Maire-info
Le quotidien d’information des élus locaux

Édition du mardi 22 décembre 2020
Numérique

5G : le Haut Conseil pour le climat alerte sur ses « effets significatifs sur l'empreinte carbone du numérique »

Dans la bataille d'arguments qui accompagne les premiers déploiements de la 5G, le rapport de l'indépendant Haut Conseil pour le climat (HCC) va plutôt dans le sens des adversaires de cette nouvelle technologie mobile. Il est plus que vraisemblable, selon lui, qu'avec les nouveaux usages rendus possibles par la 5G, l'impact carbone du numérique se dégrade « significativement ».

Le déploiement de la 5G aura « des effets significatifs sur l’empreinte carbone du numérique ». Par rapport au maintien de la 4G, le surplus d'émissions de gaz à effet de serre, imputable à la 5G à l’échéance 2030 en France, est situé entre 2,7 et 6,7 millions de tonnes équivalent CO2. Publié samedi en réponse à une saisine du Sénat du 10 mars, le rapport du Haut Conseil pour le climat vient contredire les prédictions des opérateurs et du gouvernement, qui « estime que la 5G va entrainer une amélioration de l’efficacité énergétique d’un facteur 10 par rapport à la 4G d’ici à 2025, pour une amélioration à terme d’un facteur 20 et plus »  (lire Maire info du 14 décembre).

2,7 à 6,7 millions de tonnes équivalent CO2 supplémentaires

« L’ordre de grandeur agrégé des émissions occasionnées est significatif comparativement à l’empreinte carbone du numérique, qui s’élève à environ 15,1 Mt éqCO2 en 2020, mettent en perspective les experts, chargés depuis 2018 d'émettre des avis et recommandations sur la mise en œuvre des politiques et mesures publiques pour réduire les émissions de gaz à effet de serre de la France. Le déploiement de la 5G ne contribuerait donc pas au respect des budgets carbone (300 Mt éqCO2 en 2030, dont 30 Mt éqCO2 pour la production d’énergie) en augmentant les émissions liées à la production d’électricité entre 0,8 Mt éqCO2 et 2,1 Mt éqCO2 ».
Dans le détail, ces émissions de gaz à effet de serre supplémentaires seraient principalement dues à la fabrication des terminaux dont le renouvellement ou l’adoption pourraient se voir accélérés (smartphones mais aussi casques de réalité virtuelle, objets connectés, etc.) et celles des équipements de réseau et de centres de données. « Environ la moitié de l’impact carbone de la 5G serait due à la production de terminaux, part qui monte aux trois quarts si l’on ajoute la phase de production des terminaux, réseaux et centres de données. Seulement un quart de l’impact carbone de la 5G serait donc lié à l’utilisation des terminaux et des réseaux, résume le HCC. La première étape d’une maîtrise de ces émissions est donc la publication d’une stratégie quantifiée de réduction des émissions importées du numérique, intégrée à la feuille de route ''numérique et environnement'' en préparation ».
Malgré tout, « l’introduction de la 5G devrait conduire à une augmentation de la consommation d’électricité ». Une hausse comprise « entre 16 TWh et 40 TWh en 2030 », soit entre 3 à 8 % de l'électricité consommée en France. « Cette consommation a lieu lors de la phase d’usage des équipements, de l’infrastructure, et également des centres de données quand ils sont situés sur le territoire. » Le HCC demande ainsi de « vérifier que le déploiement de la 5G ne modifie pas substantiellement la Programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE) du fait d'une augmentation importante de la demande d'électricité »  et de « veiller aux inégalités qui pourraient naître du mouvement des prix de l'électricité sur le marché européen du carbone ».

« Évaluer les nouvelles technologies au regard du climat » 

Au nom du principe de précaution, inscrit dans la Constitution, le président du Sénat, Gérard Larcher, regrettait, en septembre, que l’on « déploie la 5G sans étude d'impact sanitaire et environnemental ». L’exécutif, Emmanuel Macron en tête, a, en effet, balayé toute idée de moratoire - quelques semaines après avoir garanti l’inverse aux membres de la Convention citoyenne pour le climat (lire Maire info du 16 septembre) - et les premières offres commerciales à destination du grand public ont pu, il y a quelques jours à peine, être lancées en grande pompe par les opérateurs.
A la lumière de ses conclusions, le HCC invite donc les autorités à réfléchir avant la distribution de nouvelles fréquences. Il recommande, à l’avenir, « d’évaluer les nouvelles technologies au regard du climat avant de décider des mesures accompagnant leur déploiement, au même titre que les impacts économiques, financiers, sociaux, sanitaires et environnementaux (dont l’empreinte matière, c'est-à-dire l'ensemble des matières premières mobilisées pour satisfaire la consommation finale d'un pays) des nouvelles technologies avant de décider des mesures accompagnant leur déploiement. Une telle évaluation aurait dû avoir lieu pour la 5G avant de décider d’attribuer les fréquences nécessaires. » 

« Le HCC ne prend en compte aucun des effets positifs attendus de la 5G » 

« Le HCC prend des hypothèses très agressives sur la hausse du trafic ou du nombre d'objets connectés, et il ne prend en compte aucun des effets positifs attendus de la 5G sur les autres secteurs d'activité : le transport, l'industrie, le bâtiment… », regrette, dans une interview aux Échos en réaction à la publication du rapport, Michaël Trabbia, directeur de la technologie et de l'innovation d'Orange, un des opérateurs sur lequel le HCC veut faire peser la maîtrise de l’empreinte carbone. Le raisonnement est similaire à l’Élysée, selon les informations de La Tribune.
Le HCC n’en demande pas moins aux autorités de « renforcer l’information du consommateur de la loi Agec (durabilité et réparabilité) par un affichage environnemental sur les produits électroniques mis en vente ». Une proposition de loi inédite pour faire converger les transitions numérique et écologique a été adoptée, le 16 décembre, en commission au Sénat. Dans la même veine, l'Arcep, qui vient de son côté de publier le premier observatoire des déploiements 5G, proposait la semaine dernière la mise en place d'une « régulation environnementale »  pour réduire l'empreinte carbone du numérique (lire Maire info du 18 décembre).

Ludovic Galtier

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