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Édition du jeudi 12 octobre 2023
Logement social

Logements sociaux : les sénateurs adoptent le renforcement du rôle des maires au sein des commissions d'attribution

Les sénateurs ont décidé d'accorder au maire la présidence de la commission d'attribution des logements sociaux et de lui octroyer un droit d'opposition. Les députés doivent désormais examiner ce texte.

Par A.W.

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La présidence des commissions d'attribution des logements sociaux (Caleol) et un droit d'opposition pour les maires. Les sénateurs ont adopté, hier, en première lecture, la proposition de loi (PPL) visant à renforcer le rôle des maires dans l’attribution des logements sociaux afin de leur « redonner la main ». 

Bien que membre de droit, le maire reste « isolé et dispose de peu de poids au sein »  de ces commissions créées par chaque bailleur social. Pour cette raison, les 80 sénateurs signataires de la proposition de loi ont proposé d’attribuer davantage de poids aux maires, un poids qui serait plus « cohérent avec les responsabilités politiques et juridiques qui sont les leurs pour assurer le logement de leur population et le développement de leur commune », selon les termes de l’exposé des motifs du texte. 

« Un premier pas modeste » 

Face à « la marginalisation des maires dans les commissions d'attribution », le Sénat a donc décidé d’accorder la présidence des commissions au maire ou au président d'intercommunalité dans les « quelques territoires »  où l’EPCI est à l'origine de la constitution d'une Caleol intercommunale.

Il a également choisi, lors de l'examen du texte en commission, de donner aux maires un droit de veto (plutôt qu'une voix prépondérante en cas de partage) sur les attributions, mais aussi de leur déléguer « systématiquement »   les droits de réservation de logements de l’État lors de la première attribution d’un programme neuf.

« Ce texte n'est pas l'alpha et l'oméga d’une réforme de fond du logement, [...] il n’est pas non plus une réponse aux errements de la politique de la ville, [...] ni le grand acte de décentralisation de la politique du logement promis par le président de la République, ni le retour d'un clientélisme local, [...] ce n’est pas la possibilité de donner aux maires de refuser tous les dossiers difficiles », a énuméré, dans l’hémicycle, la sénatrice LR des Yvelines, Sophie Primas, à l’origine de la PPL.

« Ce texte est un premier pas, modeste mais urgent, vers une décentralisation qui redonnera aux maires la responsabilité de la qualité de vie et de la bonne intégration [dans leurs communes] de toutes les populations. C’est préférer l’intelligence territoriale des élus locaux à celle des algorithmes ou des considérations financières des bailleurs sociaux », a-t-elle défendu, alors que la rapporteure et présidente de la commission des Affaires économiques Dominique Estrosi-Sassone (LR) a, de son côté, rappelé que de « nombreux [maires] déplorent un véritable sentiment de dépossession, ce qui fragilise leur volonté de construire ».

Avec ces trois leviers, la sénatrice des Alpes-Maritimes a estimé pouvoir ainsi « légitimer la construction de nouveaux logements sociaux ».

Si la ministre chargée des Collectivités territoriales, Dominique Faure, a dit « rejoindre ce mouvement de décentralisation », elle a considéré, en ouverture de séance, cette proposition de loi « légèrement incomplète, car elle confère plus de pouvoir aux maires sans augmenter leurs responsabilités ».

Un refus qui devra être motivé

Comme lors de l’examen du texte en commission, ces mesures ont surtout suscité le scepticisme des oppositions de gauche.

Opposé à l’instauration de l'avis conforme pour le maire dans l’attribution des logements sociaux, le tout nouveau sénateur écologiste de Paris Yannick Jadot a échoué à faire supprimer l’article unique de la proposition de loi puisque son amendement a été rejeté à 246 voix contre 99 (seuls les groupes socialistes, écologistes et communistes se sont ralliés à l’amendement).

À ses yeux, ce droit d'opposition du maire n’est « pas le bon levier »  car il porterait « les risques de clientélisme et de discrimination ethnique, religieuse et sociale ». « Nous ne comprenons pas comment un droit de refus du maire, qui serait un droit d’exclure, renforce son droit d'attribution », a-t-il expliqué, redoutant au passage le « risque de faire peser une pression encore plus grande sur le maire et de le mettre en difficulté ».

Afin d’éviter « les anathèmes, les caricatures et les raccourcis faciles », la sénatrice des Alpes-Maritimes a rappelé que la voix prépondérante du maire en cas d’égalité de voix dans les commissions n’est actuellement que « très peu utilisée »  et qu’il n’y a « pas d’obligation de la motiver ».

Avec ce texte, « le maire devra motiver son veto au vu de l’ensemble des critères sur lesquels il s’appuiera, il ne va pas l’utiliser de façon discrétionnaire ou arbitraire, mais, au contraire, on lui donne une base légale. C’est surtout un droit de négociation. Le maire va pouvoir négocier le plus précisément possible », a fait valoir Dominique Estrosi-Sassone.

Programmes neufs : création d'une commission

Par amendement, le gouvernement a, toutefois, préféré « clarifier »  les décisions de non-attribution car « celles-ci peuvent parfois être source d’incompréhension et d’inefficacité entre réservataires et bailleurs ». Leurs motivations devront donc être « parfaitement transparentes et partagées, et faire l’objet de discussions dans les instances locales chargées de définir la stratégie en matière de peuplement ».

À noter que deux autres amendements ont été adoptés en séance : l’intégration d'un membre du conseil départemental avec voix consultative dans les commissions et la création d'une commission de concertation de suivi des programmes neufs de logements sociaux. Présidée par le maire où sont implantés les logements en construction, cette dernière devra réunir « obligatoirement »  tous les réservataires d’un programme neuf avant que celui-ci ne soit livré.

« Favorable »  à ce texte, l’AMF rappelle, ce matin, que, pour les attributions et la mixité sociale spécifiquement, elle a « toujours souhaité que l’on conforte la place du maire en tant qu’autorité d’attribution de référence, réservataire de la majeure partie des logements sociaux ». « Avec l’adoption de la PPL, l’avis du maire sera désormais incontournable en Caleol, et non plus seulement celui du bailleur, ce qui devrait avoir pour effet de renforcer la collégialité au sein de la commission et mettre l’ensemble de ses membres en responsabilité dans les décisions d’attribution », estime l’association.

Le texte doit désormais être examiné par l’Assemblée, mais le sujet devrait être abordé dans le cadre du projet de loi de décentralisation voulu par le gouvernement. Celui-ci compte le présenter au « printemps 2024 », a annoncé la ministre des Collectivités territoriales. 

Consulter le texte adopté.
 

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