Édition du lundi 13 février 2006
Transports, eau et santé seraient exclus de la «Directive Bolkestein» - mais pas forcément les services de l'enfance et de soin aux personnes âgées...
Le Parlement européen doit se pencher cette semaine sur la désormais célèbre «directive Bolkestein», qu'un compromis devrait vider -sauf surprise au moment du vote jeudi- de sa disposition la plus controversée: le «principe du pays d'origine».
Mercredi dernier, les deux principaux groupes du Parlement européen, le PPE (conservateurs) et le PSE (socialistes), sont tombés d'accord pour abandonner toute référence au «principe du pays d'origine» (PPO), qui stipulait qu'un prestataire de services serait soumis «uniquement» au droit du pays d'où il vient, et non au droit du pays où il exerce son activité. Cette mesure était destinée à lever tous les obstacles à la libre circulation des services en Europe, objectif fixé dès le traité de Rome en 1957 et jamais réalisé jusque-là. Les services représentent 70% du PNB européen.
Le PPO a cependant suscité une vague d'hostilité dans certains pays européens, où l'on craignait un afflux d'artisans de l'Est proposant leurs services à bas prix sans avoir à appliquer les réglementations sociales des pays d'accueil. En France, l'image du «plombier polonais» a ainsi alimenté la campagne du «non» au référendum sur la Constitution européenne le 29 mai dernier. Le tollé était tel que le président français Jacques Chirac a obtenu de ses partenaires européens, en mars 2005, une «remise à plat complète» du texte.
L'accord conclu mercredi entre le PPE et le PSE abandonne effectivement cette disposition controversée. L'amendement qui sera soumis aux députés européens mardi stipule que l'Etat membre dans lequel le service est fourni est obligé d'assurer le libre accès et la liberté d'exercer une activité de service sur son territoire.
Toutes les restrictions imposées par le pays destinataire au prestataire de services devront respecter les règles de «non-discrimination», de «nécessité», et de «proportionnalité».
Il sera ainsi interdit notamment d'exiger d'un prestataire qu'il ouvre un bureau dans le pays où il souhaite fournir temporairement les services, ou de lui interdire d'utiliser son propre matériel de travail.
En revanche, l'Etat membre pourra imposer des restrictions pour des «raisons de politique publique ou sociale, de sécurité, ainsi que de protection du consommateur, de l'environnement ou de la santé».
Les parlementaires doivent par ailleurs encore débattre du champ d'application de la directive. Lors du vote en commission parlementaire, les services publics (santé, sécurité sociale, transport, eau) ainsi que l'audiovisuel, les jeux d'argent et de loterie ou la fiscalité ont été exclus de la directive. Mais le débat se poursuit toujours sur une éventuelle exclusion des services de l'enfance ou des soins aux personnes âgées.
En outre, le sort de la directive Bolkestein ne parait pas encore totalement scellé, certains élus du PPE ayant protesté contre l'abandon du «principe du pays d'origine», tout comme les représentants des dix nouveaux pays membres.
A contrario, les socialistes français, belges et autrichiens trouvent le texte encore trop ambigu et demandent qu'il stipule explicitement que le droit applicable est celui du «pays de destination». La Confédération européenne des syndicats a appelé à manifester mardi, un mouvement auquel les syndicats français se sont associés. Quelque 5.200 manifestants, dont une majorité d'Allemands, ont déjà battu le pavé strasbourgeois samedi.
Après le vote des députés européens, il reviendra au Conseil des ministres de se prononcer sur la directive et sur les modifications apportées. Le texte reviendra ensuite au Parlement, pour la deuxième lecture.
Le Premier ministre Dominique de Villepin a quant à lui rappelé lundi dernier que la France «n'accepterait pas que la mise en place du marché intérieur des services entraîne des effets de dumping social et réglementaire et remette en cause notre droit du travail et nos services publics».<
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