Blackout en Espagne et au Portugal : le revers de la médaille du « tout électrique »
Par Franck Lemarc
Plus de trains, plus de métros, plus de lumière, plus d’internet, plus de paiement en carte bancaire, plus d’ordinateurs… En cinq secondes, à 12 h 33 hier, la consommation de l’Espagne perd 15 gigawatts, soit 60 % de la consommation habituelle à cette heure. La panne s’étend au Portugal, très interconnecté avec l’Espagne, et à quelques communes du Pays basque français et des Pyrénées-Orientales. Mais c’est dans la péninsule ibérique que les conséquences ont été les plus spectaculaires : les trains et les métros se sont arrêtés, les usines ont interrompu leur production, les bureaux, privés d’informatique, se sont vidés, les feux de signalisation se sont éteints, provoquant de gigantesques embouteillages dans les grandes villes, où des files d’attentes gigantesques se sont formées aux station de bus, seul moyen de transport encore disponibles après l’arrêt des métros et des tramways.
Les réseaux de téléphonie mobile se sont massivement effondrés, les cinémas, et les magasins ont fermé, le Parlement a été évacué – et le tournoi de l’Open de tennis de Madrid a dû être suspendu.
Seuls les hôpitaux et les aéroports, équipés de générateurs, ont pu continuer à fonctionner. Le trafic aérien a toutefois été fortement perturbé, du fait de l’incapacité de nombreux personnels à se rendre à leur poste de travail.
Des hypothèses, mais toujours pas d’explication
Dans la nuit, alors que le courant a commencé à être progressivement rétabli à partir de 20 heures, une dizaine de trains était encore bloquée avec des passagers à bord à 23 heures. Vers minuit, le courant revenait à Lisbonne et sur la moitié du territoire espagnol. Ce matin, le gouvernement espagnol annonçait un retour de l’électricité dans « 99 % du pays » – le trafic a repris dans le métro madrilène à 8 heures. Le trafic ferroviaire reste encore perturbé, avec des trains circulant à la moitié de leur vitesse normale.
Si tout devrait revenir à la normale dans la journée, la question essentielle reste sans réponse ce matin : que s’est-il passé ? À l’heure où nous écrivons, il n’y a aucune réponse à cette question, le Premier ministre espagnol lui-même ayant fait part, hier soir, de l’ignorance totale de l’État sur les causes de cette panne historique.
La seule chose certaine est qu’il y a eu une réaction en chaine massive : la chute brutale de 60 % de la production pendant quelques secondes, en milieu de journée, a provoqué la déconnexion de tout le réseau, l’arrêt des cinq centrales nucléaires, l’interruption de l’interconnexion du réseau espagnol du réseau européen. Mais la cause du crash reste inconnue.
Plusieurs hypothèses sont sur la table. Celle d’une cyberattaque massive a été la première à être évoquée mais elle est, selon les autorités européennes, peu probable. Autre hypothèse un moment évoquée : des variations très importantes de température qui auraient provoqué un phénomène « d’oscillations » sur le réseau à très haute tension. La piste d’un incendie en France, dans l’Aude, qui aurait endommagé une ligne à très haute tension, est également apparue sur les réseaux sociaux, immédiatement démentie par le gestionnaire français RTE.
Dernière hypothèse étudiée ce matin : la panne pourrait être liée à une surproduction massive d’électricité issue des panneaux solaires photovoltaïques, que le réseau aurait été incapable d’absorber et qu’il est impossible d’envoyer vers les autres pays, du fait d’une assez faible interconnexion avec les autres pays d’Europe.
Il faudra attendre les résultats de l’enquête diligentée sous l’égide de l’opérateur espagnol REE pour connaître avec certitude les causes de ce crash et, surtout, essayer des trouver des solutions pour éviter qu’il se reproduise. Cela mettre entre quelques jours et quelques semaines, annoncent les autorités, du fait de la gigantesque quantité de données à analyser.
Fragilité
Reste que cet épisode illustre le revers de la médaille de la transition énergétique : la dépendance absolue de la société actuelle à l’électricité. L’obligation de décarboner l’économie – et notamment les transports – pour tenter de remédier au changement climatique a conduit à donner une part toujours plus grande à l’alimentation électrique ce qui suppose, en contrepartie, de pouvoir assurer une stabilité absolue au réseau électrique. Faute de quoi – et c’est ce qui s’est passé hier dans la péninsule ibérique – c’est toute la société qui s’arrête.
La crise qu’ont vécue hier l’Espagne et le Portugal illustre aussi les conséquences du passage au tout numérique et à la dématérialisation, par exemple pour les paiements : faute d’argent liquide, il était hier impossible de s’acheter de quoi manger en Espagne, et il était du reste impossible de tirer de l’argent liquide puisque les distributeurs de billets étaient eux aussi en panne. Sans compter le rôle désormais central joué par les smartphones, qui jouent désormais le rôle à la fois de terminal de paiement, de radio, de télévision, d’horloge, de réveil, de titre de transport, de carte routière, etc. Sans réseau internet et sans possibilité de recharger son smartphone, d’innombrables Espagnols ont découvert hier leur vulnérabilité.
Cet épisode montre une fois de plus la nécessité pour les citoyens de parer à cette vulnérabilité en prenant, en amont, un certain nombre de précautions – on sait que le gouvernement français se prépare actuellement à communiquer sur ce sujet. Avoir, par exemple, dans chaque foyer, un poste de radio avec des piles en état de marche permet d’éviter, dans le cas d’une crise de ce type, de pouvoir au moins écouter les informations. Hier, en fin d’après-midi, tous les magasins de Madrid et de Barcelone qui vendaient des radios, des piles ou des bougies étaient en rupture de stock.
Il est à prévoir que, au-delà des explications très attendues sur les causes du blackout, cet épisode provoquera une prise de conscience sur ce sujet de la préparation et de l’anticipation des crises.
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