Maire-info
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Édition du mardi 25 avril 2023
Outre-mer

Mayotte : l'opération Wuambushu partiellement suspendue par la justice, dans un climat de violence extrême

L'opération de destruction des bidonvilles et d'expulsion des clandestins, à Mayotte, se heurte aujourd'hui à deux revers, alors que la tension est déjà extrême entre forces de l'ordre et « assaillants ».

Par Franck Lemarc

Les autorités avaient convoqué la presse, ce matin à 6 heures, pour le lancement d’une première opération de destruction d’un bidonville, baptisé le « Talus 2 », à Koungou, la deuxième ville de l’île. Mais au dernier moment, l’opération a été annulée. En cause, une décision du tribunal judiciaire qui a ordonné au préfet de Mayotte de « cesser toute opération d’évacuation et de démolition des habitats ».

Suspension

La décision du juge des référés n’a pas été publiée, mais selon les différents médias sur place, le juge aurait estimé que dans les conditions actuelles, l’opération constituait une « voie de fait », les conditions d’expulsion des quelque 85 familles habitant ce bidonville étant « irrégulières » . Selon France inter, la décision du juge des référés se rapporte à une précédente décision, du tribunal administratif cette fois, prise en février, interdisant la destruction d’une vingtaine de baraquements du bidonville. Le juge des référés aurait cette fois décidé qu’il était impossible de détruire les autres baraquements sans risquer de détruire celles qui étaient protégées, « du fait de l’enchevêtrement de ces habitats précaires et sans fondations solide » . Le juge des référés a également ordonné à l’État de trouver des « relogements adaptés pour chaque famille »  et de leur fournir des solutions pour stocker leurs affaires. 

Le collectif d’avocats qui défend les familles de ce bidonville parle ce matin « d’un moment extraordinaire de justice et de respect du droit des personnes » . A contrario, la députée Liot de Mayotte Estelle Youssouffa se dit ce matin « consternée »  par cette décision. 

Le préfet de l’île, Thierry Suquet, a immédiatement fait appel de cette décision, et affirmé que l’évacuation du Talus 2 aurait bien lieu « dans les prochains jours ». 

Fermeture des ports aux Comores

Autre revers pour l’État : les Comores voisines, dont sont issus la plupart des immigrés clandestins présents à Mayotte, a mis hier sa menace à exécution de ne pas accepter de recevoir les personnes expulsées par la France. Le gouvernement comorien a annoncé hier la fermeture du port d’Anjouan, et le premier bateau de la compagnie maritime SGTM, affrété hier par l’État pour ramener des étrangers en situation irrégulière aux Comores, a dû faire demi-tour. 

Le gouvernement des Comores, qui s’oppose à cette opération depuis des semaines, au motif qu’il n’a « pas les moyens »  d’accueillir un flux d’expulsés qui pourrait atteindre 20 000 personnes, a officiellement annoncé hier la fermeture du port d’Anjouan pour deux jours, jusqu’au 26 avril. Le ministre de l’Intérieur comorien, Fakridine Mahamoud, a déclaré hier que « tant que la partie française décidera de faire les choses de façon unilatérale, (…) aucun expulsé ne rentrera dans un port sous souveraineté comorienne ». 

Côté français, le préfet dit espérer une reprise « rapide »  des rotations. Rappelons que le gouvernement français n’est pas sans moyens de pression sur les Comores dans ce dossier, puisqu’une aide au développement de 150 millions d’euros est versée par la France aux Comores en échange d’une « coopération »  sur les questions d’immigration illégale. 

La députée Estelle Youssoufa, ce matin sur Franceinfo, s’est dite « inquiète »  du silence du Quai d’Orsay sur ce sujet, et a appelé à accentuer la pression sur les Comores, par exemple en « gelant les avoirs des Comoriens à Mayotte (ou) les visas pour les ressortissants comoriens », voire à renvoyer l’ambassadeur des Comores en France : « Quand on rappelle l'ambassadeur de Chine pour ses propos sur la Crimée, j'attends toujours qu'on rappelle l'ambassadeur des Comores qui se balade à Paris » , a-t-elle déclaré. 

Situation de chaos

En attendant, l’opération baptisée « Wuambushu »  continue de se dérouler, dans un climat de tension extrême – au point que l’opérateur de transports publics de l’île, Caribus, a annoncé hier la suspension de ses services jusqu’à vendredi, faute de pouvoir « garantir la sécurité des passagers et des agents ». 

Ce matin, en amont de l’opération prévue au Talus 2, des affrontements ont eu lieu entre forces de l’ordre et « jeunes du quartier » , tout comme avec ceux du bidonville « Majicavo Dubaï »  tout proche, selon l’AFP. 

Témoin de cette tension extrême : selon Le Monde, lors d’un affrontement entre la CRS 8 et « une centaine d’assaillants armés de machettes » , dimanche soir, les policiers ont fait usage « à douze reprise »  de leurs armes à feu, « vers le sol et pour faire fuir les assaillants » , ce qui est rarissime dans un contexte de maintien de l’ordre. Les forces de l’ordre ont compté 19 blessés à la suite de cet affrontement.

Dans ce contexte, les propos du vice-président du conseil départemental de Mayotte, Salime Mdéré, appelant sur la chaîne Outre-mer la 1ère, à « peut-être tuer »  des « délinquants », interpellent. « Ces délinquants, ces voyous, ces terroristes, à un moment donné il faut peut-être en tuer, je pèse mes mots. »  Face à une présentatrice estimant que de tels propos ne pouvaient être tenus sur une chaîne publique, l’élu a assumé : « S’il n’y en a pas un qui est tué, il y en a toujours d’autres qui vont oser tenter de tuer des policiers ».

On attend, ce matin, une prise de parole du ministre de l’Intérieur, voire de la Première ministre, pour donner la ligne qu’entend suivre le gouvernement dans ce climat de chaos. 

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