Aides de la PAC : les agriculteurs anciens élus une nouvelle fois lésés
Par Franck Lemarc
C’est un décret du 30 décembre 2022 qui a officialisé cette situation. Le décret, relatif « aux aides du plan stratégique national de la politique agricole commune », définit notamment la notion « d’agriculteur actif », donnant accès aux subventions de la Politique agricole commune (PAC) pour la campagne 2023-2027, pour lesquelles la date limite de demande d’attribution est fixée au 15 mai prochain.
« Plus éligible aux aides de la PAC »
Le texte, qui transpose dans le droit français un certain nombre de directives européennes, dispose que « pour l’application des régimes d’aide relevant de la PAC », il faut remplir un certain nombre de conditions cumulatives pour être « considéré comme agriculteur actif ». Parmi celles-ci, pour les personnes ayant dépassé « l'âge prévu au 1° de l'article L. 351-8 du code de la Sécurité sociale », c’est-à-dire 67 ans, il est obligatoire de « ne pas avoir fait valoir ses droits à la retraite auprès des régimes légaux ou rendus légalement obligatoires, de base et complémentaires ».
Autrement dit, un agriculteur de plus de 67 ans qui poursuit son activité n’aura pas droit aux aides de la PAC s’il touche quelque retraite que ce soit – même si celle-ci n’a rien à voir avec son activité agricole.
Et c’est précisément le cas pour les agriculteurs qui ont été, à un moment de leur vie, élus locaux et ont touché une indemnité de fonction : à ce titre, lorsqu’ils ont atteint l’âge légal de la retraite, ils touchent une pension de retraite de l’Ircantec. Si l’on s’en tient à la lettre du décret du 30 décembre 2022, le fait d’avoir fait valoir ses droits à la retraite d’élu local auprès de l’Ircantec (ce qui est possible même si l’on n’a pas liquidé sa retraite de base) suffit à se voir privé des aides de la PAC.
Ce fait est confirmé par l’administration : dans un courrier d’une Direction départementale des territoires, citée par le site Capital.fr du 24 février, il est écrit noir sur blanc : « Si vous avez plus de 67 ans au 15 mai 2023 et que vous bénéficiez d’une retraite quelle que soit sa nature et son montant, vous ne serez plus éligible aux aides de la PAC, même si vous ne conservez qu’une parcelle de subsistance. »
Modification du décret attendue
Il est difficile de savoir combien d’élus sont concernés par cette nouvelle mesure. Mais ils sont forcément nombreux. En consultant le répertoire national des élus (RNE), on constate qu’environ 40 000 conseillers municipaux sont, aujourd’hui, agriculteurs en activité (et 1 500 ont plus de 67 ans). Cela donne une idée du nombre d’anciens élus locaux appartenant à cette catégorie, et montre que cette situation n’a rien de marginal.
C’est la raison pour laquelle le président de l’AMF, David Lisnard, a écrit hier au ministre de l’Agriculture pour l’alerter sur la question et lui demander de la résoudre. Ces dispositions, écrit le maire de Cannes, « pénalisent les agriculteurs qui ont exercé un mandat local », et leur suppression, pour les bénéficiaires d’une pension « Ircantec élu », serait « une juste reconnaissance pour ceux qui ont donné, souvent au détriment de leur exploitation, des années de leur vie au bénéfice de leur commune et de ses habitants ».
L’AMF demande donc qu’une circulaire soit prise rapidement pour demander aux directions départementales du territoire de ne pas prendre en compte les retraites d’élus dans l’attribution des aides de la PAC, en attendant, espère l’association, une modification du décret.
Plus généralement, l’AMF souhaiterait que le gouvernement profite du projet de loi retraites, en cours d’examen au Parlement, pour distinguer une fois pour toutes le régime « Ircantec élus » des autres retraites, afin d’éviter les problèmes récurrents qui se posent. Rappelons par exemple qu’il y a tout juste un an, l’AMF avait déjà dû monter au créneau au moment de la mise en œuvre de la loi permettant de revaloriser les pensions de retraite des anciens agriculteurs : telle que la loi était rédigée, elle pénalisait – parfois lourdement – les agriculteurs anciens élus ou élus en activité (lire Maire info du 1er mars 2022).
Reste à attendre, maintenant, la réaction de Marc Fesneau à l’interpellation de l’AMF.
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