Maire-info
Le quotidien d’information des élus locaux
Édition du mardi 24 juin 2025
Handicap

École inclusive : le Sénat approuve, à son tour, la généralisation des « pôles d'appui à la scolarité »

Ces structures dédiées aux élèves en situation de handicap devront accompagner davantage d'enfants, dans de meilleures conditions. Face aux multiples craintes, l'exécutif a promis de déployer plus d'enseignants et de professionnels du médico-social dès la prochaine rentrée. 

Par A.W.

Après l’Assemblée, c’est au tour du Sénat de valider la généralisation des « pôles d'appui à la scolarité »  (PAS), malgré les réserves qui entourent ce dispositif en cours d’expérimentation, notamment sur les moyens alloués et son efficacité. 

Une décision qui s’inscrit dans le cadre de l’adoption, à l’unanimité, jeudi dernier, de la proposition de loi visant à « renforcer l'inclusion scolaire des élèves en situation de handicap ». « Une avancée majeure pour améliorer l’accompagnement de ces élèves, simplifier les démarches pour les familles et soutenir les professionnels », s'est félicitée la ministre de l'Education nationale, Elisabeth Borne.

Accompagner davantage d’élèves

Mais pour que cette généralisation voie le jour d’ici la rentrée 2027, avec le déploiement de 3 000 PAS sur le territoire, il reste aux députés et sénateurs à se mettre d’accord sur un texte commun, dans le cadre de la commission mixte paritaire (CMP) qui se réunira prochainement.

Initialement consacré à la création d’un Observatoire sur la scolarisation de ces élèves, la généralisation du livret de parcours inclusif (LPI) ou encore l’ouverture de la formation initiale des AESH aux enseignants volontaires, ce texte défendu par la députée de la Sarthe Julie Delpech (Renaissance) a pris une importance particulière avec l'introduction de cette réforme majeure de l'école inclusive, par le gouvernement, via un amendement lors des débats à l'Assemblée.

Destinés à remplacer les pôles inclusifs d’accompagnement localisés (Pial) – qui n’ont pas répondu aux attentes – , les PAS ont été initialement portés par l’ancien gouvernement dans le but d'accompagner davantage d'enfants. Ceux-ci incluent, en effet, l'ensemble des élèves à « besoins éducatifs particuliers », et pas seulement les élèves en situation de handicap. 

En outre, l’objectif était de simplifier et de favoriser l'intervention de personnel médico-social dans l'école, en renforçant notamment le rôle de l'Education nationale (avant saisine éventuelle de la MDPH) dans l'évaluation des besoins de l'enfant. 

Dans l’exposé des motifs de son amendement, le gouvernement expliquait ainsi que chaque PAS deviendrait « l’organe opérationnel de coordination pour l’organisation de la réponse aux difficultés d’un élève »  (adaptation pédagogique, matériel adapté, aide humaine, ou mobilisation de professionnels médico-sociaux).

« Efficacité »  ou « précipitation » ?

Depuis la rentrée scolaire, les élèves en situation de handicap profitent, d’ailleurs, déjà de cette nouvelle prise en charge, de manière expérimentale, dans les quatre départements de l’Aisne, de la Côte-d’Or, de l’Eure-et-Loir et du Var. Et ce, via une centaine de PAS.

Une expérimentation qui aurait permis de conclure à « la pertinence et l’efficacité »  de ce dispositif, selon le gouvernement qui estimait, dans son amendement, que « les PAS sont unanimement salués par les acteurs de terrain ». Il s’est félicité ainsi « des délais de réponse remarquablement courts, illustrant la capacité du dispositif à répondre à des situations urgentes et complexes ».

Alors que la commission sénatoriale regrettait de son côté une réforme faite dans « la précipitation et sans étude d’impact », l’exécutif a reconnu des « points de vigilance ». Ces derniers appelant « une clarification du cadre national : définition des missions, articulation entre coordination et intervention directe, équilibre entre cadrage central et marges locales d’adaptation ».

