Édition du mardi 17 juillet 2018
La démocratie locale, grande oubliée des réformes territoriales ?
Le démographe et géographe Gérard-François Dumont, professeur à la Sorbonne, ancien recteur de l'académie de Nice et spécialiste de la gouvernance territoriale, vient de publier une intéressante contribution consacrée au « bouleversement territorial » initié en France par les lois territoriales votées entre 2014 et 2017. Pour lui, les principales victimes de ces lois ont été… les citoyens et la démocratie locale.
« Révolution territoriale sans Révolution » : c’est ainsi que Gérard-François Dumont qualifie le résultat des quatre lois votées en janvier 2014 et février 2018 (lois Maptam et Notre, lois relatives à la délimitation des régions et au statut de Paris). Notant que l’organisation territoriale du pays a davantage changé avec ces quatre lois que pendant toute la période qui nous sépare de la Révolution française, le chercheur remarque que pour la première fois, les limites territoriales dessinées par les nouvelles grandes régions et grandes intercommunalités « ne relèvent d’aucun substrat historique » – pas plus d’ailleurs que géographique : « Le Grand Est n’a jamais existé, pas plus que l’Occitanie ». Les grandes régions dessinées en 2015, ajoute le professeur, l’ont de surcroît été « en violation d’un traité international que la France a signé » – la Charte européenne de l’autonomie locale, qui dispose que « toute fusion de collectivités territoriales doit être votée soit par les conseils élus soit par la population ».
L’article de Gérard-François Dumont énumère les « enjeux » complexes soulevés par ces lois : le financement, avec « des coûts entraînés par des niveaux hiérarchiques toujours plus nombreux (…) et des structures territoriales inévitablement plus lourdes », et en contrepartie « des services moindres à la population ». L'enjeu géographique, avec « l’éloignement entre les lieux de décision et les lieux de vie des habitants ». Enjeu de « transparence » aussi, avec une organisation et des modes de financement par péréquation de moins en moins lisibles par les citoyens et « même parfois les élus, qui ne sont pas tous experts-comptables ».
L’enjeu « culturel » est particulièrement souligné par le professeur, qui s’interroge sur « l’appropriation » par les habitants de ces nouveaux territoires géants (grandes régions ou intercommunalités « XXL » ) : « Un habitant n'est prêt à s'investir fortement dans la vie et le développement de son territoire que s'il ressent avec celui-ci un lien charnel. (…) Les habitants ne risquent-ils pas d'éprouver des difficultés à s'investir dans la vie sociale d'un territoire dans lequel ils ne s'identifient pas ? ». Logiquement, ces réflexions mènent le géographe à s’interroger sur l’enjeu « démocratique » de ces réformes : rappelant que dans les pays qui ont supprimé, par en haut, un grand nombre de communes, la participation aux élections est en baisse, Gérard-François Dumont reprend la belle citation du penseur du XIXe siècle Alexis de Tocqueville : « C’est dans la commune que réside la force des peuples libres. Les institutions communales mettent la liberté à la portée du peuple. » Et l'ancien recteur ajoute : un habitant « ne peut exercer ses responsabilités de citoyen que s’il se sent concerné par le territoire électoral défini, que s’il comprend le rôle des élus qu’on lui demande de choisir, qui s’il a la possibilité d’évaluer leur action ». Il se livre donc à un plaidoyer contre l’affaiblissement de la commune et, plus généralement, pour une plus grande « subsidiarité » dans la gouvernance territoriale : « Laisser prendre la décision à l’échelle la plus basse et ne les prendre à un niveau plus élevé que lorsque cela est jugé meilleur pour le bien commun. »
Gérard-François Dumont conclut sa réflexion en appelant à une véritable évaluation de ces réformes, un « diagnostic objectif » permettant tout simplement de savoir si ces lois ont « amélioré les services à la population ». Il estime qu’il faut réfléchir à « introduire de la souplesse » , sans obliger par exemple « à fusionner du jour au lendemain des compétences » dans des intercommunalités « qui n’ont jamais travaillé ensemble ».
