Maire-info
Le quotidien d’information des élus locaux

Édition du mardi 24 janvier 2023
Égalité femmes-hommes

Malgré MeToo, le sexisme perdure et s'aggrave

Le Haut Conseil pour l'égalité entre les femmes et les hommes a publié hier son cinquième « rapport annuel sur l'état du sexisme en France ». S'il fait état de quelques avancées, le rapport est globalement négatif, voire inquiétant. 

Par Franck Lemarc

« Cinq ans après #MeToo, la société française reste très sexiste dans toutes ses sphères. »  Pire : « Certaines manifestations les plus violentes [du sexisme] s’aggravent. » 

Voilà le constat alarmant dressé par le HCEfh, en préambule de son 5e rapport annuel

Persistance du sexisme

Certes, les choses ont progressé ces dernières années : la place et la visibilité des femmes se sont améliorées en politique, avec la nomination d’une femme à Matignon et à la présidence de l’Assemblée nationale et la « sensibilité »  face aux inégalités et aux violences est « toujours plus grande ». Mais rien n’y fait : les violences conjugales ont encore augmenté de 21 % entre 2020 et 2021, et « les biais et les stéréotypes de genre, les clichés sexistes et les situations de sexisme quotidien continuent d’être banalisés ». En d’autres termes, « l’opinion reconnaît et déplore l’existence du sexisme mais ne le rejette pas en pratique ». 

« Renoncements » 

Ce constat est appuyé sur les chiffres de l’enquête réalisée par ViaVoice pour le HCEfh. 93 % des personnes interrogées estiment que les femmes et les hommes ne sont pas traités à égalité, en général, 80 % qu’ils sont inégalement traités au travail. 

Les femmes interrogées disent, en majorité, avoir déjà subi des comportements de « sexisme ordinaire », comme l’écrivent les auteurs du rapport (plaisanteries sexistes, sifflements, gestes ou remarques déplacés…). 14 % des femmes interrogées disent avoir subi au moins un « acte sexuel imposé », 15 % avoir reçu au moins une fois des coups de leur conjoint. 

Cette situation conduit de très nombreuses femmes à « des renoncements quotidiens »  – conduites d’évitement en anticipation des comportements sexistes des hommes : renoncer à sortir, modifier sa façon de s’habiller, censurer ses propos. 

Le HCEfh dresse également un constat des préjugés qui continuent à exister tant chez les hommes que chez les femmes, qui véhiculent une image qu'on pourrait croire dépassée des rapports entre les hommes et les femmes : 77 % des hommes pensent par exemple que leur rôle est de « protéger les femmes », opinion que partagent 65 % des femmes. 62 % des hommes et 50 % des femmes pensent que les femmes sont « naturellement plus douces que les hommes ».

Le seul aspect encourageant de cette étude est que les mentalités semblent changer dans la jeunesse : sur toutes les questions posées, il y a dans les réponses un important différentiel entre les hommes les plus jeunes et les générations les plus anciennes. Cela ne signifie pas que les jeunes hommes ne sont plus sexistes, mais qu’ils le sont un peu moins que les plus âgés. Et encore... sur certains sujets seulement.

« Contre-coup » 

Ces résultats font écrire au HCEfh que certes, la « mobilisation »  contre le sexisme est « croissante », mais qu’elle est « sans effet sur la réalité ». Les vagues de dénonciation comme MeToo ont « imprégné les esprits », mais n’ont pas, fondamentalement, fait changer les choses. Pire, en réaction à ces mouvements, de nouveaux phénomènes se développent. C’est ce que l’on appelle outre-Atlantique le backlash (contrecoup) : « Une partie des hommes se sent fragilisée, parfois en danger, réagit dans l’agressivité, et peut trouver une voix d’expression politique dans de nouveaux mouvements virilistes et très masculins. »  Ce mouvement existe aux États-Unis sous la forme des « Incels »  – tendance politique violemment anti-femmes, dont la misogynie est non seulement assumée mais brandie en étendard. Aux États-Unis, ce mouvement est allé jusqu’à des passages à tabac, voire des assassinats de femmes. En France, il se cantonne pour l’instant à une activité forcenée sur les réseaux sociaux, sous forme de cyberharcèlement par exemple, ou de prises de position violemment antiféministes. 

Préconisations

Le HCEfh se livre à un certain nombre de recommandations, sous forme d’un « plan d’urgence massif qui s’attaque à la fois et à leurs effets délétères ». 

Certaines propositions entrent dans le champ de l’éducation, comme l’adoption d’un « plan national d’orientation professionnelle dès le collège pour orienter les jeunes filles vers les métiers scientifiques, techniques, numériques, et d’avenir ». D’autres concernent les médias, avec par exemple le fait de faire entrer dans le champ des contrôles de l’Arcom (autorité de régulation de l’audiovisuel) l’image et le traitement des femmes, ou encore la création d’un Observatoire de l’égalité dans la presse. Le HCE demande aussi que soit institutionnalisée une « journée nationale de lutte contre le sexisme ».

Le Haut Conseil plaide également pour une meilleure protection des femmes contre les « VSS »  (violences sexuelles ou sexistes), par exemple avec un « plan national visant à assurer la sécurité des jeunes femmes dans la rue à proximité des établissements scolaires »  ; ou le fait de « rendre systématique la peine complémentaire d’inéligibilité des élus condamnés pour violences, (et de ) prévoir le remplacement par leurs suppléants des parlementaires mis en cause ». 

Sur les violences conjugales, le HCE demande encore une fois l’alignement des budgets consacrés à cette question sur ceux des pays les plus en pointe, comme l’Espagne, et de « garantir une permanence d’accueil des victimes par une personne dédiée dans chaque commissariat de police et brigade de gendarmerie ». 

L’ensemble des propositions du Haut Conseil est à retrouver dans le rapport. 

Rappelons que la lutte contre les violences faites aux femmes a été hissée au rang de « grande cause du mandat 2020-2026 »  par l’Association des maires de France, lors du congrès de l’association de 2020. 

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