Dans ce contexte, la chambre haute a largement modifié la proposition de loi. S’ils ont maintenu la création de ces pôles d’appui, les sénateurs disent avoir « apporté des garanties », d’une part, pour « éviter tout transfert à l’Éducation nationale de compétences exclusives dans l’identification, la définition de besoins relevant du domaine social ou médical ou dans la mise en œuvre des compensations prévues par la maison départementale des personnes handicapées (MDPH) ».

D’autre part, des modifications ont été apportées pour « s’assurer d’une co-participation effective du secteur médico-social à ce dispositif ». Ils ont aussi amélioré la prise en charge des élèves en situation de handicap « par des dialogues plus fréquents entre les AESH, la MDPH et le PAS ». 

Pour sa part, l’AMF souligne, ce matin, « l’impérieuse nécessité d’associer préalablement les maires au déploiement des PAS, comme le prévoit le protocole qu’elle a signé le 8 avril 2025 avec Elisabeth Borne et Marie Barsacq ». En outre, s’agissant du renforcement de la place du médico-social dans l’école, l’association appelle à « un accompagnement des collectivités pour répondre aux besoins spécifiques d’accueil de ces enfants ».

Budgets et personnels supplémentaires 

S'inquiétant d'un « manque de recul »  sur l'efficacité de ces structures, plusieurs sénateurs ont également émis des doutes quant aux moyens mis en œuvre, notamment pour faire face à l'augmentation du nombre d'élèves accompagnés. 

« Vous nous demandez de jouer aux apprentis sorciers avec la vie et l'avenir de centaines de milliers d'enfants en situation de handicap », a ainsi déploré la sénatrice socialiste Colombe Brossel (Paris), en estimant que « des interrogations et des inquiétudes »  persistent. « On y va un peu à la confiance », a répondu, désolé, le sénateur LR Cédric Vial. 

Pointant notamment une généralisation des PAS « sans avoir régler [certains] problèmes », Colombe Brossel a dénoncé le fait que l'on « va dire aux familles et aux parents d’enfants en situation de handicap : "Les PAS vont permettre d’avoir plus rapidement du matériel adapté". Eh bien, ce ne sera pas vrai ! ».

Alors que 400 PAS supplémentaires ont été annoncés pour la rentrée de septembre, la ministre des Personnes handicapées, Charlotte Parmentier-Lecocq, a assuré que cela se traduisait bien par « des budgets supplémentaires », avec 400 enseignants et 800 professionnels du médico-social (en équivalent temps plein) en plus dès la prochaine rentrée.

« De la même manière, pour la rentrée scolaire de 2026, 400 millions d’euros sont prévus pour le médico-social au service des quelque 3 000 PAS qui seront répartis sur l’ensemble du territoire », a-t-elle ajouté.

En forte augmentation depuis 20 ans avec désormais plus de 513 000 enfants en situation de handicap scolarisés en milieu ordinaire, l’école inclusive est « à bout de souffle », selon la commission sénatoriale.

Pour rappel, la scolarisation de ces élèves s’est principalement faite en s’appuyant sur l’accompagnement humain des AESH, dont le nombre était à la rentrée 2024 d’un peu plus de 134 000. Reste que, en 2023, 75 % des enseignants du premier degré déclaraient avoir des difficultés fréquentes ou très fréquentes avec des élèves « désignés comme perturbés ou à troubles du comportement ». 

Par ailleurs, les délais de traitement des dossiers par les MDPH étaient « en moyenne 170 jours au premier trimestre 2023 avec des disparités territoriales importantes (notamment 250 jours dans le Finistère), auxquels s’ajoutent ensuite les délais d’obtention du matériel pédagogique ou la mise en place d’un accompagnement humain », a rappelé la commission sénatoriale.

Consulter le texte adopté.
 

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