Énergies renouvelables : la question du rôle des maires au coeur des débats
Par Franck Lemarc
Le texte issu du Sénat a d’abord été examiné par deux commissions de l’Assemblée nationale (Développement durable et Affaires économiques) et a été presque entièrement récrit. Presque 360 amendements ont été adoptés en commissions, avec pour résultat un détricotage complet du texte laborieusement élaboré après des jours de débats au Sénat.
Mais l’histoire est loin d’être finie : arrivé en séance publique hier, le texte fait maintenant l’objet de presque 3 000 amendements (2 941 précisément) ! Il paraît tout simplement impossible que tous les amendements soient examinés, dans la mesure où le gouvernement a limité le temps d’examen de ce texte à 30 heures. Les débats doivent prendre fin vendredi prochain – et la première journée de débats, hier, a déjà été presque entièrement consacrée à la discussion générale et non à la discussion des articles. On peut donc s’attendre, une fois encore, à de furieux débats de procédure pendant cette semaine – certains groupes d’opposition accusant déjà le gouvernement de « museler » le débat en limitant ainsi le temps d’examen de ce texte.
« Zones d’accélération »
Inutile donc de faire la liste des innombrables articles supprimés du texte issu du Sénat et des ajouts faits en commission, tant il est certain que le texte va encore être modifié en profondeur cette semaine.
Mais il faut noter que dans ces débats, la question de l’acceptabilité des installations de production d’énergies renouvelables et du poids des élus dans les décisions d’implantation a été centrale. On se souvient, pas exemple, que les sénateurs avaient commencé par imposer un droit de décision (avis conforme) des maires sur l’implantation des éoliennes – souvent appelé « droit de véto », mais de façon impropre, puisque les maires avaient la possibilité de refuser mais aussi d’accepter. Le Sénat a ensuite, en séance, supprimé l’avis conforme des maires, et introduit dans le texte la notion de « définition de zones propices à l’implantation d’installations de production d’énergie renouvelable », définition qui se ferait « en concertation entre l’État et les collectivités ».
Ce dispositif a été supprimé en commissions par les députés. Mais il a été remplacé, à l’article 3, par un dispositif assez similaire, baptisé « zones d’accélération pour l’implantation des énergies renouvelables ». Les communes seraient appelées à définir ces « zones d’accélération » sur leur territoire. Mais si celles-ci sont « insuffisantes pour atteindre les objectifs », les préfectures pourraient en désigner d’autres... sans que l'on comprenne vraiment, à cette heure, si l'État aura les moyens de les imposer ou non.
Plans territoriaux de paysage
Les députés ont introduit un nouveau dispositif baptisé « Plan territorial de paysage ». Ces plans, apparemment obligatoires, seraient constitués d’un « document d’orientation et d’objectifs » et d’un « programme d’actions ». Ils devraient définir « des orientations générales d’organisation de l’espace paysager », dont « le développement ou le maintien des activités économiques, agricoles, artisanales, industrielles et forestières », et inclure des objectifs en matière de développement « des systèmes de production et de transport d’énergie issue de sources renouvelables ».
Le point le plus important est que dans ce dispositif, les communes n’ont pas la parole : le plan territorial de paysage serait élaboré uniquement à l’échelle des EPCI ou des syndicats mixtes. Ce dispositif, en l'état actuel du texte, apparaît redondant avec les PLUI et les SCoT.
Dérogation automatique
Certains amendements adoptés en commission vont dans le sens d'un affaiblissement du rôle des maires, comme la suppression de l'avis conforme du maire pour les installations en zones de montagne ou littorales. Typique de cette façon de voir les choses, un amendement parmi d’autres, à l’article 7, qui traite des installations photovoltaïques. Cet amendement, adopté en commission, dispose que des panneaux solaires peuvent être installés aux abords des routes même si les dispositions du PLU l’interdisent. « Certains documents d’urbanisme prévoient des inconstructibilités aux abords des routes et autoroutes », écrivent les auteurs de l’amendement, et la modification d’un PLU est souvent « longue et malaisée ». Les députés ont donc instauré une dérogation « automatique » aux règles du PLU.
Les communes « auront le dernier mot »
Il faut cependant noter que la discussion générale, hier, en séance publique, a donné une large place à la question du rôle des élus locaux. Il faudra voir, une fois de plus, si les actes correspondent aux paroles, mais le gouvernement, représenté par la ministre de la Transition énergétique, Agnès Pannier-Runacher, a insisté sur la nécessité d’une concertation « locale ». Il s’agit de « construire une véritable méthode de planification des énergies renouvelables, au niveau territorial, conduite par les élus de terrain », a par exemple déclaré la ministre. Et d’insister : « Nous donnerons [aux élus locaux] le pouvoir de décider. (…) Ce sont elles qui proposent et elles qui auront le dernier mot. »
Le rapporteur de la commission des affaires économiques, Henri Alfandari, est allé dans le même sens, en déclarant, à propos de l’implantation des éoliennes, que « confier ce rôle aux élus locaux s’impose en effet comme une évidence : il s’agit de redonner cette mission aux acteurs proches des concitoyens, qui connaissent mieux que quiconque leur terrain et ses spécificités ». C’est, en effet, la position que défendent les associations d’élus.
La ministre a explicitement déclaré que « aucune (commune) ne pourra se voir imposer une zone d’accélération sur son territoire » – ce qui semble contradictoire avec la rédaction actuelle de l’article 3. Débat à suivre de près.
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