Édition du lundi 8 avril 2019
Cantines à un euro et petits-déjeuners gratuits : des annonces et des questions
La cantine à un euro dans les territoires les plus en difficulté – mesure annoncée dans le Plan pauvreté de septembre dernier – va être lancée mi-avril, et les petits-déjeuners gratuits vont être expérimentés dans les quartiers en difficulté de huit académies. C’est ce qu’a annoncé hier la secrétaire d’État auprès de la ministre de la Santé, Christelle Dubos.
Cantines : ne pas créer « d’inégalités »
Le Plan pauvreté, dans son chapitre « Garantir l’accès de tous les enfants aux biens et aux services essentiels », comprenait en effet une mesure d’accompagnement des communes volontaires pour diminuer le prix des cantines. « L’accès à la cantine reste encore entravé par des obstacles économiques », écrivait le gouvernement dans le document détaillant la stratégie nationale contre la pauvreté, rappelant que selon une enquête de l’Unaf, « 31 % des communes ou intercommunalités offrant un service de restauration scolaire prennent en compte la composition ou les revenus de la famille » pour fixer les tarifs. Si les communes de plus de 100 000 habitants proposent très majoritairement (81 %) des tarifs sociaux, les communes de moins de 10 000 habitants sont beaucoup moins nombreuses à le faire.
C’est pourquoi le gouvernement a décidé « d’encourager » les communes de moins de 10 000 habitants à prévoir une « tarification progressive ». Dans le document présenté en septembre, il était précisé que les aides iraient aux communes rurales « les plus fragiles », c’est-à-dire celles qui perçoivent la fraction cible de la dotation de solidarité rurale. Celles-ci seront au nombre d’environ 11 600 en 2019.
Le dispositif retenu par le gouvernement, selon les propos tenus hier par Christelle Dubos dans le Journal du dimanche, est « une aide de l’État de 2 euros par repas » sachant, ajoute la secrétaire d’État, qu’un repas « coûte en moyenne 4,5 euros ». Un chiffre qui surprend certains élus, qui expliquent que le prix réellement payé par les communes varie plutôt entre 7,5 € et 10 € en moyenne par repas que 4,5 €.
Rappelons que dans un courrier adressé à Olivier Noblecourt, délégué interministériel à la prévention et à la lutte contre la pauvreté, le 12 février dernier, François Baroin, président de l’AMF, avait demandé que l’aide de l’État dans ce domaine ne soit pas réservée qu’aux communes en difficulté de moins de 10 000 habitants, mais « concerne l’ensemble des communes ». Il rappelait également que la cantine étant une compétence facultative, « il appartiendra en toute liberté (aux communes et EPCI) de décider de mettre en place une tarification sociale ».
C’est aussi le point de vue d’Agnès Le Brun, maire de Morlaix et rapporteure de la commission Éducation de l’AMF, interrogée ce matin par Maire info. « Pourquoi s’en tenir aux communes de moins de 10 000 habitants ? », demande-t-elle ce matin ? « Et surtout, est-ce que les communes qui pratiquent déjà la tarification sociale vont être, elles aussi, accompagnées ? L’expérience de ce qu’il vient de se passer sur la scolarisation à 3 ans nous a échaudés : il ne faudrait pas que systématiquement, les communes les plus vertueuses soient laissées de côté en matière d’accompagnement, cela crée une inégalité. »
Petits-déjeuners : qui va payer ?
Autre annonce de la secrétaire d’État – elle aussi prévue depuis septembre : la mise en place de l’expérimentation des petits-déjeuners gratuits dans les quartiers en difficulté. Dans son interview, Christelle Dubos rappelle que dans les « zones défavorisées, un enfant sur dix arrive en classe le ventre vide », et n’a donc « pas les mêmes chances d’apprentissage qu’un camarade qui a le ventre plein ».
