Parité dans les exécutifs locaux : un enjeu de démocratie locale
Par Lucile Bonnin
Le débat commence sur une note positive. La présidente de la délégation aux collectivités territoriales, Françoise Gatel, commence par une bonne nouvelle. « La proportion des femmes dans les conseils municipaux progresse. On a un peu plus de 42% de femmes (moins de 20% dans les années 90) dans les conseils municipaux, et un millier de communes supplémentaires par rapport à 2014 avec des fonctions occupées par les femmes. »
Ces progrès sont la conséquence de la loi dite sur « la parité ». Mais aujourd’hui, on observe plutôt une stagnation en matière de parité. Reine Lepinay, coprésidente de l’association "Elles aussi", met fin à toute illusion : « Il ne faut pas se voiler la face, la progression se fait vraiment à petits pas ».
Des freins sexistes
Autocensure, inégalités de pouvoir, comportements sexistes et cooptation masculine… Les freins peuvent être multiples pour une femme qui voudrait s’engager en tant qu’élue. Nadine Kersaudy, présidente de l'association des maires ruraux du Finistère (AMRF), est maire du petit village de Cléden-Cap-Sizun depuis plusieurs années maintenant. Elle a connu ces obstacles. « Mon premier mandat s’est très mal passé, explique-t-elle. Pour avoir subi des violences un peu sexistes, il a fallu s’affirmer. »
Le réseau Élues locales a d'ailleurs publié vendredi dernier une enquête chiffrée qui révèle que 74 % des femmes politiques locales subissent du sexisme voire des violences dans l'exercice de leurs fonctions. Un résultat édifiant. Les élues présentes pour témoigner lors de cette conférence de presse s'accordaient sur le fait que « la parité est indispensable pour lutter contre ces violences » .
La question de la représentativité est aussi importante. « Dans nos dialogues avec des femmes élues, on a remarqué qu’il y avait parfois des blocages car il n’y a pas de femme représentée en politique, raconte Reine Lepinay. Mais il faut aussi les convaincre. Les hommes ont aussi une notoriété qui fait que, parfois, c’est compliqué de s’engager, surtout dans les petites communes. » Mais d’un autre côté, « aujourd’hui, les jeunes femmes françaises s’interrogent sur qui les représente. Cette question de la représentativité est donc fondamentale » , explique Cécile Gallien, vice-présidente de l’AMF.
Présente ce jour, la présidente de la délégation aux Droits des femmes, Annick Billon, rappelle qu’elle a dirigé un rapport sur la ruralité et les femmes. Ces travaux ont été menés par 8 co-rapporteurs avec une consultation en ligne des femmes élues en milieu rural. Plus de 1 000 réponses ont été recueillies. 91 % de ces femmes disent avoir été confrontées à des difficultés dans leur parcours d’élue. Annick Billon le reconnaît : « La persistance des stéréotypes est encore plus accentuée en milieu rural, qui représente 88 % des communes en France aujourd’hui. La ruralité est un amplificateur d’inégalités. »
Intercommunalités et syndicats
Une inquiétude commune a été abordée : celle de la parité dans les intercommunalités et les syndicats. Ces organisations ne sont pas concernées par les règles de parité, et donc, les hommes sont en majorité. 11 % de femmes sont présidentes de conseils communautaires. Françoise Gatel a également alerté sur l’absence de féminisation des syndicats, que cela soit de collectes d’ordures ménagères, d’électricité ou des eaux.
Avec le groupe de travail constitué à l’AMF pour la promotion des femmes dans les postes exécutifs locaux, Cécile Gallien a pu constater « qu’avant la loi NOTRe, il y avait 32 % de conseillères communautaires, après la loi 31 % et aujourd’hui c’est environ 1/3. Il n’y a pas de progrès à ce niveau. » Ainsi, l’AMF soutient la proposition de loi portée par Élodie Jacquier-Laforge, qui recommande l'extension du scrutin de liste à toutes les communes de moins de 1 000 habitants. Cette mesure aura indéniablement un effet domino.
Pour les plus petites communes, Danièle Bouchole, co-présidente de l’association "Elles aussi", rappelle que la création de communes nouvelles peut aussi permettre d’« augmenter le nombre de personnes envoyées à l’intercommunalité » . Mais la féminisation des conseils communautaires n’est pas pour autant certaine car, bien souvent, ce sont les maires qui sont représentants dans cet établissement public de coopération. Pour rappel, les femmes représentent seulement 20 % des maires actuellement.
De la difficulté d’être une élue
Annick Billon évoque d’autres obstacles, qui sont liés à « la difficulté de concilier vie publique et vie professionnelle. » Elle ajoute : « Il y a une nécessité d’avancer sur le statut de l’élu ». Indemnités trop faibles, responsabilités lourdes, peu de moyens pour mettre en place des initiatives, marge de manoeuvre limitée… C’est un tout qu’il faut repenser.
Le sénateur des Landes, Éric Kerrouche, pointe un manque d’engagement citoyen qui s’explique notamment par une absence de motivation à devenir élu ou élue. « Manque de ressources, vieillissement de la population, insuffisance du statut de l’élu (on ne peut pas faire tout et ne rien avoir), manque de reconnaissance des citoyens, montée de la violence envers les élus… » . Cette liste non-exhaustive dressée par le sénateur montre les difficultés qui peuvent décourager.
Pour Françoise Gatel, ce phénomène de carence de l’engagement citoyen n’est pas nouveau. Mais il n’encourage pas les femmes à s’investir. « En 2014, 64 communes n’avaient aucun candidat aux élections et cela a augmenté en 2020. » Une problématique plus générale autour de la démocratie locale et du désir d’investissement des citoyens est à approfondir.
De plus, pour les femmes, la contrainte est double. Pour Éric Kerrouche, la première inégalité femmes-hommes réside dans « la répartition des tâches domestiques » . Pour le sénateur- qui évoque notamment la garde des enfants- « c’est une contrainte qui pourrait être prise en compte par la commune même si cela semble compliqué pour les plus petites » . Nadine Kersaudy comprend cet enjeu et a pu le constater au sein de son conseil municipal. Il y a peu, sa première adjointe a démissionné, car concilier vie politique, vie privée et petite indemnité n’était plus possible.
Un appel aux législateurs
L'obligation de parité ne s'applique pas à toutes les communes, puisque les listes de candidats, avec alternance de femmes et d’hommes, ne sont pas obligatoires dans les communes de moins de 1 000 habitants (72 % des communes de France). Ce jeudi, la présidente de la délégation aux Droits des femmes a annoncé le dépôt d’une proposition de résolution en ce sens.
Côté AMF, Cécile Gallien, co-présidente du groupe de travail sur la promotion des femmes dans les exécutifs locaux, avec Édith Gueugneau, a présenté en avril dernier une synthèse de propositions devant le Bureau de l’AMF qui les a validées. Ces propositions reprennent en grande partie celles formulées dès 2018 par l’AMF. « Principal objectif : renforcer la parité dans les petites communes, qui ne sont pas les plus mauvais élèves au demeurant en la matière » (à lire dans Maires de France n° 386 de janvier 2021, pp. 10-11). Le groupe de travail poursuit ses travaux pour améliorer la parité dans les intercommunalités notamment.
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