Maire-info
Le quotidien d’information des élus locaux

Édition du lundi 6 mai 2019
Mobilité durable

Trottinettes électriques : un projet de décret qui offre toute souplesse aux maires

Le gouvernement a dévoilé, dans un communiqué de presse paru vendredi 3 mai, le contenu du décret relatif aux engins de déplacement personne (EDP) qui va être examiné par le Conseil national d’évaluation des normes le 9 mai.
Dans leur communiqué commun, les ministères de l’Intérieur et des Transports posent très clairement les enjeux : les nouveaux engins de déplacement personnel motorisés comme les trottinettes électriques, monoroues, gyropodes ou overboards (sortes de planches à roulettes motorisées) « n’appartiennent à aucune catégorie du Code de la route ». Il y a donc là un vide juridique absolu puisqu’en théorie, leur circulation dans l’espace public n’est même pas autorisée ! « Leur usage est en principe limité aux espaces privés ou fermés à la circulation », précisent même les ministères. Or un simple regard sur ce qui se passe quotidiennement dans les rues des villes montre que ces EDP, pour « non autorisés »  qu’ils soient, envahissent les voiries.
Il y a donc urgence à réglementer. D’autant que le développement hors de toute réglementation de ces usages ne va pas sans créer des conflits entre usagers et pose des problèmes de sécurité. S’il n’existe pas encore, à ce jour, de véritable comptabilité de l’accidentologie liée à ces nouveaux engins, on sait que les accidents liés à l’usage de la trottinette ont bondi en Île-de-France l’an dernier (+ 23 % selon les chiffres du journal Le Parisien). Utilisées dans 99 % des cas sans casque, alors que ces engins peuvent atteindre les 25 km/h, voire plus, le plus souvent invisibles la nuit car dénuées de feux de position, les trottinettes électriques sont dangereuses pour leurs usagers, d’abord, mais aussi pour les piétons. La seule étude disponible à ce jour, sur ce sujet, vient des États-Unis : elle révèle qu’il y a 20 accidents tous les 100 000 trajets en trottinette, et que la moitié des blessés le sont à la tête. À Los Angeles (Californie), les services d’urgences ont traité en 2018 249 blessures, soit plus que celles liées à la pratique du vélo (195). 92 % des blessés sont des usagers, 8 % des piétons.

Droit de déroger
Dans ce contexte, qu’envisage le gouvernement ? D’abord, tout simplement, de créer une catégorie EDP dans le Code de la route, afin de sortir du vide juridique. Ensuite, de réglementer l’espace dans lequel ces engins ont le droit de circuler : Élisabeth Borne, ministre chargée des Transports, avait déclaré à l’automne, devant les députés : « La place de ces véhicules n’est pas sur les trottoirs. » 
Cette volonté se retrouve dans le projet de décret présenté par le gouvernement. La règle est simple : de droit, la circulation des EDP est interdite sur les trottoirs. Mais les maires auraient la possibilité de « prendre des dispositions afin de les y autoriser ».
Le communiqué de presse est un peu incomplet et, par conséquent, peut être trompeur : il précise en effet que les EDP, en agglomération, « ont obligation de circuler sur les pistes et bandes cyclables s’il y en a »  – sans évoquer de possibilité pour le maire d’y déroger. Telle quelle, cette affirmation ne correspond pas à ce qui a été convenu entre les services de l’État et l’AMF – qui souhaitant que davantage de souplesse soit laissée aux maires en fonction des situations locales – pas plus qu’à la formulation retenue à l’article 21 du projet de loi d’orientation des mobilités, qui laisse beaucoup de latitude aux maires : « « Le maire peut également, par arrêté motivé, fixer des règles dérogatoires à celles prévues par le Code de la route pour la circulation des engins de déplacement personnel sur tout ou partie des voies et de leurs dépendances sur lesquelles il exerce son pouvoir de police. »  On voit que le projet de loi ne parle pas seulement des trottoirs mais de « tout ou partie des voies… ».
En réalité, le projet de décret, que Maire info a pu consulter, respecte bien la lettre et l’esprit du projet de loi LOM. Il fixe en effet des règles de droit : obligation en agglomération de circuler sur les pistes et bande cyclables, ou, en absence de celles-ci, sur les routes limitées à 50 km/h ou moins ; hors agglomération, circulation interdite sauf sur les voies vertes et pistes cyclables. Mais le décret précise aussitôt que l’autorité investie du pouvoir de police peut aussi bien autoriser la circulation sur les trottoirs (à condition qu’elle se fasse à l’allure du pas) qu’interdire celle-ci sur les pistes cyclables. C’est bien la position qu’avait défendue l’AMF.
Pour le reste, le décret fixe des règles strictes : il sera interdit de circuler avec un EDP qui ne soit pas bridé à 25 km/h ; l’utilisation des EDP sera interdit aux enfants de moins 8 ans ; le port du casque sera obligatoire pour les enfants de 8 à 12 ans. Enfin, il deviendra obligatoire pour les EDP motorisés d’être munis d’un système de freinage « efficace », de feux de position à l’avant et à l’arrière et de catadioptres avant et latéraux.


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