Édition du mardi 27 septembre 2016
Lutte contre les inégalités : l'éducation prioritaire, un dispositif qui « ne marche pas »
Pour lutter contre les inégalités sociales et scolaires au sein de l'école, particulièrement prononcées en France, les gouvernements successifs s'appuient depuis plus de 30 ans sur l'éducation prioritaire. Mais le dispositif « ne marche pas », estime un rapport publié hier par le Conseil national d'évaluation du système scolaire (Cnesco), organisme créé par la loi pour la refondation de l’École de la République du 8 juillet 2013.
La France « occupe une position singulière » par rapport aux pays comparables de l'OCDE, note avec une pointe d'ironie le Cnesco, qui a tenté de comprendre « pourquoi la France est devenue le pays le plus inégalitaire de l'OCDE ». Avec une accentuation du phénomène depuis le début des années 2000, que soulignent les études nationales et internationales, dont celle du PISA (lire Maire info du 4 décembre 2013).
« Le poids de l'origine sociale des élèves sur leur réussite scolaire est bien plus important chez nous que chez nos voisins comparables, et (ce poids) s'est aggravé sur un temps très court », note Georges Felouzis, l’un des chercheurs ayant participé à ce rapport qui compte une vingtaine de contributions.
Si plusieurs facteurs expliquent l'aggravation des inégalités sociales dans l'école française, le Cnesco a surtout étudié « les effets pervers » de l'éducation prioritaire, mise en place il y a plus de 35 ans pour aider les établissements situés dans des zones socialement défavorisées. Conçue à l'origine pour être temporaire, elle perdure encore en 2016, avec des effectifs croissants (10 % des collégiens en 1982, plus de 20 % en 2015). Parmi les effets pervers, selon le Cnesco, la stigmatisation des établissements classés en éducation prioritaire, avec le départ des familles les plus favorisées, le rétrécissement de la composition sociale de ces écoles et la dégradation du niveau des élèves.
Des effets qui accroissent les ségrégations sociale et scolaire dans les établissements français, déjà très prononcées. « Au lieu de lutter contre la ségrégation, on dit qu'on donne plus de moyens, manière de la rendre plus acceptable moralement », a déclaré Nathalie Mons, présidente du Cnesco, lors d'une conférence de presse.
Les établissements en éducation prioritaire (dont le label a changé au cours des années, actuellement REP ou REP+) bénéficient certes de moyens supplémentaires, mais qui ne suffisent pas à créer une véritable différence. Ainsi, les classes ne comptent en moyenne que deux élèves de moins que dans les établissements classiques.
A l'inverse, les élèves, souvent défavorisés, de ces écoles et collèges ont des temps d'enseignement plus courts (à cause de problèmes de discipline), des enseignants moins expérimentés, davantage de non-titulaires (contractuels non formés), un climat scolaire moins favorable et un entourage de « pairs » peu porteur.
Cette politique de compensation qu'est l'éducation prioritaire ne renforce pas « les dimensions cruciales dans les apprentissages des élèves, tels que le temps d'enseignement, leur expérience, la qualité des méthodes pédagogiques, etc. « On est loin du mythe de l'égalité des chances (...) et plus encore de la promesse de 1982 de donner plus à ceux qui ont moins », estime le rapport.
« On a plutôt des preuves que ça ne marche pas mais on continue. Les pays qui avaient adopté ce dispositif l'ont tous abandonné, car ses effets pervers sont plus nombreux que les effets positifs », affirme Georges Felouzis.
Le Cnesco ne réclame pas l'arrêt de cette politique, du moins pas tant que la mixité sociale au sein des établissements reste aussi faible. Une expérimentation en France a vu le jour à la rentrée 2016, dans quelques territoires pilotes.
Le rapport rappelle que des politiques volontaristes ont été menées, par exemple dans l'Etat du Massachusetts aux Etats-Unis, où le choix des parents est encadré afin qu'aucune école ne dépasse plus de 15 % de taux d'élèves défavorisés.
