Maire-info
Le quotidien d’information des élus locaux
Édition du jeudi 15 octobre 2015
Transports

Autocars Macron : un décret, mais toujours des interrogations

Hasard du calendrier, le congrès de la FNTV (Fédération nationale des transports de voyageurs) s’est tenu hier, le jour même où paraissait le décret très attendu réglementant les nouveaux autocars interurbains privés.
Côté FNTV, le congrès a naturellement réservé un accueil plus que chaleureux à Emmanuel Macron, l’homme par qui l’ouverture à la concurrence des autocars grandes lignes est arrivé. Les différents acteurs de la filière – cinq entreprises pour l’instant – se sont félicités du bon démarrage des lignes lancées jusqu’à présent (lire Maire info du 23 septembre), avec des chiffres de fréquentation jugés « satisfaisants ».
Quant au décret paru hier, il est conforme à ce qui était attendu (lire Maire info des 21 juillet et 23 septembre). La nouvelle autorité de régulation, l’Arafer, qui prend officiellement naissance aujourd’hui, aura pour rôle de juger si une ligne d’autocar représente une concurrence préjudiciable à un service public existant, en cas de saisine par une autorité organisatrice. Les règles sont les suivantes : une liaison par car supérieure à 100 km peut être ouverte sans déclaration, de façon totalement libre. En revanche, si la liaison est inférieure à 100 km en régions et à 40 km en Ile-de-France, elle doit être déclarée à l’Arafer. Dès lors, les autorités organisatrices (les régions, en l’occurrence), ont deux mois pour saisir l’Arafer. Si elles ne le font pas, la ligne peut démarrer. Si elles le font, l’Arafer instruit le dossier (deux à trois mois) et rend un avis conforme : interdiction, limitation ou autorisation de la nouvelle liaison.
Voilà pour la règle. Reste à savoir comment l’interpréter, et dans ce domaine de nombreux points restent assez flous. Pour pouvoir interdire une ouverture de ligne, précisent la loi Macron et le décret, il doit être prouvé que cette nouvelle ligne porterait une « atteinte substantielle »  à une ligne TER existante. Sauf que personne ne sait exactement à ce jour ce qu’est une « atteinte substantielle », notion subjective s’il en est. L’Arafer elle-même, dans un document exploratoire qu’elle a publié en septembre, le dit : « La notion d’atteinte substantielle à l’équilibre économique d’un contrat ne semble pas être définie en tant que telle dans la jurisprudence administrative ». Il reste donc les définir, et c’est ce à quoi l’Arafer s’est attelée depuis la rentrée. Cette « atteinte »  sera-t-elle définie en termes de fréquentation ? de recettes ? À partir de quelle baisse sera-t-elle jugée substantielle – 5 , 10, 30 % ? Voilà qui promet certainement de belles batailles juridiques en perspective, et le gouvernement, estiment certains experts, a pris un certain risque en ne définissant pas plus précisément cette notion.
Autre sujet qui reste en suspens : celui des gares routières. Comment va s’organiser le partage avec les points d’arrêts existants, la cohabitation dans les pôles d’échanges multimodaux ? Qui va payer, entre les transporteurs, l’État et les collectivités ? Tous ces points devraient être précisés dans une ordonnance qui devrait être publiée d’ici la fin de l’année.
Enfin, l’Association des régions de France a profité hier du congrès de la FNTV pour exprimer une fois encore ses « très vives inquiétudes »  sur l’évolution de la fréquentation des TER « sous l’effet de la concurrence des nouvelles lignes d’autocar ».
L’ARF ne mâche pas ses mots pour critiquer la SNCF : si celle-ci a su faire preuve d’une grande « capacité d’adaptation »  pour mettre rapidement en place une offre autocar (via sa filiale OuiBus), les régions souhaiteraient qu’elle « fasse preuve de la même capacité d’anticipation et d’initiative pour maîtriser ses coûts »  sur les TER. L’association rappelle que « la contribution des régions au TER a augmenté 4 fois plus vite que l’offre ». En clair, elle accuse la SNCF de profiter de son monopole sur le transport ferroviaire pour laisser exploser les coûts, alors que, confrontée à une situation de concurrence avec le car, elle sait les maîtriser.
F.L.

Télécharger le décret du 14 octobre.

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