Il émet, enfin, de fortes réserves sur ce qu’il appelle « la nationalisation de la taxe d’habitation ». Rejoignant sur ce sujet les critiques de l’AMF et du CFL, il estime que celle-ci risque « d’affaiblir le lien entre le citoyen et ses élus ».
« Révolution territoriale sans Révolution » : c’est ainsi que Gérard-François Dumont qualifie le résultat des quatre lois votées en janvier 2014 et février 2018 (lois Maptam et Notre, lois relatives à la délimitation des régions et au statut de Paris). Notant que l’organisation territoriale du pays a davantage changé avec ces quatre lois que pendant toute la période qui nous sépare de la Révolution française, le chercheur remarque que pour la première fois, les limites territoriales dessinées par les nouvelles grandes régions et grandes intercommunalités « ne relèvent d’aucun substrat historique » – pas plus d’ailleurs que géographique : « Le Grand Est n’a jamais existé, pas plus que l’Occitanie ». Les grandes régions dessinées en 2015, ajoute le professeur, l’ont de surcroît été « en violation d’un traité international que la France a signé » – la Charte européenne de l’autonomie locale, qui dispose que « toute fusion de collectivités territoriales doit être votée soit par les conseils élus soit par la population ».
L’article de Gérard-François Dumont énumère les « enjeux » complexes soulevés par ces lois : le financement, avec « des coûts entraînés par des niveaux hiérarchiques toujours plus nombreux (…) et des structures territoriales inévitablement plus lourdes », et en contrepartie « des services moindres à la population ». L'enjeu géographique, avec « l’éloignement entre les lieux de décision et les lieux de vie des habitants ». Enjeu de « transparence » aussi, avec une organisation et des modes de financement par péréquation de moins en moins lisibles par les citoyens et « même parfois les élus, qui ne sont pas tous experts-comptables ».
L’enjeu « culturel » est particulièrement souligné par le professeur, qui s’interroge sur « l’appropriation » par les habitants de ces nouveaux territoires géants (grandes régions ou intercommunalités « XXL » ) : « Un habitant n'est prêt à s'investir fortement dans la vie et le développement de son territoire que s'il ressent avec celui-ci un lien charnel. (…) Les habitants ne risquent-ils pas d'éprouver des difficultés à s'investir dans la vie sociale d'un territoire dans lequel ils ne s'identifient pas ? ». Logiquement, ces réflexions mènent le géographe à s’interroger sur l’enjeu « démocratique » de ces réformes : rappelant que dans les pays qui ont supprimé, par en haut, un grand nombre de communes, la participation aux élections est en baisse, Gérard-François Dumont reprend la belle citation du penseur du XIXe siècle Alexis de Tocqueville : « C’est dans la commune que réside la force des peuples libres. Les institutions communales mettent la liberté à la portée du peuple. » Et l'ancien recteur ajoute : un habitant « ne peut exercer ses responsabilités de citoyen que s’il se sent concerné par le territoire électoral défini, que s’il comprend le rôle des élus qu’on lui demande de choisir, qui s’il a la possibilité d’évaluer leur action ». Il se livre donc à un plaidoyer contre l’affaiblissement de la commune et, plus généralement, pour une plus grande « subsidiarité » dans la gouvernance territoriale : « Laisser prendre la décision à l’échelle la plus basse et ne les prendre à un niveau plus élevé que lorsque cela est jugé meilleur pour le bien commun. »
Gérard-François Dumont conclut sa réflexion en appelant à une véritable évaluation de ces réformes, un « diagnostic objectif » permettant tout simplement de savoir si ces lois ont « amélioré les services à la population ». Il estime qu’il faut réfléchir à « introduire de la souplesse » , sans obliger par exemple « à fusionner du jour au lendemain des compétences » dans des intercommunalités « qui n’ont jamais travaillé ensemble ».
Il émet, enfin, de fortes réserves sur ce qu’il appelle « la nationalisation de la taxe d’habitation ». Rejoignant sur ce sujet les critiques de l’AMF et du CFL, il estime que celle-ci risque « d’affaiblir le lien entre le citoyen et ses élus ».
F.L.
Télécharger l’article de Gérard-François Dumont.Suivez Maire info sur Twitter : @Maireinfo2
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