Édition du vendredi 29 mai 2015
Rencontre à Matignon : l'AMF « pas complètement bredouille » mais profondément insatisfaite
© R. Bourguet
François Baroin, le président de l’AMF, qui était accompagné d’André Laignel, Philippe Laurent et Michel Vergnier, l’a dit d’emblée sur le perron de Matignon : les quelques réponses faites par Manuel Valls, « de nature technique », ne « correspondent pas » aux demandes de l’AMF, c’est-à-dire « un allongement dans la durée et une diminution du volume » de la baisse des dotations. Sur ce terrain, le refus du Premier ministre a été formel.
Lors d’une conférence de presse tenue ce matin, après une réunion exceptionnelle du bureau de l’association hier soir, les responsables de l’AMF ont précisé la teneur de la rencontre avec le Premier ministre. Ils ont aussi présenté les résultats d’une étude sur les conséquences de la baisse des dotations (lire article ci-dessous).
Certes, Manuel Valls semble, d’après François Baroin, être « extrêmement préoccupé » par l’effondrement de l’investissement local (-12,5 % l’an dernier). Le président de l’AMF a d’ailleurs rappelé que l’argument selon lequel cette baisse serait normale en année post-électorale « ne tient pas » : elle est de plus du double de ce qui a été constaté en 2008.
Bien que « préoccupé », donc, le Premier ministre n’a cependant rien lâché sur la baisse des dotations, ni sur le calendrier ni sur le volume. En revanche, deux orientations proposées par Manuel Valls ont retenu l’attention de l’AMF, qui vont à présent « les étudier ». C’est ce qui a fait dire à François Baroin que l’association n’était pas « complètement bredouille ».
Première proposition : l’élargissement de l’assiette des dépenses éligibles au FCTVA (fonds de compensation de la TVA), ce qui correspond à une des demandes de l’AMF. Certaines dépenses, comme les gros travaux sur les bâtiments municipaux, ne sont actuellement pas éligibles. Vont-elles le devenir ? C’est pour l’instant le flou. Comme l’a expliqué André Laignel, le premier vice-président délégué de l’AMF, selon l’élargissement qui sera décidé par le gouvernement, cette mesure se chiffrera « en millions ou en centaines de millions », et sera « dérisoire ou significative ».
Deuxième annonce : la création d’un fonds de soutien à l’investissement local, doté d’un milliard d’euros. Cette mesure semble intéresser les responsables de l’AMF – « un milliard, ce n’est pas rien », comme a dit François Baroin – mais avec bien des réserves. Car en particulier, l’origine de cet argent est aujourd’hui absolument inconnue. « Il est hors de question de prendre à Paul pour financer Jacques », a martelé François Baroin. L’AMF dit en conséquence ne pouvoir se satisfaire de cette annonce que s’il s’agit d’argent supplémentaire « de l’État », et non d’argent destiné à d’autres collectivités qui serait fléché différemment.
Les dirigeants de l’AMF ont insisté sur le caractère potentiellement catastrophique de la situation de certaines collectivités : 1 500 collectivités, d’ici la fin de l’année, risquent de se retrouver « dans le rouge », c’est-à-dire obligées de passer sous la tutelle de l’État. « Certains maires savent déjà qu’ils vont devoir supprimer ou réduire certains services comme les cantines, les crèches, etc., a déploré le maire de Troyes. D’autres choisiront de réduire l’investissement – avec quelles conséquences sur l’emploi ? D ‘autres encore, mais ce n’est pas la majorité, choisirons le levier fiscal. » L’AMF en a profité pour signaler que moins d’un tiers des communes ont augmenté les impôts locaux en 2015.
Rien d’étonnant à ce que, comme l’a dit André Laignel, « les maires oscillent entre l’anxiété et la colère ». D’autant, a ajouté Philippe Laurent, secrétaire général de l’AMF, qu’il faut faire face au « cynisme de certains commentateurs » qui expliquent que les collectivités n’ont qu’à augmenter les impôts pour compenser la baisse des dotations – c’est le discours que tient notamment la Cour des comptes. « Il y a clairement une volonté de voir transférer l’impopularité fiscale de l’État vers les collectivités locales ».
François Baroin, sur le même thème, s’est offusqué de voir certains commentateurs « prétendre que les maires refusent de se serrer la ceinture ». « Les maires, a-t-il rappelé, ne servent pas leurs intérêts mais ceux des habitants. Ce qu’ils refusent, c’est que l’on serre la ceinture aux citoyens de leurs communes ».
Et maintenant ? Il est hors de question pour les dirigeants de l’AMF d’abandonner le combat, même si pour l’instant ils « prêchent dans le désert ». François Baroin s’est d’ailleurs dit convaincu que la position du gouvernement allait évoluer face aux conséquences de la baisse des dotations. L’AMF va à présent porter la contestation « sur le terrain ». Jeudi prochain, lors de son comité directeur – le Parlement de l’association – ses dirigeants arrêteront avec les présidents d’associations départementales « toute une série de propositions d’actions sur le terrain », qui s’échelonneront « jusqu’au Congrès ».
L’AMF annonce d’ailleurs ce matin, par voie de communiqué, le lancement d’une « mobilisation nationale pour sauvegarder l’investissement et les services publics locaux ».
Franck Lemarc
Télécharger le dossier de presse de l’AMF sur la baisse des dotations et ses conséquences.
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