La Cour des comptes demande que les collectivités ne puissent plus saisir le Médiateur national de l'énergie
Par Franck Lemarc
Le rôle du médiateur national de l’énergie est de proposer des solutions amiables dans le cadre des litiges entre les fournisseurs d’énergie et les consommateurs. Dans le cadre de l’actuelle crise de l’énergie, marquée par une explosion des prix, cette institution créée en 2006, aujourd’hui dirigée par Olivier Challan Belval, joue un rôle particulièrement important.
Dégradation du délai de traitement
La Cour des comptes, dans son rapport; constate d’ailleurs que depuis 2016, le nombre de litiges dont le MNE est saisi est « en forte augmentation », au fil de « l’intensification de la concurrence sur le marché de l’énergie ». Depuis 2019, cette augmentation est telle que le délai de traitement des saisines « se dégrade », au point de ne plus respecter les délais prévus par la loi. « La poursuite, au rythme actuel, de la hausse des litiges dont il est saisi posera à terme la question de l’adéquation entre ses missions et les moyens humains dont il dispose », écrit la Cour des comptes.
Et ce d’autant plus que, dans cette situation marquée par l’augmentation des litiges, les moyens humains du MNE ont diminué (de 46 à 41 ETP), et sont aujourd’hui « limités », indique pudiquement la Cour. Une situation qui « fragilise » le MNE, en « ne permettant pas d’assurer le niveau de fiabilité et de performance attendu ».
Dans ce contexte, on pourrait imaginer que la Cour des comptes recommande une augmentation des moyens humains du MNE – surtout dans une période qui ne peut qu’être marqué, crise énergétique oblige, que par une explosion des litiges.
Pas du tout : les magistrats recommandent plutôt de diminuer le champ d’intervention du MNE, en en excluant « expressément » les collectivités territoriales.
Exclure les collectivités
La Cour souligne que le champ de compétences du MNE s’est élargi de façon « continue » depuis 2013 : aux micro-entreprises, aux associations et aux syndics de copropriétaires en 2013, à toutes les énergies (fioul, bois, réseaux de chaleur…) en 2015, aux questions liées à l’autoconsommation en 2021.
Ces élargissements de compétences apparaissent « justifiés » à la Cour des comptes, « au regard des difficultés croissantes posées par l’ouverture du marché de l’énergie ». Mais la question des collectivités locales « pose une difficulté », poursuivent les magistrats : l’extension de compétence de 2013 aux « consommateurs non professionnels » ne mentionnait pas expressément les collectivités, mais dans la mesure où elles sont des personnes morales assimilées à des non-professionnels, elles ont de facto été intégrées dans le champ de compétence du MNE. Celui-ci « instruit donc aujourd’hui un certain nombre de saisines provenant des collectivités », que la Cour chiffre à « une soixantaine de dossiers en 2021 ».
Ces saisines alourdissent « inutilement » la charge du MNE, selon le rapport, et « posent un problème de principe » dans la mesure où « elles concernent principalement des collectivités de moyenne ou de grande importance qui disposent des moyens de traiter leurs litiges ». En outre, la Cour relève que la plupart de ces dossiers « sont portés par une société de conseil démarchant les collectivités et les incitant à saisir le médiateur ».
La Cour des comptes propose donc une solution radicale : « Exclure expressément les collectivités locales, (…) quelle qu’en soit la taille, du champ des personnes morales éligibles au service de médiation du MNE ». Arguant que les petites communes peuvent toujours se tourner vers les services des intercommunalités « pour se prémunir contre d’éventuels litiges ».
Protéger aux moins les plus petites communes
Cette recommandation, à l’heure où toutes les collectivités sont gravement touchées par l’explosion des prix de l’énergie et, pour certaines, confrontées à la faillite de leur fournisseur (lire Maire info du 18 janvier), peut surprendre. On s’attendrait en effet plutôt à un renforcement des moyens mis à disposition des collectivités – en particulier les plus petites – pour faire face à la situation, y compris d’un point de vue juridique.
Le médiateur lui-même, Olivier Challan Belval, le souligne d’ailleurs dans sa réponse aux recommandations de la Cour. S’il n’est pas opposé à l’exclusion des grandes collectivités, il considère « qu’il serait opportun de conserver la possibilité de le saisir pour les collectivités de petite taille », et propose d’appliquer « les mêmes critères que pour les micro-entreprises » : moins de 10 agents et moins de 2 millions d’euros de ressources. « En effet, conclut le MNE, les autres collectivités bénéficient de ressources humaines (à savoir des services juridiques et techniques) et financières suffisantes pour leur permettre de faire face à des litiges sur leur approvisionnement en énergie. Conserver cette compétence pour les collectivités les moins armées face aux fournisseurs serait en cohérence avec la philosophie du rôle du médiateur national de l’énergie. »
Il reste maintenant à savoir si le gouvernement va se saisir, ou non, de cette recommandation de la Cour des comptes, qui n'a fait l'objet d'aucune consultation de l'AMF.
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