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Édition du vendredi 10 juin 2022
Égalité femmes-hommes

Égalité hommes-femmes : le HCE veut conditionner chaque financement public à des contreparties 

Puisque « les enjeux financiers sous-tendent les inégalités » de genre, le Haut Conseil à l'égalité entre les femmes et les hommes exhorte les pouvoirs publics à réformer leur stratégie budgétaire. Quelques collectivités ont déjà mis en place des expérimentations locales.

Par A.W.

« Pas d’argent public sans égalité ! »  C’est l’appel lancé mardi par le Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes (HCE) dans un plaidoyer « pour un financement public au service de l’égalité ». 

Dans un contexte où « les milliards pleuvent comme jamais »  mais « n'atterrissent pas »  chez les femmes, la présidente du HCE, Sylvie Pierre-Brossolette, a profité de la campagne des législatives pour exhorter les pouvoirs publics à « sortir de l’incantatoire »  et à « s'emparer de la question budgétaire pour donner une assise réelle »  à la cause de l'égalité entre les sexes. Le Haut Conseil souhaite ainsi interpeller le gouvernement et les futurs députés sur « les enjeux financiers qui sous-tendent les inégalités »  de genre.

Les « oubliées »  du plan de relance

Dernier exemple en date : les investissements débloqués pour faire face à la crise sanitaire. Bien qu’elles aient été « en première ligne », « les femmes semblent avoir été oubliées dans le cadre du plan de relance du gouvernement », déplore l’instance consultative placée auprès du Premier ministre, qui souligne que « sur les 35 milliards d’euros du plan de relance fléchés pour des aides sectorielles, seulement 7 milliards ont été dédiés à des emplois majoritairement occupés par des femmes »  (voir le rapport 2021 de la Fondation des femmes). 

Ces investissements ont été « principalement orientés vers des secteurs industriels, techniques et numériques, en très grande majorité masculins », constate le HCE qui rappelle également que, « sur le plus long terme, les femmes sont à 70 % souvent les premières impactées par la réduction tendancielle de la dépense publique ».

Raison pour laquelle les finances publiques ne sont « pas neutres ». « Elles orientent notre société quand elles financent la transition écologique (fiscalité énergétique, CITE), accompagnent la recherche (CIR) ou encore favorisent la compétitivité des entreprises (CICE) », souligne le Haut Conseil. Pourtant, « rien de semblable »  n'existe en faveur de l’égalité entre les femmes et les hommes dans le but de « corriger les déséquilibres existants », ceux-ci étant « même accentués par les choix budgétaires », dénonce-t-il.

Conditionner autorisations et financements

Pour remédier à ces déséquilibres, l’instance consultative propose aux pouvoirs publics de mettre en place trois pratiques : « l’égaconditionnalité », « l’incitation »  et le « budget genré ». Des instruments qui « ont fait leur preuve », assure-t-elle.

Abscons au premier abord, le principe d'« égaconditionnalité »  recouvre un principe simple : pas de financement public ou d’autorisation administrative sans contrepartie en faveur de l’égalité femmes-hommes. L’objectif étant de prévenir les inégalités en amont.

Les entreprises bénéficiant de fonds publics devraient ainsi s’engager à mettre en place par exemple un « rattrapage salarial »  pour les femmes, ou tout simplement à « respecter les lois existantes en matière d’égalité », a défendu Sylvie Pierre-Brossolette. 

Un dispositif qui existe déjà dans d'autres domaines. Dans le domaine politique par exemple, les partis doivent présenter, à l’occasion des élections législatives, 50 % de candidats de chacun des deux sexes (à 2 % près) pour se voir attribuer leurs financements par l’État.

Dans le domaine économique, le HCE rappelle également que « les acheteurs et autorités concédantes ont l’obligation d’exclure de la procédure de passation des marchés les personnes qui ont été condamnées pour discrimination envers les femmes », le suivi de cette clause d’égalité étant prévue par la loi « pour les communes et EPCI de plus de 20 000 habitants ». D’ailleurs, un rapport visant à accompagner les collectivités territoriales a été réalisé afin d’en améliorer le suivi et de les encourager à aller « au-delà de la stricte égaconditionnalité ».

Reste que si « la mise en place de l’égaconditionnalité ne coûte rien à la puissance publique », son adoption dans les budgets de l’État ou des collectivités « n’est encore ni une norme, ni un réflexe », regrette le HCE. 

Des « budgets sensibles au genre »  dans les collectivités

Autre dispositif qu’il préconise : la « budgétisation sensible au genre »  (BSG). Un procédé qui consiste à « intégrer une perspective de genre »  dans le processus budgétaire en mesurant l’impact de chaque ligne budgétaire sur les femmes et les hommes. 

« Cela implique de réaliser des études d’impact et des évaluations ex post sur les recettes (impôts, taxes,...) et les dépenses budgétaires (subventions, investissements,…) afin de déterminer si celles-ci renforcent ou diminuent les inégalités », explique le HCE. Ce qui permet, en fonction des résultats, de modifier ou d’ajuster certaines dispositions pour promouvoir l’égalité.

« Certaines mesures fiscales défavorisent les femmes », comme le quotient conjugal, et « certaines dépenses avantagent les hommes », comme les subventions sportives. À l’échelle d’une collectivité locale, « la construction d’un complexe sportif dans l’espace public va principalement bénéficier aux hommes car ils en sont les usagers majoritaires, ce qui peut être compensé par une attention active portée aux activités sportives où le public est majoritairement constitué de femmes, comme s’y est attelée la ville de Toulouse », illustrent les auteurs du plaidoyer.

À l’inverse, ces derniers notent que « l’augmentation du personnel et de l’amplitude horaire de garderie périscolaire va avoir un effet positif mécanique sur les femmes qui ont souvent une charge familiale plus importante et représentent près de 83 % des familles monoparentales ».

Plusieurs expérimentations locales sont d’ailleurs en cours, rappellent-ils, en citant Paris, Brest, Strasbourg… Ainsi, ils constatent que « dans l’adoption de son plan pluriannuel 2021-2026 sensible au genre, la ville de Lyon s’appuie d’abord sur un cercle de directions pilotes avant de généraliser la budgétisation sensible au genre aux différentes étapes du cycle budgétaire de la ville ».

Le Haut Conseil conseille notamment de nommer un ou des « référents BSG », notamment dans les collectivités. « Une stratification différenciée en fonction de la taille de chaque collectivité mériterait d’être établie », envisage-t-il, précisant que cela « pourrait constituer un travail ultérieur du HCE ».

Primes incitatives

Le Haut Conseil enjoint enfin à la mise en place de primes « égalité ». Ces incitations financières reposent sur l’introduction de bonus aux subventions, de majorations, de primes, ainsi que de crédits d’impôts ou bien de niches fiscales et sociales, afin d’encourager de meilleures pratiques.

Des dispositifs qui existent déjà dans d’autres domaines avec le bonus à l’achat d’un véhicule électrique ou les aides à l’embauche de personnes handicapées, de jeunes ou de séniors. Dans les emplois culturels, depuis le 1er janvier 2019, le Centre national du cinéma (CNC) prévoit déjà un bonus parité de 15 % qui s’applique automatiquement lorsque les équipes de tournage sont paritaires dans les principaux postes d’encadrement. Un dispositif qui a été étendu au Centre national de la musique (CNM), qui prévoit une bonification à hauteur de 20 % pour les projets mettant en valeur le talent des femmes. En outre, depuis la « loi Rixain », les entreprises souhaitant bénéficier d’un financement de la BPI doivent avoir obligatoirement publié leur index Égalité salariale.

Télécharger le plaidoyer.
 

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