Édition du mercredi 24 février 2010
Comme en 2008, le médiateur de la République constate les lacunes de l'accueil et le manque d'information du public
Le médiateur de la République, Jean-Paul Delevoye, brosse dans son rapport annuel un tableau très sombre de la société française, évoquant un sentiment d'injustice, un ressentiment des citoyens à l'égard de l'administration et une banalisation de la violence. «Je sens une société en tension et en usure psychique», a déclaré mardi M. Delevoye en présentant hier son rapport 2009 à la presse. «Avant, on était crevé au boulot, maintenant on est usé dans sa vie, on est tendu tout le temps».
«La qualité des rapports humains se dégrade avec des montées d'agressivité au sein des familles, des entreprises, des espaces publics», a-t-il ajouté, déplorant une «banalisation de la violence» et une judiciarisation excessive des conflits, preuves selon lui d'un manque de dialogue.
Il est à ses yeux «important de retrouver des lieux d'apaisement, de compréhension, d'explication, pour reconstruire un vivre ensemble, sinon c'est le chacun pour soi qui l'emportera, et c'est la fin du pacte républicain».
M. Delevoye avait remis dans la matinée son dernier rapport en tant que médiateur à Nicolas Sarkozy. La fonction de médiateur, créée en 1973, doit devenir prochainement le «défenseur des droits», intégrant également celle du «défenseur des enfants» et celle de la Commission nationale de déontologie de la sécurité (CNDS). Les projets de loi organique et ordinaire nécessaires à cette réforme seront examinés au printemps par le Parlement, a précisé l'Elysée dans un communiqué.
Le futur défenseur des droits, «cet ombudsman à la française», aura «les capacités de peser plus dans l'équilibre entre le fort et le faible, l'administration et l'administré, c'est un point d'équilibre aujourd'hui plus nécessaire que jamais», a estimé M. Delevoye devant la presse.
Dans son rapport, il insiste sur la nécessité pour les politiques de donner une voix à «la France des invisibles», ceux qui n'ont pas les moyens de se faire entendre ou n'osent pas réclamer.
Comme en 2008, il constate les lacunes de l'accueil et le manque d'information du public, et ajoute de nouveaux sujets de «ressentiment», comme les difficultés rencontrées lors du renouvellement de papiers d'identité. La «prudence exagérée de l'administration dans la délivrance de documents administratifs tend à se généraliser, comme en témoignent les courriers (...) de Français nés à l'étranger ou dont l'un des parents est né à l'étranger», écrit-il.
Selon le médiateur, les citoyens se sentent par ailleurs «ballottés» par «d'incessants changements censés les avantager» (comme l'ouverture à la concurrence d'EDF-GDF, parfois «source de préjudice»), et désorientés par un «vertigineux empilement de lois et de règlements».
Concernant les agents de la fonction publique, il note aussi que la protection sociale des fonctionnaires est «loin dêtre parfaite. Contrairement aux idées reçues, la précarité des emplois et des revenus existe aussi dans la fonction publique ainsi que chez les contractuels de droit public. Enfin, même si la réforme des retraites de 2003 séloigne dans le temps, le thème des pensions reste le second sujet de saisine du secteur, après les litiges concernant les carrières.»
Par ailleurs, «l'inflation législative peut créer des difficultés d'application des textes, voire générer des situations d'iniquité», estime le rapport.
Un «pôle santé et sécurité des soins» a été créé début 2009 dans sa sphère de compétence, et s'est inquiété d'une montée des «phénomènes de maltraitance» à l'égard des patients et d'agressivité envers le personnel hospitalier.
Au total, 76.286 affaires ont été transmises en 2009 aux services du médiateur de la République, soit une augmentation de 16% par rapport à 2008. L'institution a traité 43.481 réclamations.
Pour accéder au rapport, voir lien ci-dessous (PDF, 4,2 Mo).
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