Maire-info
Le quotidien d’information des élus locaux

Édition du lundi 19 mars 2007

Reprise des expulsions locatives peu après le vote sur le droit opposable au logement

Moins d'un mois après le vote de la loi sur le droit au logement opposable, applicable au 1er janvier 2008, les expulsions locatives peuvent théoriquement reprendre à compter de vendredi 16 mars, fin de la trêve hivernale. Toutes les associations fortement mobilisées tout au long de l'hiver sur les problèmes des sans-logis et du logement dénoncent l'augmentation des résiliations de bail pour loyers impayés et des expulsions. «C'est paradoxal d'avoir une telle augmentation du contentieux et des expulsions alors que les personnes qui en sont victimes sont les premières censées être protégées par la nouvelle loi», a déclaré Patrick Doutreligne, délégué général de la Fondation Abbé Pierre. Selon le délégué de la Fondation, dont le rapport annuel sur le mal-logement fait autorité, il y a eu 100.000 décisions de justice prononçant une expulsion en 2005. «Plus préoccupant encore, dit-il, il y a eu cette même année, 10.000 expulsions effectives avec le concours de la force publique, soit une augmentation de 33% en un an.» Les expulsions ont plus que doublé depuis 1997, de même que le recours à la force publique: d'une intervention effective de la force publique sur deux requise, on est passé au taux de 60%, affirme Patrick Doutreligne. Parallèlement, souligne Jean-Pierre Giacomo, président de la Confédération nationale du logement (CNL), l'Etat a accordé 73,5 millions d'euros en 2004 d'indemnités aux bailleurs victimes d'impayés. Les associations pour le droit au logement ont rassemblé plusieurs milliers de personnes dimanche dernier à Paris, ainsi que trois candidats à la présidentielle - Arlette Laguiller, Olivier Besancenot et José Bové - pour dénoncer la reprise des expulsions locatives le 16 mars. «Dans la mesure où on a encore des tentes sur le Canal Saint-Martin et ailleurs, des familles dans des hôtels et des structures d'accueil saturées, on demande que le gouvernement observe une trêve des expulsions», a déclaré Jean-Baptiste Eyraud, porte-parole de Droit au logement (DAL). La Fondation Abbé Pierre demande, «dans l'attente de la mise en application, le 1er décembre 2008, de la nouvelle loi», «des mesures immédiates». «Sans quoi, dit-elle, les espoirs suscités par la nouvelle loi seront mis à mal par la montée inexorable des exclus du logement». Des maires ont pris des arrêtés municipaux interdisant les expulsions locatives sans relogement, arguant de la loi instituant le droit au logement opposable: ainsi les maires communistes de Vitry-sur-Seine (Val-de-Marne), Bobigny et Stains (Seine-Saint-Denis), et Vénissieux (Rhône). Le maire socialiste de Paris, Bertrand Delanoë, a demandé au Premier ministre, Dominique de Villepin, de faire interdire «les expulsions locatives sans relogement pour les locataires de bonne foi». Il estime que, «malgré les efforts de la Ville, le nombre d'expulsions effectives avec concours de la force publique est resté trop élevé avec plus de 1.100 cas». A Lyon, l'Opac du Rhône, qui gère un parc de 41.000 logements, a indiqué qu'il n'y aurait pas d'expulsions à la fin de la trêve hivernale mais que «23 expulsions, réparties sur l'année, ont été réalisées en 2006 contre 16 et 19 en 2005 et 2004». A Strasbourg, Christian Sager, de l'Association de Défense des Locataires (ADL) a estimé que «les bailleurs seront peu nombreux cette année à oser expulser en raison de la présence des Don Quichotte: si jamais les bailleurs ont le malheur d'expulser, on aura des locataires qui rejoindront le camp, et ça ne fera pas bon effet».

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