Égalité femmes-hommes : la Cour des comptes fustige un « portage politique en trompe-l'oeil »
Par Lucile Bonnin
L’égalité entre les femmes et les hommes a été désignée « grande cause nationale » du quinquennat 2017-2022 par le président de la République, puis renouvelée pour le quinquennat 2022-2027. En mars 2023, le gouvernement s'est engagé à « concrétiser l'égalité entre les femmes et les hommes sur le plan professionnel, économique et social » en adoptant un plan d'action interministériel intitulé « Toutes et tous égaux » et qui couvrira la période 2023-2027.
Pourtant, derrière ces grands engagements, les « inégalités entre les femmes et les hommes, de l’école au marché du travail » demeurent marquées. C’est ce que montre un rapport de la Cour des comptes qui met à l’épreuve les engagements du gouvernement face aux faits observés dans les parcours scolaires et professionnels.
Un portage politique en porte-à-faux
« Plus diplômées que les hommes, les femmes n’accèdent pourtant pas aux postes et aux métiers les mieux considérés et les plus rémunérateurs » . C’est ce paradoxe que la Cour des comptes met en avant, montrant ainsi que les inégalités peinent à disparaître.
Les magistrats mettent notamment en cause un « portage politique en trompe-l’œil » et un « pilotage interministériel défaillant ». En effet, si les « crédits du programme 137 (égalité entre les femmes et les hommes) ont presque triplé depuis 2017 et les crédits recensés dans le document de politique transversale (DPT) Politique de l’égalité entre les femmes et les hommes sont passés de 128 millions d’euros en 2017 à 3,3 milliards d’euros en 2024 », il s’agit « d’une augmentation en trompe-l’œil, qui résulte d’une volonté d’affichage ». En réalité, « de nombreux changements de périmètre sont intervenus ces deux dernières années pour valoriser de nouveaux programmes ».
Sur la question de l’égalité professionnelle, en plus de manquer de moyens, la politique mise en place apparaît comme désorganisée : « L'articulation entre la stratégie interministérielle et les plans d’actions ministériels est insuffisante », ce qui a par exemple conduit à l’abandon « de plans pourtant ambitieux », comme le Conseil de la mixité et de l’égalité professionnelle dans l’industrie créé en 2019, par exemple.
« Les actions menées ne permettent pas de supprimer les biais genrés qui affectent la recherche d’emploi des femmes » , soulignent les auteurs du rapport qui regrettent particulièrement que ce soient davantage les initiatives locales ou événements ponctuels qui pèsent dans la balance et ce, sans véritable pilotage.
La faible mixité comme source d’inégalités
La Cour des comptes relève que, malheureusement, certaines inégalités persistent dans le choix d’orientation des élèves. On retrouve dans ce rapport, au-delà des chiffres, des travaux sociologiques qui pointent les différences préjudiciables pour les filles à l’école comme « une moindre confiance en elles affecte leur rapport à certaines disciplines, les mathématiques en particulier ».
Concrètement, « à la suite de la réforme du baccalauréat général et technologique de 2018, les filles ont plus souvent abandonné les mathématiques en terminale et sont sous-représentées dans l’option "maths expertes". À l’inverse, les garçons choisissent peu les enseignements littéraires et les spécialités liées aux métiers du "care". »
Les stéréotypes de genre « se poursuivent voire se consolident dans le monde du travail ». Les magistrats relèvent que si les choix d’orientation professionnelle s’inscrivent dans le prolongement des choix scolaires et universitaires, le bilan des inégalités à l’entrée dans le monde professionnel est encore plus décourageant : « À niveau et spécialité de formation identiques, les femmes ont moins de chances que les hommes d’être en emploi trois ans après leur sortie de formation initiale. »
Les magistrats rappellent enfin que « l’enjeu de la mixité est l’égalité salariale » soulignant que, « à niveau de qualification équivalent, la concentration des emplois féminins dans certains secteurs s’accompagne d’une moindre reconnaissance salariale » et invitant par ailleurs le ministère chargé du travail à s’impliquer davantage pour revaloriser les métiers majoritairement exercés par des femmes.
Contrôles et actions
Il est impossible d’affirmer que rien n’a été fait du côté des ministères pour agir sur le sujet. Cependant, « l’action publique en matière d’égalité entre les hommes et les femmes oscille entre des incitations parfois incantatoires et des obligations difficiles à faire respecter » . Pour davantage d’efficacité, les démarches ministérielles « doivent être mieux pilotées ». Plusieurs recommandations ont été formulées par les magistrats de la rue Cambon qui regrette en premier lieu la « discontinuité des stratégies politiques et [les] insuffisances des outils statistiques ainsi que des évaluations de l’effet des textes normatifs sur les inégalités de genre. »
La Cour suggère ainsi de « réaffirmer la responsabilité de l’Insee comme coordinateur des statistiques genrées » et de « respecter les obligations de saisine préalable du Haut conseil à l’égalité et l’impliquer dans la rédaction des parties consacrées à l’égalité femmes/hommes dans les études d’impact ». Il serait également utile aux yeux des magistrats de « renouveler la convention interministérielle pour l’égalité entre les filles et les garçons, les femmes et les hommes dans le système éducatif 2019-2024 et en réunir le comité de pilotage ».
Enfin, « au-delà de l’action des écoles et établissements, qui doivent associer les familles, premier vecteur des stéréotypes de genre, la résorption des inégalités salariales nécessite une meilleure valorisation des métiers majoritairement exercés par des femmes ainsi que des mesures favorisant une meilleure répartition des responsabilités parentales. » Pour l’heure, il faut d’abord s’assurer que, sous cinq ans, les enseignants, personnels d’éducation et psychologues de l’Éducation nationale suivent « un module de formation continue, afin de les sensibiliser et les former à la pédagogie égalitaire » et que « les actions visant à présenter des modèles féminins exerçant des métiers scientifiques » soient renforcées.
On peut constater qu’aucune recommandation ne porte sur l’égalité salariale directement. La Cour indique cependant être favorable à ce que les nouvelles obligations imposées aux entreprises en matière d’égalité professionnelle soient davantage contrôlées et que le régime des sanctions en cas de non-respect de ces dernières soit effectivement mis en œuvre.
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