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Édition du jeudi 16 novembre 2023
Société

Dérives sectaires : le gouvernement dévoile un projet de loi visant à durcir les sanctions pénales

Le texte, présenté en Conseil des ministres du 15 novembre, crée deux nouveaux délits, ainsi que des circonstances aggravantes pour mieux lutter contre les dérives sectaires. Le gouvernement a également mis au point sa stratégie nationale pour mobiliser les acteurs.

Par Bénédicte Rallu

Les dérives sectaires ont connu un « quasi-doublement entre 2015 et 2021 » , selon le gouvernement. Les premières Assises nationales de la lutte contre les dérives sectaires des 9 et 10 mars dernier (lire notre article) avaient donné lieu à un certain nombre de travaux dont la stratégie nationale et le projet de loi, présenté ce mercredi, tirent les conséquences.

La stratégie nationale de lutte contre les dérives sectaires est destinée « à mobiliser les pouvoirs publics ». Elle repose sur trois axes :  prévention, accompagnement des victimes, renforcement des outils juridiques. 

Campagne de sensibilisation

Une campagne nationale de sensibilisation et d’information du public, ainsi que des actions plus coordonnées et ciblées envers les élus et les professionnels sont annoncées. Celles-ci porteront essentiellement sur les réseaux sociaux (mise en place d’un circuit de signalements de contenus illicites et éducation à l’esprit critique – à noter que les grandes plateformes ne seront soumises, pour les questions de dérives sectaires, qu’au droit résultant de la future loi sur l'espace numérique dont le contenu est encore en cours de discussion au Parlement et qui transpose le « Digital service act »  européen), la protection des enfants exposés à des dérives sectaires, et l’action au niveau européen dans le cadre d’un observatoire européen des dangers liés aux organisations à caractère sectaire. 

Réseau territorial

L’amélioration du soutien et de l’accompagnement des victimes de dérives sectaires passera par la mise en place d’un réseau territorial. Dans chaque préfecture, des référents seront nommés et chargés d’organiser ce réseau avec les associations, les acteurs de l’aide aux victimes. Il s’agira aussi de mieux comprendre ces phénomènes en soutenant des travaux de recherche. Ces actions doivent permettre à terme de mieux accompagner et donc de mieux indemniser les victimes.

Le troisième volet de cette stratégie nationale porte sur le renforcement de l’arsenal juridique et se concrétise dans le projet de loi, premier texte législatif sur le sujet depuis la loi About-Picard du 12 juin 2001. Le texte comporte sept articles avec un accent particulier mis sur les questions de santé.

Le champ de la santé particulièrement visé

Un pan entier du projet de loi est consacré à ce champs qui concerne aujourd’hui 25 % des signalements à la Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaire (Miviludes). Est ainsi créé un nouveau délit dit de « provocation à l’abandon ou à l’abstention de soins ou à l’adoption de pratiques dont il est manifeste qu’elles exposent la personne visée à un risque grave ou immédiat pour sa santé » . Ce délit sera puni d’un an d’emprisonnement et 15 000 euros d’amende.

Par ailleurs, les parquets informeront les ordres des professionnels de santé (médecins, infirmiers…) des condamnations, même non définitives, et des placements sous contrôle judiciaire des professionnels soumis à leur contrôle. Autre innovation : dans les procédures judiciaires, le ministère public ou la juridiction saisie pourra solliciter les services de l’État, en particulier la Miviludes, pour les éclairer sur les mouvements sectaires ou phénomènes en cause. 

Délit de sujétion psychologique ou physique

Un autre chapitre du texte renforce la répression avec un article créant un nouveau délit pour le fait de placer ou de maintenir une personne dans un état de sujétion psychologique ou physique par « l’exercice de pressions graves ou réitérées ou de techniques propres à altérer le jugement ». Ce nouveau délit autonome pourra être puni de trois d’emprisonnement et 375 000 euros d’amende. Les victimes, qui subissent généralement une altération de leur santé physique ou mentale, pourront, de la sorte voir leur préjudice reconnu et donc mieux indemnisé. Ce délit de sujétion s’ajoute au délit déjà existant sur l’abus de faiblesse, qui subsiste.

Un autre article crée, au sein de code pénal, une circonstance aggravante pour les crimes et délits, les actes de torture et de barbarie, les violences sur mineurs ou sur personnes vulnérables et les escroqueries, commis dans un contexte de dérives sectaires. 

Les associations pourront se constituer partie civile 

Un troisième chapitre du projet de loi renforce l’accompagnement des victimes en permettant à un plus grand nombre d’associations luttant contre les dérives sectaires de se constituer partie civile pour mieux défendre les victimes. Aujourd’hui, seule l’Unadfi peut entamer cette démarche. Le projet de loi instaure un système d’agrément par le ministère de la Justice des associations concernées.

C’est la secrétaire d’État chargée de la Citoyenneté et de la Ville Sabrina, Agresti-Roubache, qui porte le projet de loi. Aucun calendrier quant à l’examen du texte par le Parlement n’a été révélé pour le moment. La ministre débute cependant la communication sur le texte en rencontrant, ce jeudi 16 novembre, les associations spécialisées dans la lutte contre les dérives sectaires, réunies pour l’occasion dans les locaux de la Miviludes. 

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