Édition du mardi 13 octobre 2015
Stéphane Pintre : « Supprimer des agents c'est nécessairement, à un moment donné, supprimer des services »
© V.Dayan
Les députés viennent d’adopter le projet de loi sur la déontologie des fonctionnaires. Ce texte correspond-il à vos attentes ?
Nous sommes bien sûr favorables à un texte qui rappelle les grands principes relatifs aux valeurs, aux droits et aux obligations des fonctionnaires. On se félicite par exemple du fait que le principe de laïcité est limité à l’exercice des fonctions, ce qui était attendu mais pas forcement évident. Le texte réaffirme le principe de neutralité mais pas l’obligation de réserve. Il comporte ainsi beaucoup d’éléments intéressants mais d’autres n’y figurent pas alors qu’ils auraient pu y être. On aurait pu élargir notamment les principes déontologiques à des valeurs professionnelles plutôt que de se contenter de rappeler les grands principes. On aurait aimé que l’on aille plus vers des chartes ou des codes de déontologie pour les fonctionnaires.
La protection du fonctionnaire lanceur d’alerte telle que définie dans le texte vous satisfait-elle ?
C’est une première approche mais il faudra que la loi s’adapte à la réalité. Autant il ne faut pas favoriser la délation permanente, autant il faut protéger les agents qui seraient amenés à dénoncer des faits suceptibles d’être sanctionnés. Une collectivité est quelque chose de complexe où travaillent de nombreuses personnes honnêtes mais il peut y en avoir aussi de malhonnêtes. A un moment donné, il faut pouvoir sanctionner les déviations.
La création d’un statut spécifique lié à la fonction de DGS que vous demandiez ne figure pas dans le texte. Pourquoi demander un tel statut ?
Le devoir d’alerte du directeur général existe mais il doit s’exercer dans la discrétion à l’égard de son autorité territoriale. Si un DGS lance une alerte à chaque petit problème, il va perdre son emploi. C’est la raison pour laquelle il est nécessaire de clarifier les responsabilités et les compétences de la direction générale vis-à-vis des élus pour éviter qu’il y ait des mises en cause non fondées de part et d’autre.
C’est un sujet sur lequel il faut travailler et le président de l’AMF a dit qu’il était d’accord pour que cette question soit examinée. Cette question du statut des DGS n’est pas celle de la relation de pouvoirs avec le maire. Les DGS sont tout à fait attachés à la légimité de l’élu. La problèmatique tient au fait que, dans certains cas, alors qu’ils ne sont pas habilités à le faire au regard du droit, les directeurs généraux sont quand même amenés à prendre certaines décisions dans les faits. On souhaiterait une clarification sur ce sujet pour éviter, lorsqu’il y a une mise en cause pénale, de rester dans le flou.
Quelle serait la solution à vos yeux ?
Il existe des modalités juridiques comme la délégation de compétences qui permettrait de clarifier les choses. Cela ne nous paraît ni porter atteinte aux pouvoirs des maires, ni à ceux des élus de façon générale. C’est une question d’organisation et de responsabilité de part et d’autre.
Pour faire face à la baisse des dotations, un quart des collectivités envisagerait de diminuer leur effectifs. Craignez-vous que ce scénario ne devienne à terme une réalité ?
Cela fait un moment que la plupart des collectivités, notamment les grandes et les moyennes villes, travaillent sur la maîtrise de leurs effectifs et de leur masse salariale. Aujourd’hui, il va falloir aller chercher les emplois dont on pourra se passer le plus et qu’il faudra supprimer à terme. Mais on ne travaille pas sur les masses salariales comme on le fait dans une entreprise privée. Les collectivités n’opèrent pas de licenciements. C’est une question qui se gère sur le moyen et le long terme mais pas sur le court terme.
Il est certain qu’il existe des marges de manœuvre sur les masses salariales mais il faut bien savoir ce que l’on touche. Les communes sont des collectivités qui assurent des services de proximité à la personne. Or ces services sont consommateurs de personnel, ne serait-ce que pour respecter les normes d’encadrement imposées par l’Etat. Et, sauf à diminuer le service, voire le supprimer, il est difficile de diminuer les masses salariales.
Il faut savoir que supprimer des agents c’est nécessairement, à un moment donné, supprimer des services.
Il ne faut pas oublier, non plus, que les collectivités, et surtout les communes, sont des amortisseurs de l’emploi. Nous employons des personnes qui sont souvent inemployables par ailleurs. Si demain, on supprime ces emplois, ces personnes relèveront de la solidarité nationale. On n’aura fait que déplacer le problème.
L’AMF organise demain un premier « rdv des professionnels » sur la loi Notre. Pourquoi vous êtes-vous associé à cette manifestation ?
Parce que c’est une excellente idée. Il est bien que l’AMF puisse relayer, elle même, l’information sur cette question. Au delà de l’information apportée, il est très important aussi que les agents territoriaux puissent avoir des contacts avec l’Association des maires de France qui représente les employeurs. Il est normal que les agents territoriaux, qui sont les clefs de voute de l’action des services, soient pleinement associés à la vie des collectivités. En prenant cette initiative, l’AMF fait quelque chose de très intéressant.
Propos recueillis par Christine Nemarq
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