Édition du lundi 26 janvier 2015
Champlan : pour le Défenseur des droits, le refus d'inhumer était « illégal »
On se souvient de cette affaire qui, tout début janvier, avait soulevé émotion et polémique (lire Maire info du 5 janvier). Le maire de Champlan (Essonne), ou du moins les services municipaux, avaient refusé d’inhumer dans le cimetière communal la petite Maria Francesca, un bébé issu d’une famille rom installée dans un campement illégal sur la commune. L’inhumation avait été refusée « faute de place » et la mairie avait jugé qu’elle était dans son droit, l’enfant ayant officiellement été déclaré décédé dans une autre commune (Corbeil) et étant officiellement domicilié, via une association, dans une troisième.
Le Défenseur de droits, Jacques Toubon, qui s’était saisi de l’affaire immédiatement, ne l’entend pas de cette oreille : il a rendu son avis, rendu public le 22 janvier, et juge « illégale » la décision de la mairie.
Le Défenseur des droits s’en explique très précisément. Tout repose sur la question de savoir si la famille de Maria Francesca pouvait ou non se prévaloir d’être domiciliée sur la commune de Champlan. Le Code général des collectivités territoriales dispose en effet que la sépulture dans le cimetière de la commune est « due » aux personnes décédées sur son territoire, aux personnes qui y disposent d’une sépulture de famille, et « aux personnes domiciliées sur son territoire, alors même qu’elles seraient décédées dans une autre commune ».
Dans le cas de Maria-Francesca, les deux premiers critères peuvent être écartés. Il s’agit donc de définir si la famille peut se prévaloir d’être domiciliée sur la commune, « alors même que son lieu de vie était un bidonville occupé sans droit ni titre », écrit le Défenseur des droits. Or, poursuit-il, le Code civil « situe le domicile au lieu où la personne physique a son principal établissement », et un arrêt de la Cour de cassation de juin 2002 établit formellement que « le domicile est le lieu dans lequel on peut se dire chez soi quel que soit le titre juridique de son occupation (…) avec une intention de s’y établir pour y demeurer ou y séjourner » – cette dernière intention étant attestée, pour le Défenseur, par le fait que les enfants de la famille sont scolarisés à Champlan.
Jacques Toubon rappelle enfin qu’un arrêt du Conseil d’État (n° 13205 2 décembre 1983) reconnaît « les caravanes des gens du voyage (sont) un domicile au sens du Code civil, dont l’inviolabilité est consacrée pénalement ». « La décision du Conseil d’Etat porte sur les conditions de stationnement des nomades sur le territoire de la commune de Lille. Elle précise qu’aucune disposition du Code de la santé publique, ni du Code de l'administration communale n'autorisait le maire, hormis le seul cas d'épidémie grave exigeant des mesures d'urgence, à faire visiter les voitures des nomades, lesquelles constituent leur domicile dont l'inviolabilité est consacrée par l'article 184 du code pénal », analyse l’Association des maires de France, ajoutant que cette décision n’a aucun lien avec « l’affaire Champlan », si ce n’est qu’elle reconnaît le caractère inviolable du domicile quel qu’il soit.
Pour le Défenseur des droits, le fait que la domiciliation « administrative » de la famille, par le biais d’une association, existe dans une autre commune, « ne saurait être un élément de nature à attester de son lieu de vie dans cette autre commune ». Il cite enfin un Guide de la législation des cimetières, réalisé par deux associations départementales de maires avec le concours de l’AMF, qui spécifie : « Attention : la notion de domicile n’implique pas nécessairement que le défunt ait son domicile légal dans la commune au moment de son décès. Le maire peut autoriser l’inhumation de défunts qui, bien que n’étant pas domiciliés légalement, ne sauraient être considérés comme étrangers à la commune parce qu’ils y sont nés, y ont vécu une grande partie de leur vie ou que plusieurs membres de leur famille y sont inhumés. »
C’est cette analyse qui, « sans préjudice des conclusions » que le procureur d’Évry tirera de cette affaire, amène le Défenseur des droits à juger le refus d’inhumer comme « un refus illégal » et un traitement discriminatoire.
