Retour du débat sur « l'obligation de probité » pour se présenter aux élections municipales
Par Franck Lemarc
Faut-il interdire à une personne qui a été, par le passé, condamnée pour corruption ou fraude fiscale, par exemple, à se présenter à des élections ? La question est posée depuis bien des années, et une proposition de loi en ce sens avait même été adoptée en première lecture en 2017 par l’Assemblée nationale, sans jamais ensuite être débattue au Sénat.
Déjà de multiples textes
Dans l’état actuel du droit, la seule raison qui puisse empêcher un candidat de se présenter pour des raisons judiciaires est d’avoir été rendu inéligible par une décision de justice, par une décision définitive. Une condamnation par la justice n’est absolument pas – il faut le répéter – automatiquement synonyme d’inéligibilité… sauf quand le tribunal prononce une peine d’inéligibilité, en général limitée dans le temps et assortie, ou pas, d’un caractère exécutoire, c’est-à-dire immédiat.
Or cela fait plusieurs années que, à droite comme à gauche, des parlementaires plaident pour qu’une condamnation pour un certain nombre de motifs empêche un candidat de se présenter, et ce afin de « restaurer la confiance des Français dans leurs élus ». Ce motif revient dans l’exposé des motifs de tous les textes présentés ces dernières années à ce sujet : la proposition de loi socialiste de 2017, adoptée en première lecture à la presque unanimité de l’Assemblée nationale, avait été ainsi présentée par la rapporteure : « La probité est essentielle à la confiance des citoyens. Et pourtant, d’année en année, les baromètres de confiance s’affaissent, au rythme des scandales politico-financiers. (…) Il faut garantir l’éthique des candidats aux fonctions publiques. »
La proposition de loi ne créait pas une peine d’inéligibilité automatique pour certains délits – ce qui serait inconstitutionnel – mais « de nouvelles conditions d’éligibilité ».
Signalons qu’au moins deux autres textes ont été déposés dans ce sens récemment : l’un de droite – il avait été déposé par feu Olivier Marleix (LR), visait également à « rendre obligatoire le casier vierge pour les candidats à une élection locale » ; l’autre, de gauche, par le sénateur socialiste de l’Hérault Henri Cabanel, et portant exactement le même titre.
Condamnations « incompatibles avec l’exercice d’un mandat »
La proposition déposée le 14 octobre par le député Emmanuel Grégoire s’inscrit donc dans la ligne de ces textes précédents : « Alors qu’aujourd’hui, plus de deux tiers des Français déclarent ne pas faire confiance aux responsables politiques pour agir avec honnêteté et transparence, selon plusieurs enquêtes d’opinion récentes, il est indispensable de franchir une nouvelle étape », écrit le député.
Notons que le choix de faire porter ce texte par Emmanuel Grégoire n’est peut-être pas, d’un point de vue stratégique, le plus judicieux, dans la mesure où il est candidat à la mairie de Paris et que certaines dispositions de son texte pourraient toucher, directement, certains ou certaines de ses concurrent(e)s. Le député se verra donc forcément accusé de poursuivre des visées manœuvrières, ce qui pourrait nuire à la qualité d’un débat pourtant essentiel.
Quoi qu’il en soit, le député propose de créer un nouvel article dans le Code électoral disposant que « ne peuvent pas faire acte de candidature les personnes dont le bulletin n° 2 du casier judiciaire porte la mention d’une condamnation incompatible avec l’exercice d’un mandat électif. » Ces condamnations sont limitativement fixées dans le texte. Il s’agirait des condamnations pour manquement au devoir de probité, corruption, trafic d’influence, recel, escroquerie, omission ou évaluation mensongère de déclarations à la Haute autorité pour la transparence de la vie publique. Cette liste est la même que celle des propositions de loi Marleix et Cabanel… sauf que le candidat à la mairie de Paris y a ajouté, sans doute pas tout à fait par hasard, la déclaration mensongère à la HATVP. Ces délits peuvent donner lieu à une peine d'inéligibilité, mais le texte propose donc, lorsque cela n'a pas été le choix du juge, d'interdire à la personne de se présenter.
Rappelons que le texte adopté par l’Assemblée nationale en 2017 incluait, de surcroît, les délits à caractère sexuel.
Quel périmètre ?
Le texte d’Emmanuel Grégoire est également beaucoup plus limité dans sa portée que les précédents, puisqu’il ne toucherait que les candidats aux élections municipales – ce qui paraît pour le moins surprenant, puisque l’on ne voit pas pourquoi cette « obligation de probité », si elle devait entrer en vigueur, devrait s’appliquer à certains élus et pas à d’autres. La proposition de loi Cabanel étendait cette obligation à tous les élus locaux, et celle d’Olivier Marleix, en plus, aux parlementaires.
Comme ses prédécesseurs, Emmanuel Grégoire rappelle qu’une telle mesure ne serait « ni absolue ni perpétuelle » : « Les règles relatives à l’effacement ou à la réhabilitation du casier judiciaire demeurent pleinement applicables, permettant à toute personne réhabilitée de retrouver ses droits civiques et la possibilité de se présenter. »
La proposition de loi précise que ces dispositions entreraient en vigueur « à compter du prochain renouvellement général des conseils municipaux suivant sa promulgation ». Il est assez peu probable, à vrai dire, qu’un texte d’une telle importance puisse être débattu et adopté avant les élections de mars 2026. Mais si le débat a lieu, il est certain que le périmètre des infractions et des élus qui seraient concernés feront l’objet d’âpres débats – plus que le principe même de cette nouvelle obligation, qui semble acquis à gauche comme à droite.
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