Les énergies renouvelables atteignent des niveaux historiques en France
Par Franck Lemarc
Publié par l’Observatoire des énergies renouvelables, en coopération avec l’Ademe et la FNCCR, ce baromètre annuel est un outil précieux pour mesurer la progression des EnR. Il peut, comme toujours, être interprété avec plus ou moins de pessimisme ou d’optimisme. Côté verre à moitié vide : année après année, les objectifs fixés dans les lois de programmation pluriannuelle de l’énergie ne sont pas atteints. Côté verre à moitié plein : avec 32 % de l’électricité consommée issue des EnR, la France n’a jamais autant produit d’électricité « verte ». Les collectivités territoriales jouent toujours un rôle considérable dans le développement des énergies renouvelables, mais les inquiétudes qui pèsent sur leurs capacités financières ne rassurent pas sur l’avenir.
30 % du mix
Peu à peu, le paysage de la production électrique se transforme en France. Alors que, sur 25 ans, la production d’électricité reste à peu près stable – autour de 500 TWh, les modes de production renouvelables gagnent peu à peu du terrain. En 2000, quasiment 100 % de l’électricité produite dans le pays était issue de trois sources : le nucléaire, les centrales thermiques à énergie fossile (gaz, charbon, fioul…) et l’hydroélectrique. 25 années plus tard, l’éolien et le photovoltaïque occupent désormais une part de moins en moins marginale dans la production.
Les énergies renouvelables ont permis de produire, en 2023, 139 TWh d’électricité, soit presque 30 % du total. Mais attention, ce chiffre est un peu en trompe-l’œil, car il inclut l’hydroélectricité, qui représente depuis des décennies une part importante de la production électrique française. Il n’empêche : les énergies éolienne et photovoltaïque progressent de façon significative, avec respectivement 37 % et 16 % de la production EnR totale. Ces trois énergies (hydroélectricité, éolien terrestre et photovoltaïque) représentent à elles seules 93 % de la production d’EnR en France, les autres énergies (géothermie, biogaz, biomasse…) n’ayant qu’une part marginale.
Ce chiffre de presque 30 % dans le mix énergétique français est un réel succès (il faut rappeler qu’il était de 13,8 % il y a vingt ans), mais il reste inférieur à la trajectoire fixée par l’État. En réalité, à part en 2005, ces objectifs n’ont jamais été atteints. En 2020, l’objectif était de 27 %, et le réalisé de 24,8 %. Le prochain objectif est de 35 % en 2030. Selon les auteurs du baromètre, il est « atteignable ». Mais il faut rappeler que cet objectif a été revu à la baisse dans la nouvelle PPE (programmation pluriannuelle de l’énergie), puisqu’il était auparavant de 40 %.
D’un point de vue économique, la filière de l’EnR atteint des niveaux encore jamais vus : son chiffre d’affaires global est aujourd’hui de 31,7 milliards d’euros et le secteur emploie quelque 84 000 salariés.
L’éolien très inégalement réparti
Derrière l’hydroélectricité, c’est l’éolien terrestre qui est solidement installé sur la deuxième marche du podium de la production d’EnR, avec 37 % de la production et une capacité installée de 23 GW. Si « l’accélération longtemps espérée par le secteur n’est pas encore à l’ordre du jour » , notent les auteurs du baromètre, la croissance est extrêmement importante si l’on regarde les chiffres à l’échelle de deux décennies : la puissance raccordée a tout simplement été multipliée par 100 en une vingtaine d’année, passant de 244 MW à 23 000.
Le parc éolien français est toujours extrêmement disparate selon les régions. La région la plus dynamique en la matière (les Hauts-de-France) a une puissance installée 69 fois supérieure à celle du plus mauvais élève (Paca) ! Les deux régions cheffes de file en matière d’éolien restent les Hauts-de-France (6 699 MW raccordés) et le Grand est (4 810 MW), les plus retardataires étant toujours la Paca (97 MW) et l’Île-de-France (146 MW).
