Rôle des élus dans le développement des énergies renouvelables : les paroles et les actesÂ
Par Franck Lemarc
C’est à Saint-Nazaire que le premier parc éolien off-shore a été inauguré hier, avec ses 80 éoliennes géantes en partie construites sur les chantiers navals de la commune. Dès l’an prochain, un deuxième parc devrait être inauguré au large de Saint-Brieuc, puis deux autres, en Normandie, avant 2025.
Lors d’un point presse organisé à cette occasion, Emmanuel Macron a décrit les « leviers d’accélération » qu’il envisage pour atteindre les objectifs fixés : multiplier par 10 d’ici 2050 la production d’énergie solaire, développer 50 parcs éoliens off-shore et doubler le nombre d’éoliennes terrestres. En sachant qu’à l’heure actuelle, un projet comme celui de Saint-Nazaire a mis douze années pour se réaliser.
De bonnes intentions
Le chef de l’État a donc demandé « comment accélérer », pour réduire à « 5 ou 6 ans » le montage d’un projet éolien. Parmi les réponses qu’il a évoquées, celle d’une plus grande « association des élus », qui ont « une compréhension très fine des réalités économiques et géographiques ». Le président de la République souhaite donc associer les élus à une « planification territoriale », « engager très en amont les élus qui seront coproducteurs », « bâtir une mise en œuvre très territoriale ».
En passant, le chef de l’État a également dit souhaiter la généralisation du montage financier qui a été acté pour le parc éolien de Saint-Nazaire : les 9 millions d’euros de recettes fiscales générés par ce parc seront répartis entre les communes littorales, les pêcheurs, l’Office français de la biodiversité et les sauveteurs en mer. Les communes littorales en percevront 50 %. Emmanuel Macron a dit vouloir inscrire dans la loi ce dispositif, tout en se disant ouvert à la discussion sur les « clés de répartition ».
Autant d’éléments dont les élus ne peuvent que se féliciter… sauf que le contenu du projet de loi relatif à l’accélération des énergies renouvelables, qui sera l’un des premiers à être discuté dans cette mandature, est, sur ces mêmes questions, beaucoup moins réjouissant.
Quasi-suppression du débat public ?
Ce texte, comme son nom l’indique, vise à simplifier et accélérer les procédures sur tous les projets liés aux énergies renouvelables : solaire, éolien, hydrogène renouvelable, recyclage et valorisation énergétique des déchets. Il prévoit des mesures de révision de la procédure d’autorisation environnementale (AE) et d’enquête publique. En vrac, les seuils de soumission à AE et à enquête publique seraient relevés, les concertations et les consultations seraient regroupées, la mise en compatibilité des documents d’urbanisme serait accélérée. Les possibilités de contentieux seraient limitées en faisant jouer la « raison impérative d’intérêt public ». Enfin, plusieurs dérogations à la loi Littoral et à la loi Montagne sont prévues, pour faciliter l’implantation d’installations d’énergies renouvelables.
Autrement dit, tout en poursuivant un louable objectif d’accélération de la production d’énergies renouvelables, ce projet de loi détricote en grande partie les dispositifs qui ont été mis en place, au cours des années, pour permettre à la fois une certaine acceptabilité de ces projets par la population et pour protéger l’environnement et la biodiversité.
En particulier, si le projet de loi était adopté en l’état, il aurait pour effet de quasiment supprimer le débat public. Cette disposition, que l’AMF juge « déraisonnable », ne pourra qu’être très mal reçue par la population, notamment dans les territoires ruraux, et ce seront les maires qui en payeront le prix. En voulant réduire les contentieux, le gouvernement risque, au contraire, de les aggraver.
Les choses ne sont toutefois pas figées, et il est question, semble-t-il, de supprimer du texte qui sera officiellement présenté en Conseil des ministres l'article consacré au débat public.
Recentralisation
Mais là où apparaît de façon la plus criante la contradiction entre les intentions affichées hier par le chef de l’État et la réalité contenue dans le projet de loi, c’est à l’article 5 de ce dernier, qui permet aux préfets, c’est-à-dire à l’État, d’intervenir directement pour porter atteinte à l'économie générale des projets d’aménagement et de développement durable (PADD) des SCoT ou des PLU. Alors que jusqu’à présent, seuls les EPCI et les communes avaient la possibilité d’intervenir sur l'économie générale du PADD, le texte prévoit que les préfets, via la procédure dite de « déclaration de projet », pourront imposer les projets qu’ils ont approuvés aux communes et aux EPCI. Ce que David Lisnard, président de l’AMF, a résumé simplement lors de son audition devant les députés, avant-hier, en déclarant : « L’article 5 dispose que sur des installations d’énergies renouvelables, les préfets auront le pouvoir de se substituer aux maires pour adopter les documents d’urbanisme », avant de qualifier cette disposition « d’inacceptable ».
Rappelons en effet que les documents d’urbanisme portés par les communes et les EPCI sont le fruit d’une procédure de concertation avec les habitants, et que les maires et présidents d’intercommunalité sont, ensuite, comptables devant la population de l’application de ces prescriptions. Si, demain, les PADD doivent obligatoirement être rendus compatibles avec des projets imposés par les préfets, cela revient à une forme de recentralisation de la compétence d’urbanisme.
D’autant que le projet de loi ne prévoit, par exemple sur les dérogations aux lois Littoral et Montagne, aucun dispositif de concertation avec les communes et EPCI, ni même leur consultation.
Si l’on ajoute à cela le casse-tête que va représenter la double injonction de dégager du foncier pour installer des énergies renouvelables, d’une part, et de respecter les règles du Zéro artificialisation nette (ZAN), d’autre part, on se demande bien comment les communes et EPCI vont pouvoir trouver des terrains pour construire des logements ou des écoles.
On ne peut donc une fois de plus, que constater qu’il y a un fossé entre les intentions – très positives – annoncées par l’exécutif, consistant à impliquer fortement les élus dans les choix relatifs aux énergies renouvelables, et la réalité des textes, qui revient au contraire à leur enlever encore un peu plus de pouvoir.
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