Maire-info
Le quotidien d’information des élus locaux
Édition du mardi 3 avril 2018
Transports

Ouverture à la concurrence du rail : le gouvernement renonce aux ordonnances

Le combat engagé par les syndicats cheminots contre le projet de loi ferroviaire du gouvernement démarre aujourd’hui, avec la première grève nationale à la SNCF – très suivie. Le jour n’a pas été choisi au hasard, puisque c’est également aujourd’hui que démarre, en commission à l’Assemblée nationale, l’examen du texte.
De façon assez inattendue, le gouvernement a finalement annoncé, vendredi, qu’il renonçait à faire passer un certain nombre de mesures par ordonnances : la ministre des Transports, Élisabeth Borne, a expliqué que sur la question de l’ouverture à la concurrence, les ordonnances seraient remplacées par « des dispositions législatives en dur », afin qu’ait lieu un véritable débat au Parlement.
Que veut dire « des dispositions législatives en dur » ? Le projet de loi initial – composé de huit articles – ne comprenait que des demandes d’autorisation permettant au gouvernement de légiférer par ordonnance sur tous les sujets liés à la réforme : ouverture à la concurrence, modification de la forme juridique de la SNCF, évolution du statut des cheminots.
Mais conformément aux annonces de la ministre, dès vendredi et samedi, le gouvernement a déposé une quinzaine d’amendements en tout qui, eux, sont bien des modifications législatives du Code des transports.
Sans faire le tour de tous les amendements, notons que plusieurs d’entre eux visent à traiter une question qui inquiète particulièrement les élus : l’avenir, dans un cadre ouvert à la concurrence, des lignes les moins rentables. Le gouvernement se veut rassurant : « L’ouverture à la concurrence ne saurait conduire à une remise en cause du modèle d’une desserte équilibrée du territoire », explique-t-il dans l’exposé des motifs d’un des amendements. Le gouvernement ne retient pas la proposition des sénateurs Nègre et Maurey (lire Maire info du 23 mars), consistant à proposer des « packs »  incluant lignes rentables et non rentables ; il propose de jouer sur le prix des péages que payent les exploitants pour rouler sur les voies de chemin de fer. L’idée est apparemment de diminuer fortement le prix des péages sur certaines lignes, afin « de diminuer le nombre de dessertes non rentables ». Dans un autre amendement, le gouvernement propose de permettre aux régions de conventionner des liaisons interrégionales, y compris TGV. L’idée est claire : si aucun opérateur privé ne veut prendre en charge une liaison jugée peu rentable – entre deux villes moyennes par exemple – les régions seraient autorisées à le faire… à leurs frais, mais avec un prix de péages nettement en baisse.
Un autre amendement propose de fixer des règles différentes pour la région francilienne, eu égard à « sa complexité particulière »  et au fait que son réseau « nécessite des travaux importants à conduire dans les 20 prochaines années ». Pour les lignes RER (le TER d’Ile-de-France), l’ouverture à la concurrence serait repoussée à 2039.
Pour le reste des régions, le calendrier est précisé dans un autre amendement : les régions auraient le choix ou bien de mettre en place la concurrence à partir de décembre 2019 ; ou bien de « conclure une nouvelle convention avec SNCF Mobilités »  pour une durée maximale de 10 ans. Mais pour les conventions qui seront passées à partir de décembre 2023, l’attribution directe à la SNCF sera interdite.
Notons enfin deux autres amendements importants : le premier prévoit de faire bénéficier tous les futurs opérateurs privés des services de la Suge (la police ferroviaire de la SNCF), afin qu’un niveau de sécurité homogène soit assuré quel que soit l’opérateur. L'autre amendement concerne les tarifs sociaux. Afin de pérenniser ceux-ci après la mise en concurrence, ils seraient désormais « fixés par voie réglementaire »  et feraient ensuite l’objet d’une « compensation »  visant à « couvrir les incidences financières pour les opérateurs ». L’amendement précise que cette compensation serait « établie par l’État » … mais ne dit pas qui la versera. Reviendra-t-il aux régions organisatrices du transport de les verser aux opérateurs avec qui elles auront conventionné ? Et seront-elles dans ce cas compensées elles aussi par l’État ? Des précisions devront être apportées sur ce sujet dans le débat qui s’ouvre au Parlement.
Franck Lemarc
Accéder au dossier législatif du texte.

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