Maire-info
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Édition du mardi 1er décembre 2020
Social

Plus de la moitié des pauvres ont moins de 30 ans

L'Observatoire des inégalités prédit, dans un rapport, un avenir difficile aux jeunes qui subiront « l'essentiel des retombées économiques » de la crise. Mais avant même le covid-19, leur situation s'était dégradée. Pour soutenir la « génération covid » et plus largement les 5,3 millions de pauvres, l'Observatoire propose la création d'un revenu minimum unique.

Emmanuel Macron répondra, jeudi, aux questions du média en ligne Brut pour parler à la « génération covid », qui se disait, dans un sondage Ifop publié en octobre, « sacrifiée »  à la faveur de la crise. « Ils occupent les emplois les plus précaires et les « petits jobs »  non salariés (…) Les jeunes vont payer l’addition en matière d’emplois et de revenus (…) Un grand nombre d’entre eux seront laissés sur le carreau », est au regret de confirmer l’Observatoire des inégalités, qui a publié, le 26 novembre, la deuxième édition de son rapport sur la pauvreté en France. 
« L’inquiétude est d’autant plus grande que la situation des jeunes était déjà dégradée, avant même cette année noire. Entre 2002 et 2018, le taux de pauvreté des jeunes de 18 à 29 ans a déjà progressé de près de plus de 50 %, de 8 % à près de 13 % (…) du fait de l’ampleur du chômage, des bas salaires et de la précarité de l’emploi. »  Avec 22 % de pauvres, la situation est plus dramatique encore pour les jeunes de 18-29 ans qui ne vivent pas chez leurs parents. Parmi les 5,3 millions de pauvres en 2017 (l’Observatoire fixe le seuil de pauvreté à 50 % du niveau de vie médian, d’autres le situent à 60 % du niveau de vie médian), « plus de la moitié a moins de 30 ans ».

1,5 million « d’enfants de pauvres » 

La catégorie « jeunes »  recouvre aussi par définition les enfants et les adolescents. En 2017, 1,5 million d’enfants de moins de 18 ans vivaient dans un ménage dont le niveau de vie était inférieur au seuil de pauvreté de 50 % du revenu médian. Les moins de dix ans représentent 16,5 % de l’ensemble des personnes pauvres, soit près de 830 000 jeunes enfants. « La pauvreté des enfants résulte en premier lieu du fait d’être élevé par un adulte seul, le plus souvent la mère (…) La situation de leurs parents sur le marché du travail, marquée par la précarité, les bas salaires et le chômage est la deuxième cause de la pauvreté des enfants ». 
70 % des enfants élevés par des parents au chômage ou inactifs (souvent des mères qui ont décroché de l’activité au vu des conditions d’emploi actuelles) vivent, en effet, dans la pauvreté et près de 12 % des enfants vivant dans la pauvreté ont deux parents qui travaillent. « Selon les seuils de pauvreté définis par Eurostat, ces jeunes vivent au sein d’une famille qui dispose au maximum de 1900 euros par mois environ après impôts et prestations sociales pour un couple avec deux jeunes enfants, ou de 1440 euros dans le cas d’une famille monoparentale avec deux enfants aussi ». « C’est bien un maximum, insiste l’Observatoire. Beaucoup de ces familles disposent de bien moins que cela ».

Un revenu minimum unique pour protéger les 18-24 ans

« Collectées avant la crise de 2020 », les données présentées dans le rapport sont pour beaucoup déjà obsolètes. L’Observatoire en est conscient : « Personne ne sait dire avec précision à quel niveau nous en sommes à la fin de l’année 2020 », reconnaît Louis Maurin, le directeur de l’Observatoire. Ce que l’on sait, en revanche, c’est que « notre modèle social a protégé du pire une grande partie de la population ». 
La France reste, en effet, numéro un des pays de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) en matière de dépenses publiques sociales, écrivait, hier, Les Echos. Elle y a consacré quasiment un tiers de son produit intérieur brut en 2019 (32 %), « loin devant la Finlande (29,6 %), le Danemark (29,2 %), la Belgique (28,7 %) ou encore l'Allemagne (25,4 %) ». Une présentation qui interroge toutefois côté syndicats. Sur Twitter, Jean-Marie Bertho, président de l’Union régionale CFE-CGC en Bretagne se demande : « Quand l'OCDE parle des « dépenses sociales », ne mélange-t-elle pas les choux des dépenses publiques et les carottes des redistributions issues des cotisations sociales ? » 
Toujours est-il que « notre système social, très performant, n’est plus qu’à un doigt de parvenir (à éradiquer la pauvreté, ndlr), selon Noam Leandri, président de l’Observatoire. Pour cela, il faut mettre en place non pas un revenu universel mais un revenu minimum unique qui garantisse la sortie de la pauvreté des plus démunis, sans exclure personne, notamment les plus jeunes comme cela est le cas aujourd’hui ».
« Selon nos estimations, sept milliards d’euros suffiraient pour créer un revenu minimum unique assurant à tous les plus modestes 900 euros par mois pour vivre, ajoute Louis Maurin. Ce RMU assurerait principalement une hausse du niveau de vie d’environ 150 euros mensuels en moyenne aux allocataires du RSA ou de l’allocation de solidarité spécifique (ASS). Son principal atout serait de permettre aux jeunes de 18 à 24 ans (qui n’ont pas droit au RSA, ndlr) d’obtenir un minimum social qui leur est refusé jusqu’à maintenant »  alors qu’entre les 20-24 ans et les 25-29 ans, le taux de pauvreté chute de 13,5 % à 5,5 %, selon l’Insee.
Et le président de l’Observatoire de conclure sur un ton plus offensif : « La majorité au pouvoir, qui a largement soutenu le niveau de vie des plus riches, continue à faire la sourde oreille aux demandes pour plus de justice sociale (…) Le gouvernement risque bien de regretter plus tard son cynisme social ».

Ludovic Galtier

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