Édition du mercredi 15 juin 2016
Rollon Mouchel-Blaisot : considérer l'AMF comme un lobby « confine à l'absurde »
© D.R.
Le projet de loi Sapin 2 fait entrer les associations, y compris les associations d’utilité publique, et donc les associations d’élus, dans le champ des « représentants d’intérêt » (lobbys), alors que les partis politiques et les organisations syndicales en sont exclus. Ce choix vous parait-il justifié ?
Je le trouve au contraire incompréhensible. L’AMF est une association d'élus. Elle représente l’écrasante majorité des maires et présidents d’intercommunalité de notre pays, dans toute leur diversité. Sa vocation est de porter auprès des pouvoirs publics les préoccupations d’intérêt général des collectivités qu’ils administrent suite à leur élection au suffrage universel. Prenez le programme du dernier Congrès : nous aimerions bien qu’on nous dise si débattre des finances publiques, de la réforme territoriale, de l’accès aux soins, de l’aménagement rural, de l’accueil des migrants ou des territoires connectés pour tous est la marque d’un « lobby » privé ?
Autre exemple d’actualité récente, le président de l’AMF a signé avec le Premier ministre et les ministres chargés de l’Intérieur et de la Ville une convention pour conjuguer les efforts de l’État et des maires pour mieux détecter et prévenir les phénomènes de radicalisation. Qui peut prétendre que ce n’est pas d’intérêt public?
Et comment comprendre que, selon ce texte, lorsqu’un maire parle avec son préfet, ce serait considéré comme « normal » mais lorsque l’AMF travaille avec Matignon et Beauvau sur ce même sujet, elle devrait le déclarer à la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique au titre de ses activités de « lobbyste » ? Vraiment, cette conception confine à l’absurde !
Le fait, pour une association comme l’AMF, d’être considérée comme un « lobby » va-t-il induire des charges supplémentaires lourdes pour l’association ?
L’AMF est une association centenaire et sa reconnaissance d’utilité publique induit qu’elle est plus contrôlée que quiconque. Toute modification de ses statuts doit être approuvée par arrêté ministériel après avis du Conseil d’État. Ses comptes sont publics, tout comme le nombre de ses adhérents. Ses débats sont ouverts à la presse.
Si, contrairement aux organisations politiques, patronales et syndicales, l’AMF devait être considérée comme un lobby, cela entrainerait beaucoup de formalités administratives à accomplir et surtout de nombreuses absurdités à gérer : par exemple, il faudrait à chaque fois dire si le maire de telle ville qui rencontre un parlementaire le fait en tant que représentant de sa ville ou de l’AMF, voire découper son temps de parole !
Que dire aussi de toutes les commissions et instances nationales, régionales ou départementales où siègent, à la demande de l’État, des élus désignés par l’AMF ? Quel sera alors leur statut ?
Lors du débat, des parlementaires ont directement ciblé l’AMF en la qualifiant de « lobby des lobbys », l’accusant même de pousser les élus à choisir des DSP pour favoriser des entreprises. Que répondez-vous ?
Que c’est insultant. Cela traduit par ailleurs une profonde méconnaissance de l’AMF et plus particulièrement des positions pourtant constantes de ses instances. Il y a un mot qui revient toujours dans ces prises de position, c’est celui de la « liberté de choix », par chaque conseil, du mode d’organisation de ses services publics. C’est ce qui fait que la situation est différente dans chaque collectivité. L’AMF s’est toujours battue pour préserver ce libre choix.
Plus généralement, l’AMF est une institution totalement indépendante ; elle ne reçoit aucune subvention et ses instances pluralistes prennent leurs décisions par consensus, loin des consignes des états-majors. Est-ce cela qui gêne ? Les parlementaires devraient pourtant considérer que c’est vraiment une chance pour les pouvoirs publics de pouvoir dialoguer, en toute transparence, avec une institution certes exigeante mais pleinement responsable, loyale et transparente.
Nous espérons que le texte final reconnaitra le rôle d’intérêt général de notre association qui est le porte-parole reconnu des maires de France, au service de tous nos concitoyens. Les questions qui se posent dans nos 35 885 communes sont des questions qui concernent tout le pays et l'ensemble de nos concitoyens. L’AMF continuera donc de les relayer inlassablement car il est important que les territoires puissent être entendus et défendus à Paris.
Propos recueillis par Franck Lemarc
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