Maire-info
Le quotidien d’information des élus locaux
Édition du mercredi 7 décembre 2016
Transports

Transport scolaire : les sénateurs veulent redonner de la souplesse

À l’unanimité, le Sénat a adopté hier soir une proposition de loi proposant de modifier les règles fixées par la loi Notre en matière de transport scolaire. Cette proposition de loi est signée de trois sénateurs qui sont également, et ce n’est pas un hasard, présidents de conseils départementaux : Bruno Sido (LR, Haute-Marne), Benoît Huré (LR, Ardennes) et Jean-Jacques Lasserre (UDI, Pyrénées-Atlantiques). Bien que déposée par des sénateurs de droite, ce texte a rencontré le soutien de tous les partis représentés au Sénat.
L’article 15 de la loi Notre du 7 août 2015 transfère la compétence transport scolaire des départements aux régions (sauf le transport scolaire des enfants handicapés, qui restera aux départements). Ce transfert est prévu pour le 1er septembre 2017. Aux termes de la loi, les régions peuvent décider de « confier par convention tout ou partie de l’organisation des transports scolaires »  à un délégataire, qui peut notamment être le département, une commune, un EPCI ou un syndicat mixte de transport.
Mais si la région confie à un département le transport scolaire, celui-ci ne peut pas le déléguer à une commune ou un EPCI : la loi Loti (Loi d’orientation des transports intérieurs), qui fixe depuis 1982 les grandes règles du transport dans le pays est claire – elle interdit les subdélégations. C’est-à-dire qu’une autorité à laquelle une compétence a été déléguée ne peut à son tour déléguer cette compétence à une autre autorité. C’est le problème qu’ont posé les sénateurs dans cette proposition de loi : si une région décide de déléguer le transport scolaire à un département, celui-ci n’a pas le droit, dans l’état actuel du droit, de confier une partie de ce service à une commune par exemple, ou à un syndicat de transport.
L’idée des sénateurs est de souligner que l’organisation du transport scolaire est très souvent du « cousu main », pour reprendre l’expression de Bruno Sido, et suppose une connaissance très fine des territoires. Les régions, et a fortiori les nouvelles super-régions, ne sont pas les mieux placées pour avoir cette connaissance : « Comment une région XXL comme la nouvelle Aquitaine, presque aussi grande que le Portugal, pourrait-elle organiser le ramassage scolaire village par village ? », a demandé en séance le sénateur communiste du Val-de-Marne Christian Favier. À l’heure actuelle les départements délèguent le transport scolaire à des autorités organisatrices de second rang (ce que l’on appelle dans le jargon du transport les AO2) dans de très nombreux cas : ces AO2 qui ont reçu délégation sur le transport scolaires sont aujourd’hui au nombre de 3 345. Après la mise en place de la réforme, le 1er septembre prochain, les départements ne pourraient plus subdéléguer le ramassage scolaire à ces AO2.
Le texte adopté par le Sénat propose d’y remédier en introduisant un nouvel alinéa à l’article 15 de la loi Notre : « Lorsque (…) la région délègue cette compétence à un département, celui-ci peut confier, dans les conditions fixées par la convention de délégation conclue avec la région, l’exécution de tout ou partie des attributions ainsi déléguées à des communes, établissements publics de coopération intercommunale, syndicats mixtes, établissements d’enseignement, associations de parents d’élèves et associations familiales. »  On le voit, cette formulation permet de contourner l’interdiction établie par la Loti : de fait, il n’y aurait pas de subdélégation, mais un simple contrat de prestation de service.
Une simple mesure de « bon sens », a plaidé la sénatrice écologiste du Nord Marie-Christine Blandin : « Les départements auxquels la gestion des transports scolaires a été déléguée pourront ainsi recourir à des prestataires ». Simon Dutour, sénateur socialiste du Gard, est allé dans le même sens en saluant une proposition de loi « essentielle », insistant sur l’indispensable « proximité entre le donneur d’ordre et les exécutants ». « C’est entre autre la condition de la réactivité lors d’alertes météorologiques ».
Seule voix dissonante au milieu de cette unanimité : celle du ministre en charge des Collectivités territoriales, Jean-Michel Baylet, qui a vigoureusement argumenté contre ce texte : « Le gouvernement est opposé à toute subdélégation, incompatible avec l’objectif de lisibilité. Les délégations en cascade vont à l'encontre de l'objectif de responsabilisation des acteurs et de simplification de l'organisation administrative. »  Pour le ministre, « le système actuel est suffisamment souple pour permettre aux territoires de s'adapter au mieux, n'y ajoutons pas un étage intermédiaire au risque de la complexité. »  Il a soutenu, ce qui ne paraît pas non plus absurde, que la loi permet aux régions de contracter directement avec les communes et leurs EPCI, ce qui peut aussi être une solution pratique.
Jean-Michel Baylet n’a pas convaincu les sénateurs, qui ont voté ce texte toutes tendances confondues. Reste à savoir maintenant s’il connaîtra le même sort à l’Assemblée nationale, généralement plus sensible à l’avis du gouvernement. Et même s’il y sera inscrit avant la fin de la session parlementaire, fin février.
F.L.



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