Le Défenseur des droits recommande en conséquence au ministère de l’Intérieur de « bien vouloir demander aux préfets de rappeler ces principes à l’ensemble des maires ».
Télécharger la décision du Défenseur des droits.
Le Défenseur de droits, Jacques Toubon, qui s’était saisi de l’affaire immédiatement, ne l’entend pas de cette oreille : il a rendu son avis, rendu public le 22 janvier, et juge « illégale » la décision de la mairie.
Le Défenseur des droits s’en explique très précisément. Tout repose sur la question de savoir si la famille de Maria Francesca pouvait ou non se prévaloir d’être domiciliée sur la commune de Champlan. Le Code général des collectivités territoriales dispose en effet que la sépulture dans le cimetière de la commune est « due » aux personnes décédées sur son territoire, aux personnes qui y disposent d’une sépulture de famille, et « aux personnes domiciliées sur son territoire, alors même qu’elles seraient décédées dans une autre commune ».
Dans le cas de Maria-Francesca, les deux premiers critères peuvent être écartés. Il s’agit donc de définir si la famille peut se prévaloir d’être domiciliée sur la commune, « alors même que son lieu de vie était un bidonville occupé sans droit ni titre », écrit le Défenseur des droits. Or, poursuit-il, le Code civil « situe le domicile au lieu où la personne physique a son principal établissement », et un arrêt de la Cour de cassation de juin 2002 établit formellement que « le domicile est le lieu dans lequel on peut se dire chez soi quel que soit le titre juridique de son occupation (…) avec une intention de s’y établir pour y demeurer ou y séjourner » – cette dernière intention étant attestée, pour le Défenseur, par le fait que les enfants de la famille sont scolarisés à Champlan.
Jacques Toubon rappelle enfin qu’un arrêt du Conseil d’État (n° 13205 2 décembre 1983) reconnaît « les caravanes des gens du voyage (sont) un domicile au sens du Code civil, dont l’inviolabilité est consacrée pénalement ». « La décision du Conseil d’Etat porte sur les conditions de stationnement des nomades sur le territoire de la commune de Lille. Elle précise qu’aucune disposition du Code de la santé publique, ni du Code de l'administration communale n'autorisait le maire, hormis le seul cas d'épidémie grave exigeant des mesures d'urgence, à faire visiter les voitures des nomades, lesquelles constituent leur domicile dont l'inviolabilité est consacrée par l'article 184 du code pénal », analyse l’Association des maires de France, ajoutant que cette décision n’a aucun lien avec « l’affaire Champlan », si ce n’est qu’elle reconnaît le caractère inviolable du domicile quel qu’il soit.
Pour le Défenseur des droits, le fait que la domiciliation « administrative » de la famille, par le biais d’une association, existe dans une autre commune, « ne saurait être un élément de nature à attester de son lieu de vie dans cette autre commune ». Il cite enfin un Guide de la législation des cimetières, réalisé par deux associations départementales de maires avec le concours de l’AMF, qui spécifie : « Attention : la notion de domicile n’implique pas nécessairement que le défunt ait son domicile légal dans la commune au moment de son décès. Le maire peut autoriser l’inhumation de défunts qui, bien que n’étant pas domiciliés légalement, ne sauraient être considérés comme étrangers à la commune parce qu’ils y sont nés, y ont vécu une grande partie de leur vie ou que plusieurs membres de leur famille y sont inhumés. »
C’est cette analyse qui, « sans préjudice des conclusions » que le procureur d’Évry tirera de cette affaire, amène le Défenseur des droits à juger le refus d’inhumer comme « un refus illégal » et un traitement discriminatoire.
Le Défenseur des droits recommande en conséquence au ministère de l’Intérieur de « bien vouloir demander aux préfets de rappeler ces principes à l’ensemble des maires ».
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