Énergies renouvelables sur le littoral : le silence de l'administration vaut implicitement « rejet »
Par A.W.
Dans quelles conditions les autorisations dérogeant aux restrictions de la loi Littoral – qui concerne plus de 1 200 communes – pour les ouvrages d’énergies renouvelables seront-elles appliquées ? Dans un décret d’application paru jeudi dernier, le gouvernement répond à cette question en fixant les modalités de délivrance des nouvelles dérogations introduites par la récente loi d'accélération de la production d'énergies renouvelables (ces articles 27, 37 et 66).
Des exceptions qui bénéficieront, d'une part, aux « ouvrages du réseau public de transport d'électricité nécessaires au développement de l'éolien en mer et à la décarbonation des industries » et, d'autre part, aux « ouvrages nécessaires à la production d'énergie solaire photovoltaïque ou thermique sur des friches ou des bassins industriels de saumure saturée ».
« Strict contrôle » au préalable
Permettant de s’affranchir des dispositions protectrices de la loi Littoral, le bénéfice de ces dispositifs dérogatoires sera ainsi « soumis à l'obtention d'une autorisation spéciale de l'État délivrée au cas par cas », expliquent les ministres de la Transition énergétique et de la Transition écologique, Agnès Pannier-Runacher et Christophe Béchu, dans le décret, dont l’objet principal est de déroger à la règle selon laquelle le silence gardé par l'administration sur une demande vaut acceptation.
« Le silence gardé » par les ministres chargés de l'urbanisme et de l'énergie sur les demandes d'autorisation vaut donc, désormais, « décision implicite de rejet ».
« L’objet de ces autorisations est de permettre de déroger à des règles de protection particulièrement importantes pour la sauvegarde des secteurs littoraux et leur caractère exceptionnel s’oppose ainsi à ce qu’elles puissent faire l’objet de décisions d’acceptation tacite », justifie ainsi l’exécutif, dans le compte-rendu du dernier Conseil des ministres, qui s’est tenu mercredi dernier.
Du fait que « les communes littorales sont des espaces à forts enjeux environnementaux et paysagers », celui-ci souligne qu’il « convient donc de s’assurer qu’un projet ne pourra pas bénéficier d’une dérogation aux dispositions protectrices de la loi dite littoral sans avoir fait l’objet au préalable d’un strict contrôle du respect des conditions définies par la loi ». Raison pour laquelle, il est « nécessaire » que ces autorisations ne puissent pas être délivrées de façon tacite.
L’objectif est ainsi d’assurer « une bonne conciliation » entre l’objectif d’accélération des énergies renouvelables et les enjeux de protection du littoral, selon le gouvernement.
Décision implicite au bout de quatre mois de silence
Au regard de « la complexité de la procédure d'instruction des demandes d'autorisation », celui-ci a, en outre, décidé « d'allonger » le délai durant lequel l’administration est censée répondre, le portant de deux mois à quatre mois. Le silence gardé par l’administration vaut ainsi « décision implicite de rejet à l'expiration d'un délai de quatre mois ».
« La nécessité de réunir la commission départementale de la nature, des paysages et des sites, qui doit donner son avis sur le projet et, le cas échéant, de mener une procédure de consultation du public donne à la procédure un caractère de complexité qui justifie la fixation d’un délai dérogatoire de quatre mois », estime ainsi l’exécutif.
S’agissant des ouvrages nécessaires à la production d'énergie solaire photovoltaïque ou thermique sur les friches littorales, le décret nomme le ministre chargé de l'Urbanisme comme autorité compétente pour délivrer les autorisations.
Pour ce qui du raccordement électrique des ouvrages des projets de décarbonation des industries, le décret donne la possibilité de « modifier par décret en Conseil d'Etat » le « délai à l'expiration duquel sont acquises les décisions implicites de rejet ».
Éolien en mer : des concertations locales à l’automne
Alors qu’Emmanuel Macron a annoncé vouloir 50 parcs éoliens en mer à l'horizon 2050 (ce qui correspond à un objectif de 40 gigawatts (GW) d'éolien offshore), la ministre de la Transition énergétique a indiqué, il y a 15 jours, que cet objectif constituait « un plancher ».
« Cet objectif de 40 GW, c'est très clairement un plancher, probablement pas un plafond. Ça va être un des enjeux de la loi de planification énergétique sur laquelle nous travaillons en ce moment », a assuré Agnès Pannier-Runacher, lors du salon des énergies renouvelables marines Seanergy, en rappelant que ces 40 GW prévus en 2050 représenteraient « environ un quart de notre électricité ».
Reste que, pour l’heure, un seul parc de 80 éoliennes est en service (d’une puissance de 500 MW), depuis l’an dernier au large de Saint-Nazaire, et que deux autres sont prévus en 2023, à Saint-Brieuc et à Fécamp, et un autre, au large de Noirmoutier, en 2025.
Très en retard par rapport à ces voisins sur ce sujet (le Royaume-Uni a déjà atteint une puissance de 14 000 MW et l'Allemagne de 8 000 MW), la France doit faire face à la grogne des riverains et des professionnels de la mer, comme par exemple à Dunkerque où la construction de 46 éoliennes est annoncée au large de la ville en 2028.
Pour répondre à leur colère et prévenir la tentation d’éloigner toujours plus loin les éoliennes des côtes, le gouvernement vient donc de demander aux préfets d'organiser des concertations locales, qui devront se tenir à l'automne 2023, afin d'établir une cartographie des zones d'implantation.
Agnès Pannier-Runacher a, d’ailleurs, confirmé, lors du salon des énergies renouvelables, une autre zone d'implantation, au large du golfe de Fos-sur-Mer, pour un parc flottant de 250 MW (10 à 20 éoliennes) à horizon « 2031 ».
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