Édition du lundi 23 septembre 2002
Illettrisme : le ministre de l'Education Luc Ferry s'attaque à la « fracture scolaire »
En plaçant au printemps dernier la prévention contre l'illettrisme comme priorité de son action, le ministre de l'Education Luc Ferry s'est attaqué à un chantier en grande partie tabou, mais dispose de peu de moyens pour améliorer la situation rapidement.
Vendredi, le ministre s'est rendu à Nancy, aux côtés du ministre délégué à l'enseignement scolaire Xavier Darcos, pour rencontrer les inspecteurs de l'éducation nationale, qui encadrent les instituteurs et institutrices, appelés à être les chevilles ouvrières de son plan.
Pour justifier son action, M. Ferry a présenté des chiffres qui paraissent affolants: 15 à 20% des enfants présentent des difficultés de lecture et d'écriture à l'entrée en sixième, après 5 ans d'école élémentaire où ils sont censés avoir dompté les règles principales de l'écrit.
Alors que la tendance de son prédécesseur était plutôt à souligner les réussites du système éducatif, le nouveau ministre a d'emblée parlé "d'école en panne" et de "fracture scolaire". Il est soutenu en cette rentrée par des écrivains comme Philippe Sollers qui se désole publiquement de la "baisse de niveau" et de la défaite chez les jeunes de la lecture face à la culture audiovisuelle.
De fait, malgré les polémiques sur le sens du mot "illettrisme" selon qu'il s'adresse aux adultes ou aux enfants, l'ampleur du problème est confirmée par plusieurs études, dont un rapport publié en octobre 2001 par deux universitaires ("Illettrisme et exclusion", Bentolila-Rivière). Celui-ci soulignait que 8 à 10% des jeunes adultes français sont incapables d'affronter la lecture d'un texte simple et court.
33% des jeunes gens ayant quitté le système scolaire en classe de 3ème sans diplôme sont en situation d'illettrisme, soulignait le rapport, en parlant du "long couloir de l'illettrisme qui traverse l'Ecole de la République de la maternelle à la troisième". Mais le rapport n'a guère rencontré d'écho à l'époque.
"La prise de position et l'engagement du ministre ont permis de définitivement lever un tabou en affirmant que oui l'école est concernée par les problèmes posés par l'illettrisme dans notre société, et qu'elle doit explicitement s'engager dans une action pour faire reculer le phénomène. Jusqu'à présent il y avait un tabou. On n'affirmait pas explicitement le problème", estime Marie-Thérèse Geffroy, présidente de l'Agence nationale de lutte contre l'illettrisme, créée en octobre 2000.
"Mais quand on regarde l'ensemble du plan, il y a un grand décalage entre l'ambition affichée de réduire la fracture scolaire et les mesures annoncées", tempère Nicole Geneix, présidente du principal syndicat d'enseignants du premier degré, SNUipp-FSU.
Tout en soutenant les expérimentations lancées dans les CP dédoublés, elle estime "illusoire" de penser qu'"à eux seuls les nouveaux programmes peuvent résoudre la question de l'échec". "Nous restons très critiques sur le fait que le ministre ne parle ni du rôle bénéfique de l'école maternelle pour dépister et traiter les problèmes d'apprentissage, ni du besoin de renforcement de l'éducation spécialisée destinée aux élèves handicapés, ni des zones d'éducation prioritaires (ZEP) où se concentrent l'essentiel des problèmes", a-t-elle déclaré à l'AFP.
L'expérimentation en CP dédoublés durera deux ans. Même si elle conclut à un effet bénéfique pour les élèves, elle sera difficilement généralisable, vu les coûts énormes nécessaires à la constitution de classes de 10 élèves parmi les quelque 800 000 enfants qui arrivent chaque année sur les bancs du cours préparatoire.<scri
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