Édition du mercredi 4 novembre 2015
Marie Prost-Coletta : « Nous avons largement fait évoluer la situation en matière d'accessibilité »
© Maires de France
Les gestionnaires ou exploitants d’établissements recevant du public (ERP) non accessibles avaient jusqu'au 27 septembre pour déposer un Agenda d'accessibilité programmée (Ad’AP). Combien l'ont fait ?
Au 24 septembre, près de 42 373 Ad'AP avaient été déposés. Nous avions alors 160 000 ERP couverts par un Ad'AP ou bénéficiant d'une prorogation. Le délai d'instruction en mairie, avant transmission en préfecture, ne nous permet pas encore de donner un bilan précis du nombre de dossiers déposés à la date fixée comme échéance. Mais sur la base d'un tiers des départements, les remontées d'informations nous indiquent que nous avons passé le cap des 200 000 ERP. Nous serons sans doute plus proches des 250 000 ERP couverts par un Ad'AP. Nous en saurons plus après le 10 novembre.
Vous estimez le nombre total d’ERP à un million. Le résultat n’est-il pas décevant ?
Nous savons que sur ce million, un petit tiers (300 000) est déjà accessible. Il en reste donc 700 000 à rendre accessibles. On peut ne retenir que ce résultat, entre 200 et 250 000 ERP sous Ad'AP, et conclure que cela nous situe encore loin du compte. Or, je tiens à rappeler qu'entre 2007 (date d'entrée effective des obligations d'accessibilité de loi de 2005) et 2015, à peine 50 000 ERP existants ont été rendus accessibles. J'affirme donc que nous avons largement fait évoluer la situation.
Sur les 160 000 ERP couverts par un Ad'AP, près de la moitié font l'objet d'une prorogation, c'est à dire que leurs gestionnaires ont obtenu un délai supplémentaire pour rendre la version définitive de leur Ad'AP. Vous attendiez-vous à un tel niveau ?
Oui, car cela concerne de gros patrimoines. La quasi-totalité des grandes villes ont demandé une prorogation, et beaucoup de villes moyennes.
Qu’est-ce qui justifie ces reports ?
L'essentiel des demandes l'ont été faites pour des raisons techniques, avec l'engagement de déposer un Ad'AP dans les 12 mois. Quelques unes ont fait valoir des difficultés financières, elles sont peu nombreuses. Le délai peut alors aller jusqu'à trois ans avant le dépôt de l'Ad'AP, le temps de recouvrer meilleur fortune.
De quelles difficultés techniques s'agit-il précisément ?
L'ampleur du patrimoine, que finalement, beaucoup ne connaissent pas – ou pas précisément – entre les bâtiments dont on est propriétaire occupant, propriétaire bailleur, ceux que l'on met à disposition, etc. L'Ad'AP de Paris par exemple doit englober 1500 ERP. Quel service en France aurait été en capacité d'expertiser en quelques mois ces 1500 bâtiments pour rendre un Ad'AP dans les temps ?
Ceux qui n'ont pas encore déposé leur dossier le peuvent-ils toujours... ?
Bien sûr, et je les encourage surtout à le faire.
Et sans être pénalisés, comme le prévoit la loi ?
La loi a en effet prévu des sanctions pour le dépôt hors délai de l'Ad'AP. Mais ma consigne aux services a été claire : aucune sanction ne sera prononcée pour les dossiers déposés en octobre. Le décret d'application concernant ces sanctions n'a quant à lui pas encore été publié. Il est en phase d'examen au conseil d’État. Dans cette attente, j'ai demandé aux services de maintenir une grande ouverture d'esprit quant aux explications apportées pour justifier un dépôt tardif d'Ad'AP. Une commune peut avoir souffert du départ du chef de service des travaux. On ne saurait la sanctionner pour cela.
Les gestionnaires d'ERP accessibles devaient, eux, déposer leurs attestations d'accessibilité. L'ont-ils tous fait ?
Sans doute pas ! J’en profite d'ailleurs pour le leur rappeler. Car lorsque nous aurons fini l’instruction des dossiers Ad'AP, nous nous intéresserons à ceux qui n'ont ni déposé d'Ad'AP ni envoyé leur attestation d'accessibilité.
Pensez-vous qu'un certain nombre de gestionnaires espèrent passer entre les gouttes et les contrôles ?
C'est une possibilité. Mais j'observe que du côté des collectivités, il n'en manquera pas tant que ça. Ce sont surtout les petites communes qui sont en retard. Or, ce que je veux leur dire, ce que je répète à chacun de mes déplacements, c'est qu'il n'y a rien d'impossible : une commune qui a trois ERP, le plus souvent de 5e catégorie, peut s'appuyer sur l'outil d'auto-diagnostic que nous avons mis en ligne. À partir de cette analyse, avec un peu d'intelligence et pourquoi pas l'appui d'un retraité du bâtiment, il n'y a rien d'infaisable.
En revanche, vous avez demandé de la souplesse dans l'instruction des dossiers. Pourquoi ?
Nous avons été alertés sur des rejets d'Ad'AP pour manquement de pièces. Or, je considère que dans le cas où la mise en accessibilité dépend de l'installation d'une rampe et d'une sonnette, ou d'une nouvelle signalétique, cela ne nécessite pas que l'on exige un plan masse, une cote en trois dimensions et un permis de construire. J'ai donc demandé aux services instructeurs d'avoir l'intelligence de faire simple et d'alléger les dossiers, principalement lorsqu'il s'agit des ERP de catégorie 5, soit la grande majorité des ERP.
Propos recueillis par Emmanuelle Stroesser
Pour aller plus loin : consulter la page dédiée à l'accessibilité sur le site du ministère de l'Ecologie, du Développement durable et de l'Energie.
Télécharger le cahier spécial sur la mise en accessibilité des bâtiments publics.
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