Maire-info
Le quotidien d’information des élus locaux

Édition du mardi 9 juin 2015
Transports

Projet de loi Macron : les autocaristes déjà dans les starting-blocks

Alors que le projet de loi Macron entame sa dernière ligne droite au Parlement, avec le retour en commission à l’Assemblée nationale avant un nouveau débat en séance publique à partir du 16 juin, les transporteurs privés se mettent en ordre de marche pour lancer des offres de liaisons par autocar dès la première minute où ils en auront le droit. On sait en effet que l’un des points clés du texte est l’ouverture à la concurrence des liaisons par car en lieu et place du train.
La concurrence va être féroce sur un marché dont, visiblement, les opérateurs attendent beaucoup : alors que l’adoption définitive du projet de loi est prévue vers le 10 juillet, les transporteurs espèrent qu’ils pourront profiter des vacances d’été pour tester leurs nouvelles liaisons – au point que certains ont déjà anticipé sur la législation en ouvrant, depuis début juin, la vente de billets ! C’est ainsi que sont déjà annoncés, sur le site internet d’une filiale de Transdev, un Paris-Lyon ou un Bordeaux-Marseille à 5 € réservable pour… le 10 juillet. Un choix marketing qui paraît incompréhensible, car l’adoption du projet de loi ne signifie pas une promulgation le jour même, sans compter le risque non négligeable que l’opposition saisisse le Conseil constitutionnel, ou qu’il faille attendre des mois pour voir paraître les décrets d’application.
Quoi qu’il en soit, les transporteurs se pressent au portillon : Transdev vient d’annoncer la création d’une marque spécialisée dans les lignes régulières intérieures (Isilines), la SCNF s’est mise sur les rangs avec iDBUS, espérant récupérer d’une main une partie de ce qu’elle perdra de l’autre avec la baisse attendue de la fréquentation des Intercités, TGV et TER ; Starshipper, la marque lancée par le réseau de PME de transport Réunir, annonce déjà 15 liaisons. Sans oublier les transporteurs étrangers déjà dans les starting-blocks, tels le leader du secteur, outre-Rhin, Flixbus, ou le britannique Megabus.
Toutes ces sociétés promettent des prix bas et un niveau de service élevé (avec wifi, prise électrique et prise USB à chaque place, climatisation, sièges larges…), espérant par ce biais compenser ce qui constitue forcément le point faible de ces liaisons : le temps de trajet, incomparable avec celui du train. Ainsi, les premiers Lyon-Paris sont proposés à 6 h 15 (sans embouteillages) contre 2 h en TGV ; les Paris-Rennes, à 5 h20 (2 h 20 en TGV, et 1h45 dans un an).
Reste que tous ces projets, montés et mis en place avant même la fin du débat parlementaire, ont pour certains un petit air de la fable La Laitière et le pot au lait et sa fameuse Pérette. Car pour l’instant, une question essentielle n’est toujours pas tranchée par les parlementaires : quelle limite va être fixée pour ce que l’on appelle les lignes open access, c’est-à-dire celles qui ne seront pas soumises à autorisation de la part des autorités organisatrices – en l’occurrence les régions ?
Rappel des épisodes précédents : le projet de loi prévoit que les lignes d’autocars ne pourront être librement ouvertes que si elles couvrent une distance minimale (100, 200, 250 km, selon les avis). En-deçà de cette distance, le législateur considère qu’elles mettent en danger l’équilibre économique du TER, et les régions seront donc en mesure d’en empêcher l’ouverture. La fixation de ce seuil a donné lieu à de furieuses discussions entre parlementaires, de l’Assemblée au Sénat, entre les partisans d’une régulation accrue et ceux d’une dérégulation totale.
La décision finale changera beaucoup de choses. De très nombreuses liaisons intéressantes pour les autocaristes se situent entre 100 et 200 km (en vrac, Lyon-Dijon, Bordeaux-Agen, Mulhouse-Strasbourg, Perpignan-Montpellier, Paris Rouen, Paris-Reims…). La possibilité ou non d’ouvrir ces lignes dépend de la décision des parlementaires. Et si, comme le proposent certains, le seuil passait à 250 km, c’en serait fait également d’un Marseille-Nice (207 km) ou d’un Lille-Paris (206 km).
Il restera toujours, bien sûr, les liaisons longues distances. À condition que les voyageurs acceptent de sacrifier le temps au prix.
Une autre question va se poser très rapidement, et il faudra qu'elle trouve une réponse : comment vont être organisées les gares routières ? Quelles gares, quels points d'arrêt seront mobilisés pour ces lignes, et quel rôle les communes auront-elles à jouer dans cette question ? Pour l'instant, c'est le flou le plus total qui règne.
F.L.

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