Édition du mercredi 26 juin 2019
Intercommunalité, communes nouvelles, communes communautés : Sébastien Lecornu précise sa doctrine
La mission d’information sur la place de la commune dans la nouvelle organisation territoriale à l’Assemblée nationale a auditionné hier Sébastien Lecornu, ministre chargé des Collectivités territoriales. Un entretien particulièrement intéressant, qui a permis au ministre d’aborder de nombreux sujets, dont le projet de loi « Proximité et engagement », qu’il porte, et la question de l’évolution des communes nouvelles.
« Repartir de la commune »
« Il y a une nécessité politique et philosophique de remettre la commune au cœur de notre démocratie », a déclaré en préambule le ministre, rappelant les propos tenus jadis par François Mitterrand : « La commune est le seul endroit où l’on peut apprendre la démocratie sans l’intervention d’un tiers extérieur ». Il s’agit donc de « repartir de la commune », avec en tête une forme de « devoir de réparation » sur un certain nombre de chantiers, après que l’État eut imposé aux élus un certain nombre « d’injonctions à moderniser et à se regrouper ».
L’ancien maire de Vernon a décrit les grandes lignes du futur projet de loi Proximité et engagement, qu’il présentera en Conseil des ministres « en juillet ». Les éléments qu’il a donnés correspondent, pour l’essentiel, à la version publiée la semaine dernière dans la presse et que Maire info a décryptée dans son édition du 19 juin. Plusieurs volets, donc, dans ce texte, concernant les relations communes/ECPI, le renforcement du pouvoir de police du maire et une meilleure reconnaissance de l’engagement des élus locaux. Le ministre a précisé au passage ses réserves sur l’expression de « statut de l’élu » : « Je suis prudent sur la terminologie : les collègues élus ne disent pas qu’ils veulent un statut. Ils ne veulent être ni salariés ni fonctionnaires de leur commune. Ils veulent précisément être élus, et c’est autre chose. »
« La relation du couple commune-intercommunalité » est, selon Sébastien Lecornu, au cœur des préoccupations des maires, en particulier dans la ruralité – « bien plus que la relation communes-État ». Le projet de loi contient des « correctifs » sur trois sujets : « la gouvernance, les périmètres, les compétences ». Il juge indispensable de rappeler sans relâche que « les EPCI ne sont pas des collectivités territoriales » et encore moins « des super-communes », comme on a « voulu le faire croire ». « Ils restent des établissements publics dont la gouvernance est assurée par des élus municipaux ».
Sur les compétences, le ministre est revenu, en particulier, sur la question de l’eau et de l’assainissement. « Je vais proposer un outil nouveau qui est la délégation. Elle existe en droit depuis longtemps mais n’a jamais été permise. Certes, il est bon qu’une compétence comme l’eau et l’assainissement soit la propriété de l’intercommunalité », car « les nappes phréatiques ne s’arrêtent pas aux limites communales ». Mais « l’exécution de cette politique publique peut être redéléguée aux communes ou aux syndicats mixtes ».
Sur la reconnaissance de l’engagement des élus, Sébastien Lecornu a confirmé plusieurs points : aide pour la garde des jeunes enfants des élus, protection juridique… Il est à noter qu’il n’a à aucun moment confirmé, en revanche, que le gouvernement se prépare à rehausser les indemnités de fonction des élus des petites communes.
Concernant les pouvoirs de police, le ministre a confirmé que le projet de loi les renforcerait en permettant notamment, sur certains sujets, d’assortir les arrêtés municipaux d’astreintes pour faire en sorte que les décisions des maires soient réellement appliquées – l’inverse menant petit à petit à « saper l’autorité des maires ».
Communes nouvelles : des communes « comme les autres »
Qualifiant ce sujet de « passionnant », Sébastien Lecornu a évoqué les communes nouvelles et en particulier la proposition de loi de Françoise Gatel, actuellement en discussion au Parlement (et qui devrait être examinée à l’Assemblée nationale le 10 juillet). « Françoise Gatel a identifié une dizaine de petits irritants » dont le principal est « le nombre de conseillers municipaux ». Le ministre a expliqué sa doctrine sur ces sujets : le mouvement doit se poursuivre dans la plus grande « liberté » possible. « Là où cela a fonctionné, c’est parce que les élus se sont mis d’accord entre eux sans intervention du préfet ». Il s’est dit « tout à fait ouvert » à certains aménagements, en particulier sur la question du nombre de conseillers municipaux qui pourrait drastiquement baisser dans certaines grandes communes nouvelles, prônant un « amortissement du choc provoqué par les effets de seuil », par exemple à travers un « mandat tampon de six années » parce que « tout ne peut pas se faire en une seule fois ». Mais le ministre a insisté sur le caractère « temporaire » d’une telle mesure : il est pour lui hors de question de permettre des dérogations pérennes sur le nombre de conseillers municipaux, car à terme, « une commune nouvelle est une commune comme les autres, dans sa strate ».
