été adoptée à 198 pour et 35 contre. D'autres textes vont désormais être discutés, huit au total (en comptant celui sur la fibre) dont deux qui ont fait l'objet respectivement d'une trentaine et d'une soixantaine d'amendements : la proposition de loi portant plusieurs mesures de justice pour limiter les frais bancaires et celle visant à un meilleur encadrement du Pacte Dutreil.
Au-delà de cet obstacle du temps, et si le texte sur la fibre est effectivement discuté adopté ce jour – ce qui semble peu probable – il ne faudra pas crier victoire trop vite. La proposition de loi de Patrick Chaize semble s’être perdue à l’Assemble nationale depuis juillet dernier. Le sénateur de l’Ain déplore lui-même depuis des années cette impossibilité de légiférer sur ce problème de fibre, qui s’explique par la réticence des opérateurs, renforcée par celle d’un gouvernement convaincu par les opérateurs eux-mêmes. Pendant les discussions au Sénat, le gouvernement s’était en effet fait l’avocat du mode Stoc. En cause : « le lobby », avait indiqué Patrick Chaize lors d’une conférence de presse en octobre dernier. « Certains acteurs dépensent une énergie folle pour bloquer ce texte » , avait-il confié (lire Maire info du 17 octobre).
Une chose est sûre, c’est qu’avec la disparition prochaine de l’ADSL, les interventions expéditives et mal réalisées et les déconnexions vont être de plus en plus mal vécues, la fibre devant devenir l’infrastructure numérique de référence à l’horizon 2030.
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