Second tour des législatives : les enseignements de l'analyse des résultats par commune
Par Franck Lemarc
L’analyse des résultats par commune du second tour confirme, sur un certain nombre de points, ce que l’on avait déjà pu constater lors du premier tour. D’abord, le fait que l’abstention soit particulièrement prégnante dans les communes ultramarines : environ 80 % des 100 communes où l’on a le moins voté sont situées en Martinique, en Guadeloupe, en Guyane ou à La Réunion. Celles qui sont situées en métropole sont, dans tous les cas, des communes particulièrement touchées par la pauvreté (Tremblay-en-France, Sevran, La Courneuve ou Villepinte en Seine-Saint-Denis, Les Mureaux dans les Yvelines, Vaulx-en-Velin dans le Rhône, toutes communes où l’abstention dépasse les 70 %).
L’abstention dépasse les 60 % dans 1630 communes. Elle dépasse la moyenne nationale (53,77 %) dans 7 766 communes (soit un cinquième des communes environ). Ce qui est, en soi, une information : la grande majorité des communes (les quatre cinquièmes) ont un taux d’abstention inférieur à la moyenne nationale, parce que l’on vote plus dans les petites communes que dans les grandes. Le nombre d’inscrits moyen dans les plus de 7 700 communes qui ont moins voté que la moyenne nationale est de 2 700 habitants ; contre 953 inscrits en moyenne dans les communes ayant plus voté que la moyenne nationale.
Dans les très petites communes (moins de 500 inscrits), le taux d’abstention moyen se situe près de 10 points en dessous de la moyenne nationale, à 44,7 %. Même constat pour les communes de moins de 1000 inscrits (27 000 communes environ), où le taux d’abstention s’établit à 45,9 %. Les territoires ruraux restent donc, d’élection en élection, plus « citoyens » que les villes.
Ancrage rural
Autre résultat constant depuis plusieurs élections : l’installation du vote Rassemblement national dans les petites communes. Si l’on considère les communes qui ont placé le RN en tête du second tour, on constate qu’elles comptent, en moyenne, 844 inscrits, contre 1 968 pour celles qui ont placé le candidat de la Nupes en tête, et 1 670 pour celles qui ont majoritairement voté Ensemble (majorité présidentielle).
Le nombre de communes qui ont placé le RN en tête est, cette fois, nettement inférieur à ce qu’il a été au premier tour : c’est le cas dans 9 500 communes environ, contre quelque 14 000 au premier tour. Cela s’explique facilement : dans un certain nombre de circonscriptions, le candidat RN n’était pas qualifié pour le second tour, il était donc impossible de voter pour lui. C’est la coalition Ensemble qui est arrivée en tête dans le plus grand nombre de communes (11 300 environ), le RN arrivant derrière, avec 9 500 communes donc, et la Nupes en troisième position dans ce palmarès (6 300 communes environ). Les Républicains sont arrivés en tête du second tour dans 5 400 communes environ.
Mais les conclusions diffèrent si l’on compare les résultats de chaque parti en fonction du nombre de communes où il était présent au second tour : on constate alors que le RN l’a emporté dans presque la moitié des communes où il était présent au second tour (9 500 communes sur 19 500 environ, soit 48,5 %). C’est également le cas d’Ensemble, qui l’a emporté dans 49,5 % des communes où la coalition était présente au second tour (11 300 sur 22 800 communes environ). La Nupes, elle, n’a remporté ses duels que dans un tiers des cas (6 300 sur 18 500 communes où elle était présente au second tour).
Approche par communes
Une autre approche permet de mesurer l’implantation géographique des différentes tendances politiques : calculer, département par département, la proportion de communes qui ont donné la victoire au second tour aux différents partis.
Ce calcul fait clairement apparaître que le vote RN s’implante dans des départements qui ne faisaient pas, jusqu’à présent, partie de ses fiefs traditionnels, mais aussi qu’il reste encore relativement faible dans presque la moitié des départements.
Dans 41 départements en effet, le RN n’était présent au second tour dans aucune circonscription : Ariège, Aveyron, Cantal, Corrèze, Corse du sud, Haute-Corse, Côtes-d’Armor, Creuse, Deux-Sèvres, Finistère, Gers, Guyane, Haute-Loire, Hautes-Alpes, Hautes-Pyrénées, Hauts-de-Seine, Ille-et-Vilaine, Jura, La Réunion, Landes, Loire, Loire-Atlantique, Lot, Lozère, Maine-et-Loire, Manche, Martinique, Mayenne, Mayotte, Morbihan, Nouvelle-Calédonie, Paris, Polynésie française, Puy-de-Dôme, Pyrénées-Atlantiques, Rhône, Saint-Pierre-et-Miquelon, Savoie ; Seine-Saint-Denis, Val-de-Marne, Wallis-et-Futuna.
En revanche, dans les départements où il était présent au second tour, il l’emporte dans plus de la moitié des communes dans 20 départements : l’Aisne (68 % des communes), les Alpes-Maritimes (51 %), l’Aube (53 %), l’Aude (53 %), les Bouches-du-Rhône (54 %), l’Eure (75 %), le Gars (51 %), la Haute-Marne (61 %), la Haute-Saône (74 %), le Loiret (58 %), la Meuse (50 %), la Nièvre (52 %), le Nord (50 %), l’Oise (51 %), le Pas-de-Calais (57 %), les Pyrénées-Orientales (61 %), la Somme (63 %), le Var (77 %), le Vaucluse (52 %), l’Yonne (63 %). Sans compter les départements où il l’emporte dans un nombre de communes situé entre 40 et 50 % (Charente, Charente-Maritime, Hérault, Loir-et-Cher, Tarn-et-Garonne…).
Du côté des autres partis, on notera la quasi-hégémonie de la Nupes en Seine-Saint-Denis, où la coalition de gauche l’emporte dans 85 % des communes, dans le Puy-de-Dôme (80 %), la Haute-Vienne (82 %). Cette analyse montre a contrario la cruelle débâcle de la gauche dans des départements où elle était naguère très ancrée : dans le Pas-de-Calais, la Nupes n’est arrivée en tête que dans … 0,8 % des communes (7 sur 891).
Les Républicains montrent une implantation particulièrement massive dans le Cantal, où ils sont arrivés en tête dans 98 % des communes, dans la Haute-Loire (98 %), dans la Loire (78 %), ou encore en Corrèze (72 %).
Enfin, la majorité présidentielle a réalisé, sous le prisme que nous avons choisi ici, ses meilleurs scores dans les départements de l’Aveyron, où elle l’a emporté dans 72 % des communes, du Bas-Rhin (61 %), du Calvados (70 %), du Finistère (67 %), des Hauts-de-Seine (77 %), de l’Indre-et-Loire (72 %), du Maine-et-Loire (70 %), de Paris (60 %), du Val-d’Oise (78 %), de la Vendée (74 %) et surtout des Yvelines (86 %).
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