Communes communautés : vers un groupe de travail?
Sur la proposition faite par Françoise Gatel – et soutenue par l’AMF – de créer des « communes-communautés », c’est-à-dire de permettre à une commune nouvelle englobant la totalité d’un EPCI à fiscalité propre d’exercer à la fois les compétences de la commune et celles de l’intercommunalité, sans être obligée d’adhérer à un EPCI à fiscalité propre de plus grande taille, Sébastien Lecornu s’est également dit « ouvert », estimant que « cela peut fonctionner à condition de définir un cadre précis ». Il a pris l’exemple de la Ville de Paris, qui a longtemps été à la fois « une commune et un département. C’étaient les mêmes élus, dans la même pièce, mais c’étaient deux entités différentes. Pour les communes-communautés, il faut faire attention que ce soit bien cela : cela ne saurait être une fusion des deux. » Il a donc appelé députés et sénateurs à « bien discuter en amont des impacts financiers » afin d’éviter à tout prix une commission mixte paritaire qui échouerait. Il a également proposé la constitution d’un « groupe de travail ad hoc gouvernement-Assemblée nationale-Sénat-associations d’élus, où l’on se mette tous autour de la table pour écrire ensemble ce que commune-communauté veut dire ».
Le ministre a enfin répondu aux questions des députés présents, sur des sujets précis. Il a notamment répondu à la députée de l’Isère Catherine Kamowski, qui espérait une évolution de la loi pour permettre la constitution d’une commune nouvelle « sans continuité territoriale », dans le cas où une commune bloque le processus. Le ministre s’y est très clairement dit « pas favorable » : « Il n’y a jamais eu de commune sans continuité territoriale, a-t-il affirmé, et ce serait un début de balkanisation de l’organisation territoriale. Si un collègue maire entre deux autres communes bloque [la construction d’une commune nouvelle], tant pis… c’est la vie. »
« Repartir de la commune »
« Il y a une nécessité politique et philosophique de remettre la commune au cœur de notre démocratie », a déclaré en préambule le ministre, rappelant les propos tenus jadis par François Mitterrand : « La commune est le seul endroit où l’on peut apprendre la démocratie sans l’intervention d’un tiers extérieur ». Il s’agit donc de « repartir de la commune », avec en tête une forme de « devoir de réparation » sur un certain nombre de chantiers, après que l’État eut imposé aux élus un certain nombre « d’injonctions à moderniser et à se regrouper ».
L’ancien maire de Vernon a décrit les grandes lignes du futur projet de loi Proximité et engagement, qu’il présentera en Conseil des ministres « en juillet ». Les éléments qu’il a donnés correspondent, pour l’essentiel, à la version publiée la semaine dernière dans la presse et que Maire info a décryptée dans son édition du 19 juin. Plusieurs volets, donc, dans ce texte, concernant les relations communes/ECPI, le renforcement du pouvoir de police du maire et une meilleure reconnaissance de l’engagement des élus locaux. Le ministre a précisé au passage ses réserves sur l’expression de « statut de l’élu » : « Je suis prudent sur la terminologie : les collègues élus ne disent pas qu’ils veulent un statut. Ils ne veulent être ni salariés ni fonctionnaires de leur commune. Ils veulent précisément être élus, et c’est autre chose. »
« La relation du couple commune-intercommunalité » est, selon Sébastien Lecornu, au cœur des préoccupations des maires, en particulier dans la ruralité – « bien plus que la relation communes-État ». Le projet de loi contient des « correctifs » sur trois sujets : « la gouvernance, les périmètres, les compétences ». Il juge indispensable de rappeler sans relâche que « les EPCI ne sont pas des collectivités territoriales » et encore moins « des super-communes », comme on a « voulu le faire croire ». « Ils restent des établissements publics dont la gouvernance est assurée par des élus municipaux ».
