Maire-info
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Édition du jeudi 7 mars 2024
Élus locaux

Le Conseil constitutionnel appelé à trancher sur la modulation des indemnités des conseillers municipaux en fonction de leur assiduité

Le Conseil d'État a transmis au Conseil constitutionnel une QPC (question prioritaire de constitutionnalité) sur l'interdiction de moduler les indemnités des élus en fonction de leur assiduité dans les communes de moins de 50 000 habitants. Explications.

Par Franck Lemarc

C’est un cas intéressant qui va être tranché par le Conseil constitutionnel, sur demande du Conseil d’État. Il concerne la possibilité qui est donnée par la loi aux seules communes de plus de 50 000 habitants de diminuer les indemnités des élus qui ne participent pas régulièrement aux réunions. 

L’objet du litige

C’est la commune de La Madeleine, dans le Nord, qui a saisi le Conseil d’État sur cette question. Lors de la séance du 20 juin 2020 du nouveau conseil municipal installé en 2020,  celui-ci a en effet délibéré sur les indemnités de fonction des élus municipaux, et la délibération contient la formule suivante : « Conformément à l’article 37 du règlement intérieur du conseil municipal, la fonction de conseiller municipal implique nécessairement d’être assidu aux réunions des commissions permanentes et du conseil municipal. À ce titre, l’indemnisation de cette fonction est modulée en fonction de la présence aux réunions précitées. Au cours d’un même semestre, trois absences non justifiées conduisent à une réduction de 25 % du montant net de l’indemnité versée. Cet abattement sera appliqué à l’indemnité versée au cours du semestre suivant. »  La même délibération liste les causes d’absence « justifiée »  qui ne donneront pas lieu à un retrait (maladie, congé maternité, nécessité impérieuse, etc.).

Problème : la commune de La Madeleine compte environ 21 000 habitants. Or le Code général des collectivités territoriales ne permet une telle modulation des indemnités en fonction de l’assiduité que dans les communes de plus de 50 000 habitants. L’article L 2123-24-2 est parfaitement clair sur ce sujet : « Dans des conditions fixées par leur règlement intérieur, le montant des indemnités de fonction que le conseil municipal des communes de 50 000 habitants et plus alloue à ses membres peut être modulé en fonction de leur participation effective aux séances plénières et aux réunions des commissions dont ils sont membres. » 

Sur la base de cet article, un conseiller municipal a demandé au tribunal administratif de Lille d’annuler la décision du conseil municipal de la commune. Laquelle commune a répondu en contestant cet article du CGCT, estimant qu’il méconnaît « le principe d’égalité devant la loi »  – estimant qu’il n’y a guère de raison objective pour que les élus des communes de moins de 50 000 habitants ne soient pas, en la matière, soumis aux mêmes conditions que les élus des communes plus grandes. 

Question « sérieuse » 

Le tribunal administratif de Lille a considéré la question comme suffisante pertinente pour être transmise au Conseil d’État. Et ce dernier – bien que le ministère de l’Intérieur ait estimé que la question de la conformité de ces dispositions à la Constitution ne se posait pas – a décidé de transmettre la question au Conseil constitutionnel sous forme de QPC (question prioritaire de constitutionnalité). En effet, écrit le Conseil d’État dans sa décision du 5 mars, la question de savoir si « ces dispositions, en excluant les communes de moins de 50 000 habitants de la possibilité de moduler le montant des indemnités de fonction que le conseil municipal alloue à ses membres en fonction de leur participation effective aux séances plénières et aux réunions des commissions dont ils sont membres, introduisent une différence de traitement qui n’est pas en rapport direct avec l’objectif que s’est assigné le législateur et qu’elles portent ainsi atteinte au principe d’égalité devant la loi garanti par l’article 6 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen », est « sérieuse ». 

Rappelons que le Conseil constitutionnel peut être saisi d’une QPC sous plusieurs conditions : notamment, il ne doit pas s’être déjà prononcé sur la constitutionnalité de la question en litige ; et la question doit présenter « un caractère sérieux ». 

La question a donc été transmise aux Sages, qui statueront à une date qui n’a pas encore été définie (le délai légal maximum est de trois mois). On saura donc avant l’été si cet article du CGCT est conforme à la Constitution ou s’il ne l’est pas, auquel cas il serait aussitôt abrogé. 

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