Une étude du Crédoc de 2015, basée sur une enquête auprès des enseignants, donnait même des chiffres plus inquiétants encore : selon les 500 enseignants interrogés, si en moyenne 3 enfants par classe arrivent en cours sans avoir pris de petit-déjeuner dans les écoles hors éducation prioritaire, ce chiffre monte à 4,3 dans les écoles du réseau REP et 5,2 (soit 22 %) dans le réseau REP+.
Le Plan pauvreté annonçait donc en effet la création d’un « fonds petit-déjeuner au bénéfice des territoires prioritaires » sous forme de « dotation d’État dédiée ». Cette dotation, était-il expliqué alors, « sera attribuée après estimation du besoin, sur la base de diagnostics territoriaux réalisés en lien avec les communes, associant les parents et la communauté éducative ».
Christelle Dubos n’a guère donné de détails supplémentaires, ni sur le montant prévu de la dotation ni sur l’organisation matérielle de l’opération. Elle a simplement indiqué qu’une « expérimentation » serait lancée le 17 avril dans « huit académies », dont Amiens, Toulouse et Montpellier, avant une « généralisation en septembre ».
On peut noter que ce « fonds petit-déjeuner » n’existe pas en tant que tel dans le projet de loi de finances pour 2019, mais que celui-ci inclut une augmentation de 175 millions d’euros de la mission « solidarité, insertion et égalité des chances », dont une partie, expliquait alors le gouvernement, est destinée à financer « l’accès aux biens et services essentiels ». Dans son courrier du 12 février, François Baroin insistait sur le fait que cette mesure devait être « intégralement prise en charge par l’État », puisqu’il s’agit « d’éducation alimentaire faite sur un temps scolaire relevant de l’Éducation nationale ». Agnès Le Brun ne dit pas autre chose : « Qui va payer ? Qui va assurer le service ? Je doute que cela soit les enseignants. Cela va donc incomber aux Atsem – qui sont, je le rappelle, des personnels municipaux ? Cela pourrait demander toute une logistique, de la formation, des réaménagements d’horaire. Pour l’instant, nous ne savons rien de tout cela. »
La maire de Morlaix devrait rencontrer le ministre de l’Éducation nationale dans les prochains jours. On en saura probablement plus à l’issue de cette rencontre.
Cantines : ne pas créer « d’inégalités »
Le Plan pauvreté, dans son chapitre « Garantir l’accès de tous les enfants aux biens et aux services essentiels », comprenait en effet une mesure d’accompagnement des communes volontaires pour diminuer le prix des cantines. « L’accès à la cantine reste encore entravé par des obstacles économiques », écrivait le gouvernement dans le document détaillant la stratégie nationale contre la pauvreté, rappelant que selon une enquête de l’Unaf, « 31 % des communes ou intercommunalités offrant un service de restauration scolaire prennent en compte la composition ou les revenus de la famille » pour fixer les tarifs. Si les communes de plus de 100 000 habitants proposent très majoritairement (81 %) des tarifs sociaux, les communes de moins de 10 000 habitants sont beaucoup moins nombreuses à le faire.
C’est pourquoi le gouvernement a décidé « d’encourager » les communes de moins de 10 000 habitants à prévoir une « tarification progressive ». Dans le document présenté en septembre, il était précisé que les aides iraient aux communes rurales « les plus fragiles », c’est-à-dire celles qui perçoivent la fraction cible de la dotation de solidarité rurale. Celles-ci seront au nombre d’environ 11 600 en 2019.
Le dispositif retenu par le gouvernement, selon les propos tenus hier par Christelle Dubos dans le Journal du dimanche, est « une aide de l’État de 2 euros par repas » sachant, ajoute la secrétaire d’État, qu’un repas « coûte en moyenne 4,5 euros ». Un chiffre qui surprend certains élus, qui expliquent que le prix réellement payé par les communes varie plutôt entre 7,5 € et 10 € en moyenne par repas que 4,5 €.
