Édition du mardi 15 juillet 2008
Un rapport officiel dénonce les failles de la vidéosurveillance à la française et prône une modernisation urgente
L'institut national des hautes études de sécurité (Inhes) dévoile les dysfonctionnements de la vidéosurveillance dans un rapport que Le Figaro (15/7) a pu consulter. Selon cet organisme, déjà à l'origine en 2006 d'une enquête très commentée sur le rôle de la police en Seine-Saint-Denis, le plan de modernisation vidéo adopté à l'été 2007 «peine à se concrétiser».
C'est la ministre de l'Intérieur en personne qui a commandé cette étude au directeur de l'Inhes, Pierre Monzani, le 24 décembre dernier. Selon le rapport, «certaines caméras publiques ou privées ne sont tout simplement pas branchées, se contentant d'un effet dissuasif.» Pis, expliquent les auteurs du rapport : «en cas d'attentat dans les transports publics, il ne serait pas possible d'identifier les individus ayant effectué des repérages au-delà de quelques jours avant l'explosion.»
En outre, «les services de lutte antiterroriste se heurtent encore très souvent à des problèmes de qualité d'image par des matériels obsolètes, mal entretenus ou mal positionnés». Certes, écrivent les rapporteurs, «la situation tend à s'améliorer quelque peu, mais les prises de vue nocturnes demeurent sommaires à cause du mauvais éclairage de la rue. Or, les auteurs d'attentats en Corse ou au Pays basque agissent essentiellement la nuit.»
À Ajaccio, par exemple, malgré les innombrables mitraillages de bâtiments publics ces dernières années, aucun dispositif vidéo sérieux n'existe pour piéger les poseurs de bombes.
S'agissant des cibles institutionnelles, «il ne faudrait pas se contenter de filmer le bâtiment et ses abords, mais également les rues avoisinantes et les voies d'accès», préconise l'Inhes. Au reste, «les temps d'enregistrement des images s'avèrent trop courts». Il faudrait au moins «sept jours» avant effacement des séquences, considère la mission d'étude qui ajoute : «Nombre de responsables estiment que cet outil, indispensable à l'identification des terroristes ou des modes opératoires, demeure très insuffisamment développé sur notre territoire.»
Faut-il alors prendre exemple sur la Grande-Bretagne? Là aussi, le constat est impitoyable: «Un Londonien peut être aisément filmé par plus de 300 caméras chaque jour», mais «80 % des images adressées à la police sont de mauvaise qualité et ne permettent pas l'identification des personnes».
L'Inhes trouve quand même des vertus au système français, dont il loue notamment les réussites dans la lutte contre la délinquance, considérant que, dans les villes déjà équipées de caméras, «non seulement les faits de délinquance baissent, mais en plus l'élucidation augmente».
Autre avantage pointé: dans les transports en commun, «la vidéo protection, en participant activement au sentiment de sécurité des agents, fait diminuer de manière significative le nombre de journées de grève».
Selon l'Inhes, il semble toutefois «urgent de créer chez tous les enquêteurs un réflexe vidéo», une «véritable culture» même dans «toute la police nationale». Pour l'heure, affirment ces experts, certains commissariats ont parfois tendance à se méfier de cet outil. «Les policiers veulent absolument rester maîtres de leurs interventions, craignant qu'un jour ils ne soient déclarés pénalement responsables d'une inaction suite à une réquisition» du centre communal ou intercommunal qui réceptionne les images.
Dans son rapport, l'Inhes précise que «la vidéoprotection a modifié l'attitude des délinquants» qui portent souvent une cagoule ou un casque de moto pour échapper à la prise de vue, avec «échange de blouson» et «fuite systématique».
Télécharger le rapport de lIHES (fichier PDF, 265 Ko), lien ci-dessous.
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