Dans les transports, les femmes sont de plus en plus confrontées aux violences sexistes et sexuelles
Par Lucile Bonnin
Dans le métro, le train, le bus ou bien le tram, 91 % des victimes de violences sexuelles dans les transports en commun sont des femmes. C’est ce qu’indique le nouvel Observatoire national des violences faites aux femmes qui s’appuie notamment sur les données de l’Observatoire national de la délinquance dans les transports, du ministère de l’Intérieur et des opérateurs de transports.
Augmentation des atteintes
Sur ces 91 % de femmes victimes, 75 % d’entre elles ont moins de 30 ans et 36 % sont mineures. Et alors que plus de 9 victimes de violences sexuelles dans les transports sur 10 sont des femmes, 99 % des mis en cause sont des hommes.
Au total, en 2024, 3 374 victimes de violences sexuelles dans les transports en commun ont été enregistrées par les forces de sécurité intérieure. Ce chiffre a augmenté de 6 % par rapport à 2023 et de 9 % par rapport à 2022. Si cette réalité est d’autant plus vraie dans la région Île-de-France (44 % des victimes au total), le nombre de victimes enregistrées pour violences sexuelles dans les transports en commun a, au global, augmenté de 86 % depuis 2016.
Ces résultats sont particulièrement inquiétants, d’autant qu’ils sont uniquement représentatifs des faits enregistrés par les services de police et de gendarmerie nationales. Par exemple, parmi les femmes s’étant déclarées victimes de violences sexistes et sexuelles sur le réseau francilien, le nombre de dépôts de plainte augmente très peu, passant de 2 % en 2016 à 7 % en 2024. Mais, la grande majorité des femmes victimes n’ont jamais sollicité d’aide immédiate ou engagé une action (67 %). Il est facile d’imaginer que le phénomène touche en réalité bien plus que 3 374 femmes à l’année.
Un espace public hostile aux femmes
Pour plus d’une victime de viols, tentatives de viol ou agressions sexuelles sur dix, l’agression a lieu dans les transports. De même, pour une femme victime de harcèlement sexuel ou d’exhibition sexuelle sur dix, l’agression a lieu dans les transports. Alors que les transports en commun devraient être un espace public sûr pour toutes et tous, les femmes sont loin de s’y sentir en sécurité.
Prenons l’exemple des transports franciliens : l’étude Enov pour la RATP, réalisée en juin 2022 auprès de 2 010 personnes montre que 81 % des femmes victimes ont subi au moins une violence sexiste et sexuelle de la part d’un homme seul et 29 % de la part d’un groupe d’hommes. Manon Marguerit, chercheuse en urbanisme au laboratoire Ville Mobilité Transport de l'Université Gustave-Eiffel, rappelle d’ailleurs que si l’on pense en premier lieu aux exhibitionnistes et aux frotteurs, « les regards – qu'ils soient insistants, intrusifs, menaçants, voyeuristes – les insultes sexistes, les attouchements » sont fréquents et « peuvent engendrer des traumatismes à la personne qui les subit ».
Résultats : 56 % des femmes ont déclaré ne pas se sentir rassurées dans les espaces du réseau ferré et sont plus nombreuses à ne pas être rassurées tard le soir ou tôt le matin. 80 % des femmes déclarent rester en alerte lorsqu’elles empruntent les transports en commun du réseau d’Île-de-France. Au-delà de cette hyper vigilance constante qui engendre beaucoup de stress, plus de 60 % des femmes adaptent leur tenue et plus de 80 % choisissent leur place pour minimiser le risque de violences.
L’Observatoire souligne enfin que les violences ont des impacts sur la vie quotidienne des victimes puisque trois victimes sur dix ont eu peur de sortir de chez elles suite à des violences et 19 % ont éprouvé des difficultés au travail ou dans leurs études.
Dispositifs de prévention et commodité des mobilités
De nombreuses initiatives ont été lancées par les acteurs du secteur des transports pour lutter contre cette insécurité. Sur le réseau francilien, les dispositifs proposés sont connus mais encore trop peu utilisés : 12 % des utilisateurs du réseau ont déjà utilisé les numéros d’assistance 3117 / 31177 et 10 % ont déjà utilisé les bornes d’appel à quai. Les agents sont également « formés, mobilisés et prêts à intervenir à tout moment sur le réseau francilien ». Des campagnes de communication sont aussi menées tout au long de l’année.
La RATP a aussi mené une série de marches exploratoires depuis 2015. Le principe : des femmes « parcourent un secteur donné afin d’identifier les espaces générateurs d’insécurité » et formulent des recommandations « aux autorités compétentes qui établissent un programme d’actions » . Un autre dispositif innovant est testé dans certaines villes : celui de « descente à la demande ». À ce jour, cette option est proposée notamment à Poitiers ou encore à Caen lors des trajets en bus la nuit. Rappelons qu’en 2023, l'Union des transports publics (UTP) a publié un guide très utile pour la « Lutte contre les atteintes sexistes et sexuelles dans les transports » (lire Maire info du 12 mai 2023), recensant notamment un certain nombre de ces bonnes pratiques.
Enfin, à l’occasion de la journée internationale des droits des femmes, l’Association des maires de France et des présidents d’intercommunalité a publié un mémento intitulé « L’égalité femme-homme dans les espaces publics » . « Ce document propose des pistes concrètes aux communes pour engager, en concertation avec les habitantes, des améliorations de l’environnement urbain, notamment en matière de prévention, d’animation, de propreté, d’éclairage et de sécurisation », indique le communiqué de presse diffusé vendredi. Maire info reviendra sur son contenu dans une prochaine édition.
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