Édition du vendredi 21 avril 2017
Natacha Bouchart : « Il faut écouter les élus locaux »
© R. Bourguet
Quel est votre sentiment après la destruction du camp de La Linière à Grande-Synthe ?
Je n’ai hélas pas été surprise. Cela fait un an qu’avec d’autres élus, nous demandons le démantèlement de ce camp, parce que nous considérions qu’il ne pourrait pas à terme fonctionner dans de bonnes conditions. Trop de monde, trop de conflits entre nationalités, on sentait depuis le mois de septembre que les tensions étaient en train de monter. Personnellement, avec Xavier Bertrand [président de la région Hauts-de-France – ndlr] j’ai alerté Bernard Cazeneuve, alors ministre de l’Intérieur, pour qu’il instruise en dispositif visant à ouvrir des places en Centres d’accueil et d’orientation (CAO) et fermer ce camp de La Linière. Je me souviens même que nous avions dit à Bernard Cazeneuve que ce camp allait « brûler ». Les événements nous ont donné raison. Il est dommage qu’on en soit arrivé là, même si heureusement il n’y a pas eu de morts. Mais cela aurait pu être aussi une catastrophe humaine.
Vous estimez qu’il y a eu un manque d’anticipation ?
Aussi bien au moment du démantèlement du camp de Calais que dans ce cas, on agit toujours en réaction face à l’urgence. On ne réussit apparemment pas à anticiper les événements, ce qui est extrêmement dommageable. Toutes les personnes qui ont dû quitter le camp de La Linière vont être reclassées, je l’espère, mais je ne sais même pas si elles pourront l’être toutes, puisque je pense qu’il n’y a pas assez de place en CAO de prévues. Certes, un plan national a été mis en place pour les accueillir, mais encore une fois, cela a été fait dans l’urgence, une fois mis devant un fait accompli grave.
Vous êtes d’accord avec votre collègue Damien Carême, le maire de Grande-Synthe, lorsqu’il dit qu’il faut multiplier les places en CAO ?
Le fait d’ouvrir des places en CAO est évidemment une bonne chose. Mais il y a une difficulté à laquelle il faut veiller. Les associations qui gèrent ces situations travaillent dans l’humanitaire, dans une démarche d’empathie, mais ne raisonnent pas en termes de troubles à l’ordre public. Ce n’est pas leur métier. C’est pourquoi je pense que si des centres s’ouvrent, ils doivent être pris en charge et contrôlés entièrement par les forces de l’ordre ou des organisations dont c’est le métier premier. Sinon cela ne peut pas fonctionner. Et à l’intérieur des CAO, des règles de vie doivent être imposées, conformes aux règles de la République.
Quelle est la situation à Calais aujourd’hui ?
Le flux de migrants qui tentent de passer en Angleterre est aujourd’hui largement moins critique que ce que nous avons connu en octobre. On a encore environ 300 migrants qui essayent de revenir. C’est la raison pour laquelle je continue de demander un renforcement des forces de l’ordre, pour éviter que se constituent à nouveau des points de fixation anarchiques. Mais la situation s’est tout de même considérablement calmée depuis le démantèlement.
Vous demandez donc à ce que les maires soient plus écoutés.
Oui. Il faut écouter les élus locaux ! Les alertes, nous les donnons au quotidien. Nous avons communiqué auprès des médias, eu je ne sais combien de réunions avec les services de l’État pour mettre en garde contre la montée des tensions… Nous sommes au plus près du terrain, nous savons comment les choses fonctionnent. Mais nous ne sommes pas entendus.
Propos recueillis par Franck Lemarc
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