La Cnesco a déjà fait des propositions pour améliorer la mixité sociale dans les établissements publics. Dans un rapport rendu public en mai 2015, le conseil pointait ainsi les faiblesses du dispositif de l’éducation prioritaire (lire Maire info du 16 juin 2015). (Avec Afp)
Consulter le rapport.
La France « occupe une position singulière » par rapport aux pays comparables de l'OCDE, note avec une pointe d'ironie le Cnesco, qui a tenté de comprendre « pourquoi la France est devenue le pays le plus inégalitaire de l'OCDE ». Avec une accentuation du phénomène depuis le début des années 2000, que soulignent les études nationales et internationales, dont celle du PISA (lire Maire info du 4 décembre 2013).
« Le poids de l'origine sociale des élèves sur leur réussite scolaire est bien plus important chez nous que chez nos voisins comparables, et (ce poids) s'est aggravé sur un temps très court », note Georges Felouzis, l’un des chercheurs ayant participé à ce rapport qui compte une vingtaine de contributions.
Si plusieurs facteurs expliquent l'aggravation des inégalités sociales dans l'école française, le Cnesco a surtout étudié « les effets pervers » de l'éducation prioritaire, mise en place il y a plus de 35 ans pour aider les établissements situés dans des zones socialement défavorisées. Conçue à l'origine pour être temporaire, elle perdure encore en 2016, avec des effectifs croissants (10 % des collégiens en 1982, plus de 20 % en 2015). Parmi les effets pervers, selon le Cnesco, la stigmatisation des établissements classés en éducation prioritaire, avec le départ des familles les plus favorisées, le rétrécissement de la composition sociale de ces écoles et la dégradation du niveau des élèves.
Des effets qui accroissent les ségrégations sociale et scolaire dans les établissements français, déjà très prononcées. « Au lieu de lutter contre la ségrégation, on dit qu'on donne plus de moyens, manière de la rendre plus acceptable moralement », a déclaré Nathalie Mons, présidente du Cnesco, lors d'une conférence de presse.
Les établissements en éducation prioritaire (dont le label a changé au cours des années, actuellement REP ou REP+) bénéficient certes de moyens supplémentaires, mais qui ne suffisent pas à créer une véritable différence. Ainsi, les classes ne comptent en moyenne que deux élèves de moins que dans les établissements classiques.
A l'inverse, les élèves, souvent défavorisés, de ces écoles et collèges ont des temps d'enseignement plus courts (à cause de problèmes de discipline), des enseignants moins expérimentés, davantage de non-titulaires (contractuels non formés), un climat scolaire moins favorable et un entourage de « pairs » peu porteur.
Cette politique de compensation qu'est l'éducation prioritaire ne renforce pas « les dimensions cruciales dans les apprentissages des élèves, tels que le temps d'enseignement, leur expérience, la qualité des méthodes pédagogiques, etc. « On est loin du mythe de l'égalité des chances (...) et plus encore de la promesse de 1982 de donner plus à ceux qui ont moins », estime le rapport.
« On a plutôt des preuves que ça ne marche pas mais on continue. Les pays qui avaient adopté ce dispositif l'ont tous abandonné, car ses effets pervers sont plus nombreux que les effets positifs », affirme Georges Felouzis.
Le Cnesco ne réclame pas l'arrêt de cette politique, du moins pas tant que la mixité sociale au sein des établissements reste aussi faible. Une expérimentation en France a vu le jour à la rentrée 2016, dans quelques territoires pilotes.
Le rapport rappelle que des politiques volontaristes ont été menées, par exemple dans l'Etat du Massachusetts aux Etats-Unis, où le choix des parents est encadré afin qu'aucune école ne dépasse plus de 15 % de taux d'élèves défavorisés.
La Cnesco a déjà fait des propositions pour améliorer la mixité sociale dans les établissements publics. Dans un rapport rendu public en mai 2015, le conseil pointait ainsi les faiblesses du dispositif de l’éducation prioritaire (lire Maire info du 16 juin 2015). (Avec Afp)
Consulter le rapport.
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