Les rapporteurs notent que le développement de la filière demeure marqué par un cadre « rigide », de nombreuses contraintes réglementaires et des procédures administratives « lourdes ». La loi de mars 2023 instaurant les Zaer (zones d’accélération des énergies renouvelables) n’a pas encore produit tous ses effets, observent les rapporteurs, mais à mi-2024, les choses se sont accélérées : « 327 000 zones d’accélération ont été saisies par 6 500 communes », mais davantage pour des projets photovoltaïques qu’éoliens.
Le photovoltaïque accélère
C’est bien, en effet, le photovoltaïque qui est aujourd’hui la filière la plus dynamique en France, avec une brutale accélération par rapport à 2020 : sur les seuls trois premiers trimestres de 2024, près de 4 GW ont été raccordés (contre 1 GW sur toute l’année 2020). Le chiffre d’affaires de la filière a augmenté de 27 % en 2023, atteignant 12,3 milliards d’euros. La puissance installée a été multipliée par 6 depuis 2012.
Sans surprise, ce sont les régions situées au sud de la Loire qui tiennent le haut du pavé, la cheffe de file étant la région Nouvelle-Aquitaine avec 5 317 MW raccordés en septembre 2024 (à comparer avec les 420 MW de la Normandie).
Les explications de cette soudaine accélération sont connues : d’une part, la libéralisation de l’autoconsommation, qui a boosté les petites installations (moins de 9 kW) ; d’autre part, l’obligation désormais inscrite dans la loi d’équiper les toitures des entrepôts, hangars et parkings nouvellement construits de panneaux photovoltaïques, qui a fait exploser le raccordement des installations de 100 à 250 kW depuis 2022.
Les auteurs du rapport notent une forte progression de l’autoconsommation collective, essentiellement portée par les collectivités.
Une place marginale pour les autres filières
Les autres filières restent nettement plus modestes. Le parc de production par biomasse (essentiellement le bois, par cogénération chaleur/électricité) progresse « très peu » (aucun appel d’offres depuis 2018). La production issue du biogaz (méthanisation) est « en recul pour la deuxième année consécutive », bien que les objectifs de la PPE2 aient été atteints. La géothermie, enfin, (citée par le Premier ministre François Bayrou dans son discours de politique générale comme une forme de production d’énergie à soutenir) reste extrêmement marginale : avec 16,7 MW fin 2024, elle n’a pas atteint l’objectif de 24 MW fixé par la PPE2. (Précisons que l’on parle ici de la production d’électricité par géothermie et non de la production de chaleur.)
Enfin, de grands espoirs sont placés dans l’éolien en mer, qui reste balbutiant aujourd’hui mais devrait connaître un important développement dans les années à venir, puisque l’objectif est de 18 GW installés en 2035 et 40 GW en 2050 (contre 1,4 installé aujourd’hui). Trois sites ont été ouverts depuis 2022 (Saint-Nazaire, Saint-Brieuc et Fécamp), mais de nombreux autres sont en cours d’instruction, à des niveaux d’avancement variés (Courseulles, Yeu, Dunkerque, Barfleur, Oléron…). Quatre projets sont également prévus à plus long terme en Méditerranée.
En conclusion du baromètre, le directeur général de la FNCCR, Charles-Antoine Gautier, rappelle que « les collectivités territoriales sont au cœur de la planification énergétique locale » , et qu’une diminution des moyens de celles-ci serait un très mauvais signe pour le développement des EnR : « Moins de ressources pourrait les contraindre à revoir leurs objectifs à la baisse. (…) Elles jouent un rôle clé dans le financement et la mise en œuvre de projets d’énergies renouvelables. La transition énergétique nécessitant des investissements massifs, si les collectivités manquent de moyens, les projets en cours seront ralentis ou annulés. »
Cet avertissement paraît particulièrement d’actualité, au moment où le gouvernement et le Parlement s’apprêtent à voter un budget dans lequel les ressources des collectivités locales sont sévèrement amputées.
Suivez Maire info sur Twitter : @Maireinfo2

Égalité femmes-hommes : la Cour des comptes fustige un « portage politique en trompe-l'oeil »
Pour Ville et banlieue, les banlieues ne sont (toujours pas) le problème, mais la solutionÂ
Crues: après l'Ille-et-Vilaine, la vigilance rouge s'étend au Morbihan et à la Loire-Atlantique
