Édition du mercredi 31 mars 2010
Pour le Conseil d'État, l'interdiction générale et absolue du port du voile intégral ne peut trouver aucun fondement juridique incontestable
Dans son étude relative aux possibilités juridiques dinterdiction du port du voile intégral (1) quil a présentée au Premier ministre, mardi 30 mars, le Conseil dÉtat a rejeté l'hypothèse d'une interdiction absolue de la burqa en France. Selon ce document de 46 pages, cette interdiction ne «pourrait trouver aucun fondement juridique incontestable». En revanche, le Conseil d'État «est davis que la sécurité publique et la lutte contre la fraude, renforcées par les exigences propres à certains services publics, seraient de nature à justifier des obligations de maintenir son visage à découvert, soit dans certains lieux, soit pour effectuer certaines démarches».
Cette étude réalisée «en dehors de toute considération sur lopportunité de légiférer en ce sens» affirme quil existe aujourdhui «un ensemble hétérogène de prescriptions ou dinterdictions, qui fait apparaître que la France est dores et déjà, au sein des démocraties comparables, lun des États les plus restrictifs à légard de ces pratiques». Il est ainsi rappelé que le port du voile est prohibé «pour les agents publics, dans lexercice de leurs fonctions, au nom du principe de laïcité; dans les établissements denseignement public (loi du 15 mars 2004): le port du voile intégral est interdit en milieu scolaire, là encore au nom du principe de laïcité. Par ailleurs, le port du voile intégral peut être interdit pour les salariés et les personnes qui fréquentent les locaux dentreprise, sur décision du chef détablissement motivée par le souci dassurer son bon fonctionnement. De plus, certains dispositifs, reposant déjà sur des considérations de sécurité publique ou de lutte contre la fraude, imposent également lidentification ponctuelle des personnes et impliquent donc que celles-ci découvrent leur visage».
Les sages envisagent de «confier aux préfets un pouvoir de police spécial susceptible d'être exercé en tout lieu ouvert au public dès lors que la sauvegarde de l'ordre public l'exige, par exemple pour l'accès aux banques, aux bijouteries ou pour les rencontres sportives et des conférences internationales». Ils évoquent aussi les tribunaux, les bureaux de vote, les mairies, les remises d'enfants à l'école, les hôpitaux et les autres lieux où sont délivrées les prestations médicales, les déroulements d'examens y compris dans les universités, les théâtres, les cinémas et les boîtes de nuit et tous les lieux qui nécessitent une identification liée aux moyens de paiement.
Quant aux sanctions quentraînerait le non-respect de ces règles si elles étaient adoptées, le Conseil dÉtat propose la création d'une injonction de médiation sociale pour les femmes portant le voile intégral, assortie d'une amende si l'injonction n'est pas respectée. Pour les personnes qui en obligent une autre à le porter, il demande la constitution d'un délit puni de prison et d'une amende.
Souhaitant que soient mises en place des mesures qui auront une forte portée dissuasive, car elles rendront la vie quotidienne de ces femmes plus difficiles, le Conseil recommande de ne pas «provoquer des réactions disproportionnées par rapport au phénomène que l'on souhaite résorber».
(1) "Étude relative aux possibilités juridiques dinterdiction du port du voile intégral", rapport adopté par lassemblée générale plénière du Conseil dÉtat le jeudi 25 mars 2010.
Pour accéder au rapport, utiliser le lien suivant.
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