Éolien : les sénateurs introduisent un avis conforme pour les maires
Par Franck Lemarc
Après son passage dans trois commissions différentes du Sénat (aménagement du territoire, économie et culture), le texte soumis au Parlement par le gouvernement a bien changé. Si les sénateurs ont salué « un texte bienvenu », ils ont également souligné ses « lacunes » et fait diverses propositions pour les combler.
Retards et « lacunes »
Rappelons que ce texte, qui intervient en pleine crise énergétique, vise à accélérer la réalisation des projets d’énergies renouvelables (EnR), notamment éoliens et photovoltaïques. Le texte initial prévoyait surtout le raccourcissement d’un certain nombre de procédures (notamment la consultation publique) avec l’objectif de diviser par deux le temps d’instruction des dossiers, qui se compte de toute façon en années.
Les sénateurs ont souligné le retard pris par rapport aux objectifs de développement des EnR. Sur l’éolien en mer, notamment, ils ont rappelé qu’un objectif de 2,4 GW installés en 2023 a été fixé, et que seuls 0,48 GW le sont à ce jour. Ils ont jugé le texte, de ce point de vue, « précipité, insuffisant et lacunaire » : « Peu de mesures sont de nature à accélérer substantiellement les projets », note la commission à l’aménagement du territoire dans son rapport, qui reproche un texte « totalement muet sur ce qui empêche véritablement les projets d'avancer : le manque d'acceptabilité ».
Logique « ascendante »
C’est pour améliorer cette « acceptabilité » que les sénateurs ont ajouté plusieurs longs articles en préambule du texte, consacré à la « planification territoriale ». Objectif : passer d’une logique de décision « descendante » à une logique « ascendante », c’est-à-dire « où collectivités territoriales et citoyens contribuent, au plus près du terrain, à la politique énergétique du pays ».
Dans cette logique, les sénateurs proposent que les zones « propices à l’implantation de sites de production d’EnR » soient identifiées, d’abord, par les maires, puis par les EPCI, avant validation de ces propositions par les comités régionaux de l’énergie. Pour établir ces listes, les communes « recourent à une procédure de concertation préalable du public, selon des modalités qu’ils déterminent librement ». Une fois validées par les comités régionaux, ces listes le seraient par le Conseil d’État et feraient l’objet d’un décret. Le décret, précisent les sénateurs dans leur version du texte, ne pourrait « identifier de zones qui ne figureraient pas dans les listes » proposées par les communes.
On est bien, en effet, dans une logique « ascendante ».
Deuxième point essentiel ajouté par les sénateurs : le droit de véto des maires sur les éoliennes. Le nouvel article 1C précise que tout porteur de projet d’éolienne doit adresser au maire, en amont du dépôt de la demande d’autorisation environnementale, « un résumé non technique de l’étude d’impact ». Après échange d’observations entre le porteur de projet et le maire, « le conseil municipal peut alors se prononcer par délibération motivée, soit en rendant un avis favorable, qui autorise le dépôt de la demande d’autorisation environnementale, soit en rendant un avis défavorable qui en interdit le dépôt ».
Les mêmes procédures sont prévues, dans le nouveau texte, pour les installations de biogaz et « les ouvrages de production d’énergie solaire photovoltaïque » (ou du moins certaines d’entre elles, à définir de façon réglementaire).
Ces propositions, comme d'autres émanant de la commission des affaires économiques, répondent aux demandes des maires et à la position de principe exprimée depuis plusieurs années par l’AMF.
Les sénateurs ont également introduit dans le texte le fait de « privilégier », pour les installations éoliennes en mer, « des zones d'implantation situées à une distance minimale de 40 kilomètres du rivage ».
Afin d’améliorer l’information des maires, les sénateurs ont ajouté un article permettant de créer des « référents préfectoraux », dans chaque département, chargés entre autres de « promouvoir, sur le territoire départemental, une meilleure information des collectivités territoriales et de leurs groupements, des habitants et des entreprises sur les projets d’énergies renouvelables ».
Panneaux solaires en toiture
Pour ce qui concerne l’énergie solaire, les sénateurs ont choisi de « renforcer les obligations de couverture des bâtiments non résidentiels existants et nouveaux » (nouvel article 11 bis et 11 ter). Le nouveau texte ramène notamment à 250 m² la surface à partir de laquelle l’implantation de panneaux solaires deviendrait obligatoire, pour « les bâtiments ou parties de bâtiments à usage commercial, industriel, artisanal ou administratif, les constructions de bâtiments ou parties de bâtiment à usage de bureaux ou d’entrepôt, les constructions de hangars non ouverts au public faisant l’objet d’une exploitation commerciale, les hôpitaux, les équipements sportifs, récréatifs et de loisirs, les bâtiments ou parties de bâtiment scolaires et universitaires et les constructions de parcs de stationnement couverts accessibles au public ».
Patrimoine
La commission à la culture du Sénat s’est, par ailleurs, particulièrement penchée sur le volet patrimonial des projets d’EnR. Se félicitant que le gouvernement n’ait, finalement, pas remis en question l’avis conforme des ABF (Architectes des bâtiments de France) pour les projets d’EnR en espaces protégés, la commission a estimé qu’il faut rester particulièrement vigilant sur ce sujet : « Compte tenu de l’attachement des populations à leur patrimoine et à leur cadre de vie, déroger aux règles de protection du patrimoine serait un élément susceptible d’accroître les résistances à l’encontre des projets au niveau local », note la commission dans son rapport.
Dans cet objectif, la commission a introduit un amendement important dans le texte : le premier, pour étendre l’avis conforme des ABF « aux projets de parcs éoliens terrestres de grande dimension entrant dans le champ de visibilité d’un monument historique ou d’un site patrimonial remarquable dans un périmètre de 10 kilomètres autour de celui-ci ».
La question du PADD toujours en suspens
Les sénateurs ont également retiré du texte, en commission, l'un des points qui avait le plus heurté l'AMF lors de la présentation du texte initial : la possibilité pour les préfets d'intervenir directement pour porter atteinte à l'économie générale des projets d’aménagement et de développement durable (PADD) des SCoT ou des PLU. Alors que jusqu’à présent, seuls les EPCI et les communes avaient la possibilité d’intervenir sur l'économie générale du PADD, le texte prévoit que les préfets, via la procédure dite de « déclaration de projet », pourront imposer les projets qu’ils ont approuvés aux communes et aux EPCI.
Le projet de loi ainsi remanié va maintenant être discuté en séance publique, à partir d’aujourd’hui. Le gouvernement a déposé des amendements pour tenter de supprimer à peu près tous ces ajouts adoptés en commission. Le texte partira ensuite pour l'Assemblée nationale et fera ensuite, si les deux textes diffèrent – ce qui paraît inévitable –, l'objet d'une commission mixte paritaire. C'est à ce moment seulement que l'on saura si le gouvernement fait de cette question de l'intervention des préfets dans les PADD, une sujet de blocage.
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