Édition du mercredi 2 juillet 2008
Les mineurs «susceptibles de porter atteinte à l'ordre public», notamment pour des violences urbaines, pourront être fichés dès l'âge de 13 ans
Les mineurs «susceptibles de porter atteinte à l'ordre public», notamment pour des violences urbaines, pourront être fichés dès l'âge de 13 ans dans un fichier policier créé par un décret paru mardi 1er juillet au JO (1), au sujet duquel la CNIL a émis de sérieuses réserves (2).
Selon le décret, le fichier, appelé Edvige - «Exploitation documentaire et valorisation de l'information générale» -, contiendra des «données à caractère personnel» concernant «des personnes physiques âgées de 13 ans et plus» avec notamment l'état civil, les adresses physiques, numéros de téléphone et adresses électroniques, ainsi que les «signes physiques particuliers et objectifs, photographies et comportement».
Les informations collectées sont notamment «relatives aux individus, groupes, organisations et personnes morales qui, en raison de leur activité individuelle ou collective, sont susceptibles de porter atteinte à l'ordre public». Des données peuvent aussi être collectées sur les personnes «ayant sollicité, exercé ou exerçant un mandat politique, syndical ou économique», ou jouant un «rôle institutionnel, économique, social ou religieux significatif».
Jusqu'à présent, les mineurs pouvaient être fichés mais seulement dans des bases de données recensant des infractions commises (comme le fichier Stic de la police) ou des auteurs d'infractions (comme le Fijais en matière sexuelle) ou des empreintes (fichiers des empreintes digitales ou des empreintes génétiques).
Le décret instituant Edvige paraît le jour même où entre en vigueur la réorganisation issue de la fusion des Renseignements généraux (RG) avec la Direction de la surveillance du territoire (DST, contre-espionnage).
Le fichier Edvige est rattaché à la Direction centrale de la sécurité publique (DCSP) et à sa nouvelle sous-direction de l'information générale (SDIG), à laquelle revient la partie des attributions des RG relatives au comptage des manifestants, aux violences urbaines ou aux conflits sociaux.
Jusqu'à aujourd'hui, les fichiers des RG ne concernaient que les personnes majeures.
Le décret précise que «les données concernant les mineurs de 16 ans (c'est-à-dire âgés de 13 à 16 ans, NDLR) ne peuvent être enregistrées que dans la mesure où ceux-ci, en raison de leur activité individuelle ou collective, sont susceptibles de porter atteinte à l'ordre public».
La Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL) a émis un avis le 16 juin, paru mardi au JO, comportant des réserves sur le fichage des mineurs dès 13 ans. Elle «tient à préciser que le traitement de telles données appelle l'adoption de garanties renforcées» et doit par conséquent «être encadré (...) de façon à lui conserver un caractère exceptionnel et une durée de conservation spécifique».
Entendu par la CNIL, le ministère de l'Intérieur avait justifié ce fichage dès 13 ans «par les mutations affectant la délinquance juvénile», notamment dans les phénomènes dits de «violences urbaines», et avait fait valoir que l'âge de 13 ans correspondait à celui de la responsabilité pénale, peut-on lire dans la délibération de la CNIL.
La Commission a estimé pour sa part que cette majorité pénale «ne saurait servir de référence» puisque le fichier ne vise qu'à «l'information générale du gouvernement».
Le décret précise que le fichier Edvige et les données qu'il contient «ne font l'objet d'aucune interconnexion, aucun rapprochement ni aucune forme de mise en relation avec d'autres traitements ou fichiers».
(1) Décret n° 2008-632 du 27 juin 2008 portant création d'un traitement automatisé de données à caractère personnel dénommé «EDVIGE». Pour accéder au texte du décret, voir premier lien ci-dessous.
(2) Délibération n° 2008-174 du 16 juin 2008 portant avis sur un projet de décret en Conseil d'Etat portant création au profit de la direction centrale de la sécurité publique d'un traitement automatisé de données à caractère personnel dénommé «EDVIGE». Pour accéder à lavis de la CNIL, voir deuxième lien ci-dessous.
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