Sur les compétences, le ministre est revenu, en particulier, sur la question de l’eau et de l’assainissement. « Je vais proposer un outil nouveau qui est la délégation. Elle existe en droit depuis longtemps mais n’a jamais été permise. Certes, il est bon qu’une compétence comme l’eau et l’assainissement soit la propriété de l’intercommunalité », car « les nappes phréatiques ne s’arrêtent pas aux limites communales ». Mais « l’exécution de cette politique publique peut être redéléguée aux communes ou aux syndicats mixtes ».
Sur la reconnaissance de l’engagement des élus, Sébastien Lecornu a confirmé plusieurs points : aide pour la garde des jeunes enfants des élus, protection juridique… Il est à noter qu’il n’a à aucun moment confirmé, en revanche, que le gouvernement se prépare à rehausser les indemnités de fonction des élus des petites communes.
Concernant les pouvoirs de police, le ministre a confirmé que le projet de loi les renforcerait en permettant notamment, sur certains sujets, d’assortir les arrêtés municipaux d’astreintes pour faire en sorte que les décisions des maires soient réellement appliquées – l’inverse menant petit à petit à « saper l’autorité des maires ».
Communes nouvelles : des communes « comme les autres »
Qualifiant ce sujet de « passionnant », Sébastien Lecornu a évoqué les communes nouvelles et en particulier la proposition de loi de Françoise Gatel, actuellement en discussion au Parlement (et qui devrait être examinée à l’Assemblée nationale le 10 juillet). « Françoise Gatel a identifié une dizaine de petits irritants » dont le principal est « le nombre de conseillers municipaux ». Le ministre a expliqué sa doctrine sur ces sujets : le mouvement doit se poursuivre dans la plus grande « liberté » possible. « Là où cela a fonctionné, c’est parce que les élus se sont mis d’accord entre eux sans intervention du préfet ». Il s’est dit « tout à fait ouvert » à certains aménagements, en particulier sur la question du nombre de conseillers municipaux qui pourrait drastiquement baisser dans certaines grandes communes nouvelles, prônant un « amortissement du choc provoqué par les effets de seuil », par exemple à travers un « mandat tampon de six années » parce que « tout ne peut pas se faire en une seule fois ». Mais le ministre a insisté sur le caractère « temporaire » d’une telle mesure : il est pour lui hors de question de permettre des dérogations pérennes sur le nombre de conseillers municipaux, car à terme, « une commune nouvelle est une commune comme les autres, dans sa strate ».
Communes communautés : vers un groupe de travail?
Sur la proposition faite par Françoise Gatel – et soutenue par l’AMF – de créer des « communes-communautés », c’est-à-dire de permettre à une commune nouvelle englobant la totalité d’un EPCI à fiscalité propre d’exercer à la fois les compétences de la commune et celles de l’intercommunalité, sans être obligée d’adhérer à un EPCI à fiscalité propre de plus grande taille, Sébastien Lecornu s’est également dit « ouvert », estimant que « cela peut fonctionner à condition de définir un cadre précis ». Il a pris l’exemple de la Ville de Paris, qui a longtemps été à la fois « une commune et un département. C’étaient les mêmes élus, dans la même pièce, mais c’étaient deux entités différentes. Pour les communes-communautés, il faut faire attention que ce soit bien cela : cela ne saurait être une fusion des deux. » Il a donc appelé députés et sénateurs à « bien discuter en amont des impacts financiers » afin d’éviter à tout prix une commission mixte paritaire qui échouerait. Il a également proposé la constitution d’un « groupe de travail ad hoc gouvernement-Assemblée nationale-Sénat-associations d’élus, où l’on se mette tous autour de la table pour écrire ensemble ce que commune-communauté veut dire ».
Le ministre a enfin répondu aux questions des députés présents, sur des sujets précis. Il a notamment répondu à la députée de l’Isère Catherine Kamowski, qui espérait une évolution de la loi pour permettre la constitution d’une commune nouvelle « sans continuité territoriale », dans le cas où une commune bloque le processus. Le ministre s’y est très clairement dit « pas favorable » : « Il n’y a jamais eu de commune sans continuité territoriale, a-t-il affirmé, et ce serait un début de balkanisation de l’organisation territoriale. Si un collègue maire entre deux autres communes bloque [la construction d’une commune nouvelle], tant pis… c’est la vie. »
Franck Lemarc
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