Édition du mardi 12 novembre 2013
Philippe Laurent : « La métropole du Grand Paris risque d'être l'écotaxe de 2016 »
© Maires de France
Les élus de Paris Métropole, toutes tendances confondues, ont exprimé la semaine dernière leur refus de voir disparaître les intercommunalités en Ile-de-France. Espérez-vous que les choses peuvent encore changer ?
Cette disparition est inscrite dans le texte de loi, et compte tenu des informations que l'on a sur la façon dont l'Assemblée nationale va gérer la deuxième lecture, il n'y a aucune chance de voir une évolution significative du texte dans ce domaine. Olivier Dussopt, le rapporteur du texte, l'a d'ailleurs confirmé dans une interview récente.
Pourtant Jean-Marie Le Guen, un autre défenseur du texte, a dit la semaine passée que la majorité était "à la recherche d'une solution juridique" pour maintenir ces territoires...
Ce que nous demandons, ce sont des intercommunalités qui aient la capacité de définir leur politique, avec un pouvoir fiscal. Celui-ci peut être partagé avec la métropole le cas échéant, mais il faut du pouvoir fiscal. S'il n'y a pas de pouvoir fiscal, qu'il y a seulement des compétences avec de l'argent attribué par dotations de la part de la métropole - cela ne fonctionnera pas.
En résumé, nous sommes favorables à l'idée métropolitaine, donc favorables au texte... à condition qu'il recrée des intercommunalités et qu'il leur donne un pouvoir fiscal et une personnalité juridique !
Il faut bien comprendre qu'on ne dit pas non à la métropole. Nous disons oui à la métropole, mais pas de cette façon-là. Nous sommes tous d'accord au sein de Paris Métropole - et cela n'a pas été évident - pour dire que le fait métropolitain doit s'incarner dans une institution. Une institution qui doit se développer en prenant le temps nécessaire, en commençant par une fédération des EPCI, ce qui veut dire une généralisation de la carte intercommunale sur l'ensemble de la région. Nous pensons également que la frontière ne doit pas être seulement la petite couronne, qu'il faut aller plus loin et englober les villes nouvelles et les aéroports - car des métropoles sans aéroport, cela n'existe nulle part au monde. C'était d'ailleurs le schéma initial du gouvernement, qui a été jeté à bas par le rejet du Sénat (lire Maire info du 4 juin 2013).
Comment voyez-vous, lors de la création de la métropole, la question des transferts de personnels ? Et quel sera leur statut - va-t-on s'aligner sur le statut le plus favorable ?
Nous n'avons pas la réponse : c'est la mission de préfiguration qui doit réfléchir à tout cela. Cette affaire concerne entre treize et vingt mille agents, ce qui est considérable. Si des agents de la Ville de Paris doivent être transférés à la métropole, cela posera un problème de statut, puisque certains cadres d'emplois existent à Paris et pas dans la territoriale. Cela posera forcément des problèmes, comme cela en a posé lors de la création du syndicat interdépartemental d'assainissement de l'agglomération parisienne, où il faut encore aujourd'hui gérer des agents qui ont un statut, des grades et des rémunérations différents... c'est très difficile à gérer, des gens qui font le même travail et qui ne touchent pas le même salaire !
Mais bien d'autres problèmes se poseront. L'harmonisation fiscale, par exemple. Les Parisiens réalisent-ils que cette harmonisation fiscale dans la métropole, qui aura inéluctablement lieu, signifiera une augmentation considérable de la taxe d'habitation à Paris - de l'ordre de 30% ?
Et le logement ? L'intercommunalité en petite couronne n'a pas résolu la question du logement social en banlieue. Le fait de donner cette compétence à la métropole sera-t-il plus efficace ?
La problématique va au-delà du logement social - c'est la problématique du logement, en général. On ne construit pas assez, et cela conduit à une augmentation permanente des prix. Mais le fait que l'on construise, ou pas, du logement n'est pas un problème de compétences ou de collectivités territoriales. C'est un problème de société, un problème de confiance, qui concerne les acteurs privés et publics, et qui dépend, entre autres, de la fiscalité. Si demain, on redonnait des incitations fortes aux investisseurs institutionnels pour qu'ils reviennent sur le marché du logement, on retrouverait probablement immédiatement des capacités de construction. De même, la question de l'acceptation de la mixité sociale dans les communes est un problème de société, pas un problème de mécanique institutionnelle. Pour retrouver des marges de manoeuvre en matière de construction, il faut toute une série de facteurs, mais la création d'une structure nouvelle n'en fait pas partie. Que voulez-vous que fasse la métropole, sur le logement ? Elle va faire des plans, donner des objectifs ? Ce n'est pas cela qui changera les choses. Cela n'aggravera pas les choses, ne les améliorera pas nonplus. Simplement, ce n'est pas le sujet.
Pour revenir au projet de loi, vous pensez donc que les choses ne vont pas évoluer ?
Elles évolueront à la marge, mais dans le fond, rien ne sera remis en question. Il y a une forte volonté de la majorité de l'Assemblée de faire passer ce texte. Ce qui nous paraîtrait essentiel, ce n'est pas de modifier des choses à la marge, c'est de changer la philosophie même du texte, de ne pas rester sur cette philosophie centralisatrice, qui ne tient pas compte du travail fait depuis des années en matière de dynamique territoriale.
Mon sentiment profond, c'est que la métropole du Grand Paris, ce sera l'écotaxe de 2016. On va discuter, mettre en place une mission de préfiguration, et puis... on finira par s'apercevoir que tout cela n'est pas tenable sur un plan pratique et concret.
Propos recueillis par Franck Lemarc
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