Rappelons que dans un courrier adressé à Olivier Noblecourt, délégué interministériel à la prévention et à la lutte contre la pauvreté, le 12 février dernier, François Baroin, président de l’AMF, avait demandé que l’aide de l’État dans ce domaine ne soit pas réservée qu’aux communes en difficulté de moins de 10 000 habitants, mais « concerne l’ensemble des communes ». Il rappelait également que la cantine étant une compétence facultative, « il appartiendra en toute liberté (aux communes et EPCI) de décider de mettre en place une tarification sociale ».
C’est aussi le point de vue d’Agnès Le Brun, maire de Morlaix et rapporteure de la commission Éducation de l’AMF, interrogée ce matin par Maire info. « Pourquoi s’en tenir aux communes de moins de 10 000 habitants ? », demande-t-elle ce matin ? « Et surtout, est-ce que les communes qui pratiquent déjà la tarification sociale vont être, elles aussi, accompagnées ? L’expérience de ce qu’il vient de se passer sur la scolarisation à 3 ans nous a échaudés : il ne faudrait pas que systématiquement, les communes les plus vertueuses soient laissées de côté en matière d’accompagnement, cela crée une inégalité. »
Petits-déjeuners : qui va payer ?
Autre annonce de la secrétaire d’État – elle aussi prévue depuis septembre : la mise en place de l’expérimentation des petits-déjeuners gratuits dans les quartiers en difficulté. Dans son interview, Christelle Dubos rappelle que dans les « zones défavorisées, un enfant sur dix arrive en classe le ventre vide », et n’a donc « pas les mêmes chances d’apprentissage qu’un camarade qui a le ventre plein ».
Une étude du Crédoc de 2015, basée sur une enquête auprès des enseignants, donnait même des chiffres plus inquiétants encore : selon les 500 enseignants interrogés, si en moyenne 3 enfants par classe arrivent en cours sans avoir pris de petit-déjeuner dans les écoles hors éducation prioritaire, ce chiffre monte à 4,3 dans les écoles du réseau REP et 5,2 (soit 22 %) dans le réseau REP+.
Le Plan pauvreté annonçait donc en effet la création d’un « fonds petit-déjeuner au bénéfice des territoires prioritaires » sous forme de « dotation d’État dédiée ». Cette dotation, était-il expliqué alors, « sera attribuée après estimation du besoin, sur la base de diagnostics territoriaux réalisés en lien avec les communes, associant les parents et la communauté éducative ».
Christelle Dubos n’a guère donné de détails supplémentaires, ni sur le montant prévu de la dotation ni sur l’organisation matérielle de l’opération. Elle a simplement indiqué qu’une « expérimentation » serait lancée le 17 avril dans « huit académies », dont Amiens, Toulouse et Montpellier, avant une « généralisation en septembre ».
On peut noter que ce « fonds petit-déjeuner » n’existe pas en tant que tel dans le projet de loi de finances pour 2019, mais que celui-ci inclut une augmentation de 175 millions d’euros de la mission « solidarité, insertion et égalité des chances », dont une partie, expliquait alors le gouvernement, est destinée à financer « l’accès aux biens et services essentiels ». Dans son courrier du 12 février, François Baroin insistait sur le fait que cette mesure devait être « intégralement prise en charge par l’État », puisqu’il s’agit « d’éducation alimentaire faite sur un temps scolaire relevant de l’Éducation nationale ». Agnès Le Brun ne dit pas autre chose : « Qui va payer ? Qui va assurer le service ? Je doute que cela soit les enseignants. Cela va donc incomber aux Atsem – qui sont, je le rappelle, des personnels municipaux ? Cela pourrait demander toute une logistique, de la formation, des réaménagements d’horaire. Pour l’instant, nous ne savons rien de tout cela. »
La maire de Morlaix devrait rencontrer le ministre de l’Éducation nationale dans les prochains jours. On en saura probablement plus à l’issue de cette rencontre.
Franck Lemarc
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